mardi 8 septembre 2009

Le journal de Vince MAC VILLARD

VINCE MAC VILLARD. #1.

Le journal de Vince.

Premier septembre 2017.

« Maman est toute surprise par le fait que j’aie appris à lire et à écrire tout seul, et que je sache tant de choses à même pas quatre ans. Pourtant, ce n’est pas difficile ! J’écoute simplement ce que les précepteurs disent à mes frères et sœurs plus âgés, et c’est tout ! J’aime ce qu’ils apprennent, et je m’amuse bien avec eux. Ce qui serait bien, c’est si j’arrêtais de rêver des cannibales, la nuit ! Et quand c’est pas les cannibales, c’est des bêtes monstrueuses ! Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. Je viens d’avoir quatre ans. Ici et maintenant, j’ai quatre ans. Mais je suis en réalité bien plus vieux que ça. Je le sais. Je m’en souviens.

C’était un monde de glaces et de neige, aux hivers qui n’en finissaient pas, très froids, mais bien plus souvent ensoleillés que ce qu’on pourrait penser. Le ciel était bien plus souvent bleu et sans nuages que caché par les tempêtes des blizzards glacés. Nous vivions très heureux, tranquilles, sur un vaste territoire, entouré de clans amis. Nous chassions, pour vivre, des bêtes énormes, dont des espèces d’éléphants poilus avec des grandes défenses recourbées très jolies. Papa, enfin, le papa que j’ai ici, dit que ça s’appelait des mammouths et qu’ils sont morts depuis très longtemps, maintenant. J’aimais les mammouths. Ils étaient beaux, ils ne faisaient de mal à personne, et presque personne ne leur faisait de mal. Sauf, de temps en temps, les hommes, pour faire des réserves d’hiver.

Il y avait aussi des ours énormes, encore plus grands que les Grizzlys des Rocheuses, où nous habitons. Papa m’a dit qu’on appelait ça des ours des cavernes, et que ça aussi, ça avait disparu il y a très longtemps. Dommage. J’aimais bien les ours des cavernes, moi ! Ils mangeaient plutôt des plantes que de la chair, et ils dormaient, l’hiver, dans leurs grottes, sans se soucier de quoi que ce soit. Et quand parfois, on en tuait un, sa chair était savoureuse, et sa peau donnait des pelisses et des couvertures très douces, confortables et chaudes.

Je suis content. Le cahier où j’écris pour la première fois aujourd’hui, c’est Maman qui me l’a offert, quand elle a vu que je savais écrire et lire et que je ne faisais pas trop de fautes. « C’est pour que tu racontes ce qui te passe par la tête », m’a-t-elle dit. « On appelle ça un journal ». Je sais que c’est le tout premier de mes cahiers et qu’il y en aura bien d’autres après. Parce que j’ai tant de choses à raconter, des choses tellement étranges !

Des fois, je me demande si je suis bien Vince Mac Villard, comme on me nomme ici et maintenant. Je sais que c’est le nom pour ce monde-ci. Mais avant j’étais Alaï. Et je faisais des choses étranges avec les Esprits de la nature. J’aidais les gens malades et j’éloignais le mal d’eux ! Et je sais qu’il m’est arrivé quelque chose d’horrible dont je rêve toutes les nuits… Ils sont affreux, ils nous entourent tout d’un coup, mes amis et moi, et ils nous tuent pour nous manger ! ! ! Ils sont sales et ils sentent mauvais ! Et le pire, c’est que je n’étais pas tout à fait mort quand ils m’ont lié mains et pieds, comme aux autres, pour me passer sur une perche, et me transporter comme ça jusqu’à leur camp crasseux ! Et j’ai vu ce qu’ils faisaient des autres malheureux qui étaient avec moi… Notamment de la pauvre Maïaka, que j’aimais tant… À chaque fois, je me réveille au moment où ils vont la découper comme ils le font avec les autres… Les autres qu’ils ont mis à cuire comme on le fait avec les biches et les rennes ! Ces étrangers grands et maigres avaient attaqué mon clan alors que je vivais depuis plusieurs années avec le clan de Maïaka que j’avais épousée et de qui j’avais eu un fils. Mon jeune frère était venu nous prévenir, et quand tous les jeunes du clan de Maïaka, elle et moi en tête, d’ailleurs, sommes allés à la rescousse, nous sommes tombés dans leur piège ! Je crois que je suis mort peu après qu’ils aient mis Maïaka à cuire sur de larges pierres plates chauffées à blanc sur les braises de leur foyer… J’étais Alaï Taï Bokhr akhr Weren Rakhéïn akhr Hoïa Rinaïa.

