En étudiant une enzyme récemment découverte dans le génome d’Escherichia coli, l’équipe de Marielle Lemaire, laboratoire Synthèse et études de systèmes à intérêt biologique (SEESIB, CNRS/Université Clermont Ferrand 2, Aubière) et celle de Pere Clapés (Instituto de Química Avanzada de Cataluña-CSIC, Barcelone) se sont rendues compte que ce biocatalyseur était capable de fabriquer des analogues du glucose. Cette découverte, quelque peu inattendue, ouvre d’intéressantes perspectives dans le domaine des médicaments et des édulcorants. Elle vient d’être publiée dans la revue Angewandte Chemie avec le label VIP (very important paper).
Marielle Lemaire et son équipe poursuivent actuellement des recherches sur les maladies lysosomales, des maladies génétiques rares. Elles se caractérisent par un gène déficient donnant naissance à une enzyme, une glycosidase mal construite. Celle-ci est alors éliminée car non reconnue et elle ne peut plus remplir son rôle naturel. Cette déficience provoque l’accumulation toxique de métabolites (substrats naturels des enzymes) dans les cellules. Depuis quelques années, une nouvelle stratégie thérapeutique a été élaborée, basée sur l’utilisation de petites molécules capables de redonner à la glycosidase sa forme correcte et sa fonction de biocatalyseur. Ces molécules jouent en quelque sorte le rôle de « chaperon » favorisant ainsi la restauration des processus cellulaires naturels et l’enzyme mal construite peut alors arriver jusqu’à son lieu d’action. Elle peut ainsi reprendre sa fonction biologique et éviter l’accumulation toxique du substrat sur lequel elle est censée agir. Il s’agit donc pour les chimistes de concevoir des molécules chaperonnes ressemblant au substrat naturel d’une enzyme impliquée dans une maladie, la glycosidase par exemple, pour interagir plus fortement avec elle, ouvrant la voie à des traitements thérapeutiques.
Dans le cadre de leurs recherches sur la construction de nouvelles molécules chaperonnes, l’équipe de chimistes franco-espagnols s’est en particulier intéressée à une enzyme présente dans le génome d’Escherichia coli, nommée D-fructose-6-phosphate aldolase. Découverte récemment par un groupe allemand, son rôle naturel exact reste encore un mystère. Il s'agit d'un outil biologique facile à produire au laboratoire en grande quantité et acceptant de travailler avec une grande variété de molécules non naturelles. Son utilisation en synthèse organique dans des conditions douces et respectant les principes de la chimie verte permet aux chimistes organiciens d'accéder à des sucres de la famille du fructose en partant de simples produits commerciaux. C'est en l'étudiant de façon plus approfondie que les chercheurs ont découvert une capacité de biocatalyse encore jamais décrite à ce jour parmi l'ensemble des biocatalyseurs de cette famille d'aldolases. En effet, à leur grande surprise, il est apparu que cette enzyme est aussi capable de fabriquer des sucres de la famille du glucose. Ce résultat original permet d'élargir son champ d'applications et fait de ce biocatalyseur, un outil d'une exceptionnelle attractivité pour la recherche en chimie, notamment dans le domaine des médicaments.
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