Source : libération
Le Parlement européen a voté, hier à Strasbourg, contre la riposte graduée.
« Un jour historique pour la démocratie européenne » et « une nouvelle claque pour Sarkozy et le gouvernement français ! » Pour l’eurodéputé socialiste Guy Bono, les mots ne sont pas trop forts pour qualifier l’adoption, à très large majorité (407 pour, 57 contre), de l’amendement 138 par le Parlement européen. Il faut dire que le texte revient de loin.
A l’origine, il y a le paquet télécom. Un ensemble de réformes pour la modernisation des communications électroniques. Il y est question de tuyaux, de concurrence, pas de contenus. Pourtant, courant 2008, des articles relatifs au droit d’auteur viennent peu à peu s’y greffer. « Certains ont voulu en profiter pour valider la riposte graduée et Hadopi », raconte Catherine Trautmann, rapporteure du projet. En face, les eurodéputés Guy Bono, Daniel Cohn-Bendit et Zuzana Roithová déposent l’amendement 138, qui stipule qu’« aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne doit être prise sans décision préalable de l’autorité judiciaire ». Un texte qui s’oppose frontalement au projet de loi français Création et Internet, et son autorité administrative, l’Hadopi. En septembre 2008, le texte est adopté par 88 % des eurodéputés.
« Magouille ». En France, si en façade on minimise le texte - « Il se borne à rappeler un principe très général, qui n’ajoute rien au droit existant », pour Christine Albanel, ministre de la Culture - en coulisses, on s’active pour le faire supprimer. Nicolas Sarkozy lui-même intervient en envoyant une lettre à José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, lui demandant de rayer le texte. Ce dernier refuse. Mais sous la pression de Paris, en novembre, le Conseil européen des ministres télécoms le rejette.
En mars, l’amendement est réintroduit et revoté en commission. Mais comme il ne fait pas l’unanimité au sein du Conseil de l’Union européenne, Catherine Trautmann reçoit un mandat pour aboutir à un accord rapide. Le 28 avril, un texte de compromis est ainsi adopté. Mais il est jugé trop ambiguë, notamment par les Verts et les Libéraux, qui décident de redéposer le texte original. Les deux textes doivent donc être présentés au vote le mercredi 6 mai, pour la seconde lecture, en séance plénière, du paquet télécom par le Parlement européen.
Puis lundi, dernier rebondissement, il est décidé une « exclusivité mutuelle », c’est-à-dire que si le compromis est voté, le texte original saute automatiquement. Cohn-Bendit hurle à la « magouille » et annonce que les Verts vont demander un inversement des votes. Hier, la présidente de la séance, Diana Wallis, l’accepte. L’amendement est alors voté à 407 voix pour, 57 contre et 171 abstentions.
« Demi-victoire ». « C’est une affirmation du fait que l’accès Internet fait aujourd’hui partie des libertés fondamentales, contre le projet de loi français Création et Internet, dont elle signe l’arrêt de mort », indique Jérémie Zimmermann, cofondateur et porte-parole de la Quadrature du Net. A l’UFC-Que choisir, Edouard Barreiro est plus nuancé : « Il s’agit là d’une demi-victoire. Car si sur le plan politique, il s’agit d’un vrai triomphe, sur le plan opérationnel on ne peut que se désoler qu’un texte qui contient des apports aussi essentiels pour les consommateurs soit repoussé. » En effet, aujourd’hui, c’est tout le paquet télécom, aux enjeux économiques très importants, qui se retrouve bloqué. La seule issue serait que le 12 juin, le Conseil des ministres accepte le paquet en bloc. Sans quoi, tout repart en conciliation à l’automne, pour un nouveau tour de négociations.
Aujourd’hui, une obstruction de la France risquerait d’être vue comme une prise en otage du paquet télécom. Pour les Verts, la balle est donc maintenant dans les mains du Conseil « qui peut encore choisir d’accepter l’ensemble des amendements du Parlement européen et permettre que le paquet télécom entre en vigueur dans les plus brefs délais ». Une position soutenue hier après-midi par la commissaire européenne Viviane Reding et, finalement, par Catherine Trautmann.
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