Je ne sais pas comment ni pourquoi, je revis. Mais je revis dans la peau que j’avais à l’époque où j’étais Alaï ! Je le sais parce que tous les Mac Villard sont Noirs, et que moi, moi, je suis Blanc. Mais un Blanc bien bizarre ! ! ! Car je sais que je ne serai jamais comme les autres Blancs que j’ai vu parfois dans le coin… Je serai comme étaient les Rakhéïn, mon peuple, autrefois. C’étaient des gens plus petits que les Américains, par contre, ils étaient bien plus costauds que les joueurs de football et les quarterbacks les plus réputés ! Ils étaient des chasseurs terribles, ils connaissaient les bêtes et leur mode de vie, savaient leurs traces et ils avaient des plantes un savoir extraordinaire pour distinguer celles qui soignaient et tuaient parmi toutes celles qu’on pouvait manger ou non. Ils ne connaissaient pas les métaux. Ne savaient pas cultiver la terre, mais ils étaient sages et généralement pacifiques et bons, généreux et hospitaliers, aussi.

Jamais les miens n’avaient levé la main contre d’autres hommes, sauf peut-être très longtemps auparavant, du temps des pères de nos pères, et encore…

Je suis Alaï Taï Bokhr et je revis dans un monde qui n’est pas le mien et qui n’est pas fait pour moi. Et j’ai peur. Parce que je suis le seul à être comme ça. Le seul de ma sorte. Ce qu’ils appellent un Néanderthalien.

J’ai pris le grand dictionnaire de Papa, et j’ai cherché ce que pouvait être un Néanderthalien. Ce que j’ai lu m’a épouvanté. Dans l’article, il était dit que les Néanderthaliens étaient des hommes avec toutes les qualités qui faisaient les êtres humains, mais qu’ils n’étaient pas des Homo sapiens. Ils racontaient aussi comment, à partir d’un morceau de tibia d’un homme cannibalisé il y avait trente-huit mille ans, ils avaient pu apprendre plein de choses sur les Néanderthaliens. Qu’ils étaient clairs de teint et souvent de cheveux, qu’ils pouvaient être blonds, roux, ou entre les deux, comme moi, qu’ils pouvaient parler avec autant de facilité que les hommes modernes. Et ça c’est vrai. Papa dit que j’ai été vacciné à l’aiguille de phonographe ! Ça non plus, je ne sais pas ce que c’est. Je verrai demain dans le grand dictionnaire. J’aime bien le dictionnaire. On y apprend plein de choses.

Tout ça pour dire qu’ils avaient fini par connaître tous les secrets de l’homme de Néanderthal en 2012. À partir de ce bout d’os cuit et fossilisé qui conservait un peu d’ADN. Moi, il paraît que je suis né le premier septembre 2013. Mais qui a été la femme qui m’avait en elle avant que je naisse ? Et comment ont-ils pu prendre l’ADN de ce pauvre nomme mort il y a si longtemps, trouvé à Vindija en Croatie, en 1980, dénommé V80… Est-ce que, par hasard, c’est moi ? Qu’on m’a fabriqué avec les restes de V80 ? Et que c’est sa vie que je revois toutes les nuits, que c’est sa vie, tous ces souvenirs bizarres que j’ai ? Alors… Je suis LUI ? Il faudra que je demande ça à Tonton Wilford. Il sait tant de choses ! Et il m’aime beaucoup !».

