mercredi 29 juillet 2009

Le nazisme renaissant sur internet

Source : canadianlawyermag.com

Comment fonctionnerait la censure à l’ère d’Internet ? L’Australie nous donne un aperçu édifiant de ce qui se passe lorsqu’on applique un mode de pensée moyenâgeux à un monde câblé.

Le gouvernement australien a officiellement banni 1.370 sites internet. Il a dressé une liste noire, comme le bon vieux répertoire médiéval des livres interdits. Pour l’instant, c’est un projet expérimental auquel les fournisseurs d’accès à Internet peuvent participer. Si l’expérience est concluante et donne lieu au vote d’une loi, quiconque se connectera à un site figurant sur la liste noire, pourra se voir infliger une amende de 11.000$ (canadiens) par jour. Ce qui signifie que le simple fait de reproduire l’adresse d’un site interdit constituera un crime, indépendamment de la fourniture de son contenu.

Et ce n’est pas comme bannir un livre ; en réalité, ça consiste à bannir un livre et condamner quiconque mentionnerait son titre ; c’est bien au-delà du bannissement.

Si la liste est secrète, comment s’interdire de consulter les sites ?

Le piège de l’affaire réside dans le fait que le gouvernement ne divulguera pas la liste des 1.370 sites bannis. Elle est secrète ; en d’autres termes, il existe 1.370 sites dans la nature qui pourraient vous valoir une condamnation en Australie. Le problème est que vous ne les connaîtrez pas jusqu’à ce que vous vous connectiez à l’un d’entre eux. Comme dans Alice au pays des Merveilles. La logique derrière tout ça est la suivante : si le gouvernement australien dressait la liste de ces 1.370 sites bannis, non seulement il violerait sa propre règle, mais publier la liste lui ferait de la publicité. Parmi les milliards de pages web accessibles sur Internet, on attirerait l’attention sur les 1.370 sites, invitant ainsi les curieux à aller les consulter.

Bien entendu, ceux qui ont établi la liste noire secrète connaissent son contenu. Mais, semble-t-il, on peut leur faire confiance pour ne pas succomber à la tentation d’aller la consulter. La liste a été communiquée à un nombre restreint de fournisseurs d’accès à Internet en Australie. Ça n’a pas très bien fonctionné. Une fuite s’est produite au bénéfice de Wikileaks, la bête noire des gouvernements, spécialisée dans la publication de documents confidentiels.

Et c’est là que les choses deviennent encore plus dingues ; Wikileaks a publié la liste noire sur une de ses pages ; en conséquence, cette page de Wikileaks a été ajoutée à la liste noire, devenant ainsi le 1 371ème site banni.

Sur la liste noire, sites porno et … site pour louer des chariots élévateurs

Inutile de préciser que j’ai tenté de parcourir la liste des sites bannis. La plupart sont des sites pornographiques ; certains comportent même des noms suggérant qu’ils traitent de pédophilie ; un crime. Mais n’est ce pas à ça que servent les tribunaux ? Le problème est que la liste noire australienne n’a pas été établie par un tribunal ; on n’a pas entendu dire qu’il existait des preuves que ces sites fussent criminels. C’est tout simplement un groupe de militants actifs dans le domaine des droits de l’homme qui l’a dressée. De nombreux sites se limitent à de la pure provocation ; ils ne sont pas illégaux pour autant ; certains ne présentent même strictement aucun danger. Pour quelle obscure raison le site www.vanbokhorst.nl est-il sur la liste ? Si vous ne vivez pas en Australie, n’hésitez pas à le consulter ; ce n’est nullement un site pornographique ; mon néerlandais est un peu rouillé mais ça semble être le site d’une société de location de chariots élévateurs en Hollande !

Comment Van Bokhorst a-t-il pu se retrouver sur la liste noire australienne ? La société n’a sûrement pas beaucoup de clients en Australie ; et quand bien même ; comment se fait-il que quelqu’un prenne des décisions secrètes sur ce que les Australiens ont le droit de voir ou pas ?

On constate ce genre de censure dans d’autres pays ; et pas seulement en Chine communiste. Au nom de la protection de ses citoyens contre la pornographie enfantine, la Thaïlande a établi une liste similaire. Mais – oh surprise ! – au fil des mois, elle s’est enrichie ; notamment de 1.200 sites bannis pour avoir critiqué la famille royale. Une liste secrète aux mains d’un gouvernement garantit à coup sûr ce genre d’abus politique.

Et aussi, des sites de poker en ligne et pro-avortement

La liste expérimentale australienne contient de nombreuses données très discutables ; qui ne se limitent pas aux noms de sociétés néerlandaises de chariots élévateurs. Des centaines de sites de poker en ligne y figurent. Contrairement à la pédophilie, le poker n’est pas un crime, tout au plus un vice ; ça relève donc d’un débat politique ; un débat auquel la liste australienne a mis un terme ; avec force. Un site politique traitant de l’avortement vient d’y être ajouté ; vous imaginez facilement la thèse qui a été censurée ; dans tous les cas, il ne s’agit que d’une abominable censure.

On a vendu l’idée que cette liste était destinée à lutter contre la pornographie enfantine. Mais c’est le lot de toutes les pistes glissantes ; vous ne prenez finalement conscience du danger que lorsque vous y êtes concrètement confronté.

La Commission Canadienne des Droits de l’Homme veut également une liste noire internet. Elle veut étendre Cybertip.ca aux sites politiques et ne plus le limiter aux sites pédophiles qu’elle vise pour le moment.

On a tendance à associer les autodafés de livres, aux chasses aux sorcières et aux nazis. Rarement à des bureaucrates aux bonnes manières. Mais les autodafés de livres du 21ème siècle ne nécessitent plus d’allumettes ; juste des censeurs autoproclamés et un public somnolent.

Ezra Levant, journaliste-blogueur canadien









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