Des corbeaux qui cassent des noix sur des pierres, des castors qui construisent des barrages en bois, des dauphins qui protègent leur rostre avec des éponges pour fouiller le sol à la recherche de poissons…L’utilisation d’outils chez les animaux était jusqu’ici considérée comme anecdotique et souvent ignorée par les archéologues. Pourtant, l’étude de ces comportements, en particulier ceux des primates, est indispensable pour déterminer l’apparition et l’évolution de nos propres outils.
Pour convaincre archéologues et primatologues de travailler main dans la main, un groupe international de chercheurs, pose les bases d’une nouvelle discipline, l’archéologie des primates, dans un article de Nature du 16 juillet. Parmi les signataires figure la française Hélène Roche, directrice de l’unité de recherche « Préhistoire et Technologie » au CNRS. Le but de cette démarche : mettre en commun toutes les informations sur la fabrication et l’utilisation des artefacts humains et simiens, fossiles et actuels. Cette base de données permettra de faire émerger de nouvelles hypothèses : est-ce que nos galets aménagés préhistoriques ressemblent à ceux des singes actuels ? Ont-ils évolué de la même façon ? Avons-nous créé des outils semblables pour répondre aux mêmes problèmes de l’environnement ?
Afin de chercher des réponses à ces questions, cette nouvelle discipline va faire appel à la paléoanthropologie, l’éthologie des primates, l’anatomie comparée, la science cognitive, l’écologie évolutive entre autres.
Les chimpanzés, orang-outans, capucins et gorilles utilisent des feuilles, des bouts de bois, des brindilles voire même des branches. Malheureusement pour les archéologues, la matière organique se désagrège facilement (les plus anciens instruments en bois connus utilisés par les humains ont 800 000 ans). Les chercheurs s’intéresseront donc en priorité aux pierres taillées et aux galets aménagés.
Ainsi, les chimpanzés africains, le sapajou à barbe (Cebus libidinosus) sud-américain et le macaque à longue queue (Macaca fascicularis) asiatique adoptent des pierres comme enclumes et marteaux pour des applications variées : casser des noisettes, ouvrir des fruits, écraser des mollusques et des crabes, creuser des trous à la recherche de tubercules ou encore découper des cactus. Une véritable transmission culturelle s’est même mise en place au sein de certains groupes. En revanche, les bonobos n’utilisent que rarement des outils alors qu’ils appartiennent à une sous-espèce de chimpanzés très proches de nous génétiquement. Quant aux singes fossiles, nous manquons encore de restes mais les auteurs de la publication affirment que ceux-ci sont à l’origine de véritables sites archéologiques simiens, où les fossiles côtoient les accessoires, comme chez l’homme !
Du côté de l’homme, on date les premiers outils en pierre de 2,6 à 1,6 millions d’années, dans le cadre de la culture Oldowayenne, en Ethiopie et Tanzanie. Il s’agit de choppers, galets à bord tranchant utilisés par Homo habilis pour dépecer les charognes, racler les peaux et les arbres ainsi que de pierres cabossées utilisées ici aussi comme enclume et marteau. Ces percuteurs et racloirs sont la preuve d’une coordination et d’une dextérité dès cette époque et sûrement avant, chez les Australopithèques.
Le parallèle est évident entre les outils des cultures préhistoriques humaines et ceux des singes actuels. L’observation des singes actuels permettra-t-elle de comprendre comment et quand l’homme a décidé de tailler une pierre pour la première fois ?
Marion Sabourdy
Sciences-et-Avenir.com
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