Prudence Mac Villard ferma le vieux cahier à la couverture cornée et maculée de taches d’herbe et tamponna ses yeux. Son drôle de petit ange blond mort dans les flammes d’un volcan avait laissé toutes ses pensées, tous ses rêves dans ces cahiers qu’il remplissait consciencieusement presque tous les jours depuis l’anniversaire de ses quatre ans. Et il s’y trouvait toujours l’histoire d’Alaï, le gentil chaman Néanderthalien tué par des ennemis mystérieux qui semblaient, d’après les descriptions écrites soigneusement par Vince, les tous premiers hommes modernes venus en Europe…

Il s’y trouvait aussi les questionnements, les angoisses d’un être totalement déraciné et désespérément seul, malgré l’amitié et l’amour qu’on pouvait lui vouer. Il était si proche et si différent en même temps. Et pourtant, ses rêves, ses aspirations, ses peurs, ses angoisses, ses questionnements étaient les mêmes que ceux que les hommes modernes ressentaient eux aussi, parfois. Dès sa plus tendre enfance, Vince avait fait montre d’une maturité, d’une intelligence hors du commun, mais s’il était mort à l’âge de quinze ou seize ans, selon ses souvenirs, il était alors tout juste adulte, pour un Néanderthalien, et doté de la maturité nécessaire pour comprendre bien des choses.

Base Intertemporelle γ, 10 mars 3009.

Les Gardiens des Siècles surveillaient étroitement le Max Planck Institute de Leipzig depuis qu’on avait décrypté totalement le génome néanderthalien.

Ils avaient donc assisté aux méfaits d’un trust international qui vola les gènes précieux de V80, et à la folie qu’ils commirent en le clonant à partir de ces gènes… Ils surent ce que ce trust voulait en faire, aussi surveillèrent-ils soigneusement et la famille Mac Villard, et les gens du trust. Ainsi purent-ils être à pied d’œuvre pour récupérer in extremis le jeune homme perdu et désespéré qui allait découvrir de drôles de bipèdes, ses semblables, qui s’avéraient tout aussi aimables et sympathiques que lui-même.

L’hélicoptère de la Genetics Devilvalley Corporated plongeait droit dans le cratère en fusion d’un des volcans des Rocheuses septentrionales, au Canada.

Vince, aux commandes, qui savait parfaitement piloter ce type d’engin, il l’avait appris de Wilford Priest, le P.D.G. de la Genetics Devilvalley Corporated, faisait sciemment plonger l’engin dans le brasier. Il ne fallait plus qu’aucun savant fou ne le ressuscite à nouveau… Il avait appris, malgré le fait que « Tonton » Wilford ne le mentionnât jamais, ce que voulait faire sa société multinationale de lui, au départ, tout comme les visées de la C.I.A. et de la N.S.A.. Et cette idée était profondément inique et abominable. On voulait utiliser ses gènes pour créer des surhommes qui en même temps seraient de parfaits esclaves ! C’était intolérable ! Wilford Priest avait réussi à éviter le pire jusqu’à présent, mais le jour où il mourrait, il était certain que son destin, à lui, le Néanderthalien cloné, changerait du tout au tout, et que sa famille d’adoption courrait un grand danger ! Comme ses amis, les Indiens de la réserve voisine de l’endroit isolé des Rocheuses où il avait grandi, avec sa famille adoptive, entouré d’amour et d’amitié, et isolé des vicissitudes du monde et de la société modernes. Il ne voulait pas mourir, malgré tout, tout en le désirant ardemment, lui qui était unique en son genre dans ce monde où ses semblables avaient disparu depuis trente-mille ans ! Il avait tant à découvrir et à apprendre encore, il aurait peut-être même pu trouver une fille qui aurait pu l’aimer, en dépit de ce qu’il était au départ… Seulement, les margoulins des agences gouvernementales ou non, les actionnaires du trust, le guettaient, dans l’ombre, comme une hyène sa proie.

Sa chute semblait ne jamais devoir se terminer… Et au moment où l’hélicoptère explosait en touchant la lave, à l’ultime seconde, le décor changea soudain !

La nouvelle recrue.

Il était à présent dans un endroit étincelant de propreté, sur le seuil d’une étrange porte lumineuse branchée à des câbles impressionnants, dans une immense salle pleine d’ordinateurs auxquels étaient installées plusieurs personnes vêtues d’espèces d’uniformes immaculés, dont certaines se payaient des tronches pas possibles, des tronches comme la sienne !

Sidéré, il regarda venir à lui les deux quidams qui venaient de quitter ce qui semblait être, de toute évidence, la console principale du lieu. D’ailleurs, ces deux-là semblaient les gradés de l’équipe, leur uniforme blanc, sans manches, était orné d’un liseré d’or sur tous les ourlets. Malgré leur tenue, ils étaient pieds nus, et c’était plutôt comique. Ils n’étaient pas plus grands que lui, bâtis en force, et les bras qui sortaient des casaques de leurs uniformes étaient tout aussi musclés, sinon davantage encore, que les siens ! Lesdites casaques moulaient des torses impressionnants, bosselés de muscles, et les têtes des deux gars n’avaient rien à envier à la sienne !

«- Eh bien alors, Vince Mac Villard, alias V80, alias Alaï Taï Bokhr, finir cuit une fois ne t’a pas suffi ? Et en plus, par Maïa, tu allais rôtir tout vif, cette fois ! Non mais quelle idée ! De très mauvais goût, ceci dit ! riait le Néanderthalien brun, donnant une bourrade à son pote blond qui riait tout autant !

- Et finir bouffé par les ancêtres de cette espèce de moderne Marseillais-là ! rit à son tour le blond, désignant un moderne de taille moyenne et un peu replet, chevelu et barbu comme un beatnik, Alors que celui-là, il serait un peu végétarien ! Pas tout à fait, parce qu’on le rééduque un peu, mais il aurait une nette tendance à ne bouffer que de l’herbe, si on le laissait faire ! ! ! riait à son tour le blond, presque son sosie à lui, Vince.

- Mais… Mais où suis-je ? Et qui êtes-vous ? s’entendit-il dire, médusé.

- Ben, des espèces d’anges gardiens ! rit le brun. Les anges gardiens de la gent néanderthalienne, en fait !

- Et même des anges gardiens des siècles ! renchérit le blond, tout aussi amusé.

- Anaïak, Maïn, ce pauvre petit est passé par des épreuves terribles, et vous, tout ce que vous trouvez à faire, c’est de raconter des vannes, au lieu de l’accueillir dans les formes et un peu plus calmement que ça ! Mais vous êtes vraiment une paire de sales gosses ! reprocha le moderne d’un ton aimable mais néanmoins amusé. Monsieur Mac Villard, vous êtes ici dans la base intertemporelle γ où nous avons recueilli nombre de vos semblables, qui, eux, pour la plupart, sont nés et ont vécu en pleine préhistoire, et n’ont pas été clonés, contrairement à vous, à partir des restes d’un malheureux mort d’une façon bien terrible ! Mais parfois, ils ont vraiment un humour qui n’engage vraiment qu’eux ! expliqua, aimablement, le moderne.

- Mais… Je ne suis pas entre les mains de la C.I.A. et de la N.S.A. ? s’enquit enfin le pauvre Vince, frissonnant, et des sueurs froides s’écoulant de son échine.

- La C.I.A. ? La N.S.A. ? Késako ? fit le Néanderthalien blond, Maïn, amusé. Le Centre des Incapables Associés ? La Nullité Suprême Absolue ? Ici, ceux-là, eh bien, ils vont trouver à qui causer s’ils te cherchent des poux dans la tête, à toi ! déclara le Néanderthalien blond, dans l’anglais familier des rappeurs américains, à sa grande stupeur.

- Je ne sais pas où vous avez appris l’anglais, vous, mais on croirait entendre Eminem ou Snoop Dogg ! rit Vince. Des Néanderthaliens qui parlent gangsta ! On aura tout vu ! À croire qu’il t’est arrivé la même chose qu’à moi, mais que toi, tu serais tombé dans les quartiers de Los Angeles ! rit Vince. Et à croire que tu es un autre clone de V80 ! fit-il. Tu me ressembles ! Où je te ressemble, d’ailleurs.

- Bah, je suis peut-être l’ancêtre de ce pauvre V80, parce que moi, tout comme l’espèce de noiraud, là, dit Maïn, désignant son brun copain Anaïak, je sors, comme la plupart des Néanderthaliens qui sont ici, du centième millénaire avant Jésus-Christ ! Toi, tu es un jeunot, par rapport à nous autres ! Et encore plus depuis qu’on t’a cloné, mon pauvre vieux ! Quant à parler gangsta, disons que j’ai vécu une aventure assez tordue moi aussi, sauf que je sors vraiment d’un campement préhistorique, au départ, moi ! Allez, viens, on ne te mangera pas… Euh, désolé ! ! ! Moi et ma grande gueule ! s’interrompit Maïn, voyant l’énorme bourde qu’il venait de commettre, ce qui lui valut d’ailleurs, un regard très noir de son copain, et du moderne, ainsi que des regards sidérés des autres personnes réunies là, dont une Néanderthalienne absolument magnifique qui semblait toute d’argent et d’améthystes, lumineuse et souriante. Subjugué, Vince la regardait, sans oser en détacher son regard !

«- Ah non, non, et non ! rit-elle, finalement. Moi, j’ai déjà un blondinet à la maison, Maïn La Gaffe, ici présent rit-elle, taquine, venant tirer les trois poils fauves qui dépassaient de l’encolure de la tunique de son mari qui poussa un vrai glapissement !

- Aïe, mais ça fait mal, ça, Nouka ! reprocha-t-il.

- Oui, mais ça t’apprendra à tourner sept fois ta langue dans ta bouche avant de parler ! Mais enfin, Maïn, tu pourrais rebrancher ton cerveau, de temps en temps ? Est-ce que tu te rends compte de ce que tu viens de dire ? Et pourtant, toi, niveau cannibales, tu as été servi aussi, s’il m’en souvient ! Ce pauvre petit gars rêve toutes les nuits depuis qu’il est tout petit de sa mort précédente, le pauvre petit ! dit « Nouka », apitoyée.

- Comme moi je revoyais sans cesse la mort des miens ! Et c’est toi, qui finalement m’en a guéri ! Je suis désolé, Nou ! dit Maïn, sincèrement contrit.

- Oui, ben le principal concerné, c’est tout de même ce jeune homme, là ! dit la Néanderthalienne argentée et irisée.

- C’est vrai que celle-là, quand même, elle était velue ! rit à son tour une Néanderthalienne rouquine aux yeux d’un vert presque semblable aux siens et à ceux de Maïn. Ta femme a raison ! Tu ne serais pas le président des C.P.F., parfois ? riait-elle, franchement amusée.

- Mais, Wang-Ka, je l’ai pas fait exprès ! fit Maïn, plus qu’écarlate !

- Oui, ben encore heureux ! Allez, suis-nous, Vince ! On va te montrer où tu vas pouvoir commencer ta nouvelle vie, et plus désespérément tout seul, cette fois ! », dit la petite femme rousse, d’un ton sans réplique. Celle-là aussi, Vince la trouvait diantrement jolie. Il ne pensait pas que les femmes de Néanderthal pouvaient être jolies, d’après ce qu’il avait lu dans les livres, et pourtant, Maïaka, la femme qu’il avait aimée dans sa première vie pouvait rivaliser sans craintes avec ces deux femmes d’argent et de feu ! Mais c’est vrai qu’elles étaient franchement attirantes, surtout la rousse !

«- Ah oui, mais celle-là, c’est MA femme ! rit Anaïak.

- Pardon ? fit Vince, fasciné et perdu dans ses pensées.

- Wang-Ka, c’est ma femme ! Calme-toi, petit, les jolies filles, ici, et célibataires, ça ne manque pas, dans le coin ! Toi, tes hormones te travaillent ! Mais à mon avis, tu ne vas pas tarder à faire des rencontres intéressantes ! expliqua Anaïak, aimablement, amusé, au pauvre jeune homme médusé.

- Mais… Comment… demanda-t-il, confus.

- Tu crois que ta télépathie est une exclusivité ? Eh bien non ! Tous les Néanderthaliens sont télépathes, au départ ! Et ton esprit criait à tous vents ton admiration sincère pour Délian-Ka et Wang-Ka, qui, il est vrai, sont superbes, pour ne pas dire absolument magnifiques, ce qui me rassure quant à mon bon goût, tout de même ! expliqua Anaïak, d’un ton plaisant.

- Allez, arrête de chambrer ce garçon, il a besoin de se remettre de ses émotions ! Voilà ! Ceci est ton nouvel univers ! Tu es ici dans tes quartiers, et si tu as quelque chose à demander, un truc que tu ne comprendrais pas, mais ça m’étonnerait, nous ne sommes pas loin ! Installe-toi, repose-toi un peu. Nous viendrons te récupérer tout à l’heure. Tu vas faire la connaissance de toute l’équipe rétro de la base intertemporelle et de quelques modernes sympas et fréquentables aussi ! expliqua gentiment Délian-Ka, dite Kanou ou Nouka.

- Mais… Et mes parents adoptifs ? Ils doivent être au désespoir, les pauvres ! dit Vince, au bord des larmes.

- Tu pourras leur envoyer un message tout à l’heure, ne t’en fais pas, d’autant que nous les récupèrerons eux aussi le moment venu ! Repose-toi bien en attendant, tu es passé par de sacrés moments, là ! À plus tard, Vince, ou plutôt, Alaï, d’ailleurs ! dit aimablement Wang-Ka.

- À bientôt ! Et merci de m’avoir sorti de ce pétrin ! dit-il, perplexe.

- Pas de quoi ! À tout à l’heure !».

Et le quatuor de Néanderthaliens, toujours flanqué du moderne qui semblait être le directeur de la base, s’éloigna.

Début d’une nouvelle vie.

Vince fit le tour de son nouveau domaine, perplexe. C’était une vaste chambre au décor épuré, blanc, au sol noir, dotée d’une grande baie vitrée qui donnait sur une grande véranda. Il y avait un large lit, des meubles très design, et, au-dessus, une trappe qu’il pouvait ouvrir en tirant une sorte de manette, ce qu’il fit. Un escalier d’écoutille se déplia.

Il découvrit une sorte de petit salon, qui pouvait servir de chambre d’appoint, une vaste salle de bains, et une kitchenette. Il y avait aussi deux portes et une petite fenêtre. La première porte donnait sur un corridor, et la seconde, qu’il tenta d’ouvrir, était fermée. Mais on déverrouilla de l’autre côté, et la tête chevelue et hirsute d’un Néanderthalien aussi brun qu’Anaïak apparut :

«- Ah, c’est toi qu’ils ont récupéré tout à l’heure ! Sois le bienvenu ici ! Je suis Niya Aïak Bokhr ! dit le gars.

- Ben moi, Vince Mac Villard, et j’étais, dans ma première vie, un dénomme Alaï Taï Bokhr, à croire que je sortais de votre tribu, tiens ! fit-il, perplexe.

- Oh, ça, il y a de fortes chances. Tu dois êtres un Rakhéï, comme Maïn, toi. Moi, je suis un Marrakhéï, un peuple apparenté aux Rakhéïn.

- Je voudrais savoir quelque chose… fit Vince, pensif.

- Oui ? fit Niya, intrigué.

- Où est-ce que je peux trouver à manger ? Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai une de ces faims ! ! ! dit-il.

- Ah mais, les émotions, ça creuse ! Allez, viens voir par ici, j’ai de quoi te calmer ton creux, par là ! rit Niya.

- Mais… Je te dérange, là ! fit Vince, confus.

- Bah, nous étions, justement, ma femme et moi, en train de nous faire un bon goûter ! Un five o’clock tea, même ! rit Niya.

- Oh, mais je ne voudrais pas abuser ! fit Vince, un peu gêné.

- Bah, plus on est de fous, et plus on rit ! dit une joyeuse voix féminine. À la menthe ou la bergamote, le thé ?

- Bergamote, s’il vous plaît ! sourit Vince, pénétrant enfin dans l’antre de son voisin. Il y découvrit une très jolie femme blonde aux yeux de ce même bleu vert que ceux de Maïn à qui elle ressemblait, d’ailleurs.

- Je suis Kaïra, la jumelle du Gaffeur du Moustérien ! rit-elle, l’invitant gentiment à prendre place sur le canapé qui se trouvait là.

- Moi, je suis Vince Mac Villard, mais j’étais Alaï, autrefois ! dit-il.

- Oh, ça, on le sait ! On a fait partie de ceux qui te surveillions quand tu étais au vingt-et-unième siècle ! On connaît toute ton histoire. Et quelle histoire ! dit-elle, songeuse.

- Oh, Kaïra, mais quelle merveille ! s’exclama Niya, d’un ton ravi, avisant ce que contenait une sorte d’écuelle en bois sculptée.

- Qu’est-ce que c’est ? s’enquit Vince, intrigué.

- Goûte, tu m’en diras des nouvelles ! Viande d’aurochs séchée et baies diverses ! Un régal ! Et avec ce moderne thé assez anachronique, l’illustration parfaite de ce qu’est la base intertemporelle γ où époques et peuples se télescopent un peu dans la plus parfaite harmonie malgré tout ! sourit Kaïra.

- En fait, tu fais une nouvelle recrue tout à fait remarquable pour les Gardiens des siècles, toi ! ajouta Niya.

- Mais, et si vous m’en disiez plus ? demanda Vince.

- Eh bien, c’est une sacrée histoire que celle des Gardiens des Siècles, et pour tout te raconter, on en y mettrait, des siècles, justement ! rit Niya.

- Mais ici, on a des méthodes d’enseignement rapides dans le sommeil, et c’est incroyable tout ce qu’on peut apprendre en un rien de temps, un vrai bonheur ! renchérit Kaïra.

- Ça alors ! Mais qui a conçu cet endroit incroyable ? s’enquit Vince.

- Des modernes du trentième siècle. En fait les bases intertemporelles ont été créées pour contrer leurs projets insensés ! dit Niya. Mais tu sauras tout en détail pendant ton enseignement dans le sommeil, ce qu’on appelle une hypnopédie, ici ! sourit-il.

- Tu as tant de choses à apprendre et à découvrir, ici ! ajouta gentiment Kaïra.

- Mais, et vous autres, ça n’a pas été trop difficile, pour vous, de vous habituer à cette nouvelle vie ? s’enquit Vince, intrigué.

- Toi, ta phase d’adaptation au monde moderne, tu l’as eue en te retrouvant cloné et élevé par des modernes… Pour nous autres, ça a été plus ou moins difficile ! dit Niya. Moi, j’avoue que j’avais du mal à me sortir de mes superstitions, et j’ai pourri la vie de Délian-Ka, ma première femme, avec ça… expliqua-t-il, un peu confus.

- Oh mais moi, je lui remets de temps en temps le silex à sa place ! rit Kaïra. C’est qu’il n’est pas méchant, mais alors, les traditions des Rakhéïn et autres, à notre époque, c’était pas vraiment le féminisme à tout crins ! Alors, je fête la non-journée de la femme tous les jours, histoire de le faire descendre de son arbre ! acheva-t-elle, espiègle.

- Et en plus, franchement, tu te paies une de ces allures, dans ces nippes modernes ! fit Niya, le regardant d’un œil critique.

- Ben oui, peut-être, mais je n’allais tout de même pas me balader à poil ! fit Vince, se regardant d’un air dubitatif.

- Oui, ben j’en connais qui vont te faire une garde-robe un peu plus adaptée, tout de même ! C’est vrai qu’un Néanderthalien nippé comme un red neck, tout de même, c’est ridicule… dit Kaïra.

- Ben oui, mais j’aurais eu l’air de quoi, nippé comme vous, au sein de la famille Mac Villard ? Non que vous soyez mal vêtus, mais votre style est quand même assez décapant ! Et ces tatouages ! À l’époque d’Alaï, ils n’étaient plus tatoués, même s’ils continuaient à dessiner des spirales sur leurs vêtements ! On racontait une histoire terrible, d’Esprits volants qui enlevaient les Rakhéïn tatoués pour prendre leurs peaux et du coup, Moïa leur avait suggéré de décorer leurs vêtements, pas de se taguer eux-mêmes ! Mais c’est vrai que vos vêtements sont beaux. Amusant de voir que la mode du trentième siècle ne vous a pas vraiment traumatisés, à vous autres, mais c’est vrai que je me suis trouvé toujours affreux, nippé comme le reste de la famille Mac Villard, et que peut-être me trouverais-je enfin pas trop moche une fois arrangé à votre sauce… Mais pas de tatouages, hein, j’ai toujours eu horreur des piqûres, et j’ai eu plus que mon lot de ces saloperies, gamin, parce qu’on me prenait des cellules-souche dans les os, mais bon sang de bois, qu’on ne me tatoue ni ne me fasse quoi que ce soit comme ça, sinon je ne réponds plus de rien, pour aussi content que je sois d’avoir retrouvé des gens comme moi ! ! ! dit le jeune homme, visiblement très paniqué.

- Les chercheurs du trust qui t’a cloné t’ont traité comme un cobaye, c’est ça ? Et les Mac Villard n’en ont jamais rien su, parce que tu ne connaissais rien d’autre, et ils t’ont littéralement martyrisé, ces monstres ! Et après c’est nous qu’on traite de sauvages ! On croit rêver ! fit Niya, horrifié.

- Mais… Je n’en ai jamais rien dit ! fit Vince, effaré.

- Ton esprit a hurlé cette souffrance cachée. Tu l’oublies encore, que nous sommes télépathes et que nous ressentons tout ce que les autres ressentent ! sourit Kaïra.

- Oui, et ici, c’est étonnant, mais je me sens tranquille, heureux, et même chez moi, comme chez les Mac Villard, mais encore plus que ça ! J’ai vraiment l’impression de revivre, et pas seulement au sens littéral du terme ! En tout cas, merci de m’avoir sorti de la situation inextricable où je me suis retrouvé !».

Le jeune homme réintégra ensuite son nouveau domaine, et s’allongea sur le grand lit confortable, idéalement ferme. et il s’endormit. Pour la première fois de sa vie, il ne fit pas de cauchemar.




Épisode précédent:

Le syndrome de Néanderthal



Le syndrome de Néanderthal 2



Le syndrome de Néanderthal Fin


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