A force de célébrer le système de santé français comme le meilleur au monde, oublie-t-on de l'évaluer ?
Très clairement oui. On préfère ne pas voir les vrais problèmes du système hospitalier liés à la qualité des soins, l'évaluation des pratiques médicales, le recrutement de praticiens aux compétences très douteuses ou inexistantes pour faire fonctionner des hôpitaux à bout de souffle. A l'hôpital, le pire côtoie le meilleur.
Vous citez le chiffre moyen de 40 décès par jour à l'hôpital liés à des erreurs médicales. Faut-il publier le taux de mortalité pour améliorer le système ?
Les médecins ont besoin de cet outil, inutilisé en France, pour améliorer l'offre de soin.
Votre premier chapitre est consacré aux médecins "mercenaires", ce système est-il selon vous révélateur du malaise de l'hôpital ?
Le remplacement à l'hôpital n'est pas aberrant en soi. Le vrai problème c'est que de plus en plus d'hôpitaux maintiennent à bout de bras certains services qui auraient dû fermer depuis longtemps. Ils font appel à des médecins temporaires, certains compétents, d'autres pas, qui effectuent des remplacements de quelques jours pour palier le manque de praticiens. Tout ça n'est pas contrôlé. C'est un problème en termes de coûts et de pratique médicale.
On préfère ne pas voir les vrais problèmes du système hospitalier
Vous pointez les problèmes de productivité dans les hôpitaux, ce que dénoncent de nombreux médecins qui l'oppose à la qualité des soins…
C'est totalement faux. Ça voudrait dire que tout ce que font les cliniques est mauvais ? Le public a choisi. 60% de la chirurgie est faite en clinique. Elles aussi répondent à des impératifs de qualité et de productivité. Par contre, on n'y tolère pas l'absentéisme qu'on trouve à l'hôpital par exemple. Dans le livre, on cite le rapport de l'IGAS qui montre que trois chirurgiens d'un hôpital public ont la productivité d'un seul en clinique privée.
Quels conseils de précaution donner aux patients pour réduire les risques d'erreurs médicales que vous citez dans votre livre ?
Il faut être vigilant. Mais c'est affligeant de voir qu'il n'y a pas réellement de lutte contre ces accidents. Il y a une seule étude dans le domaine. Ça en dit long, non ?
Le problème des addictions chez les médecins hospitaliers, auquel vous consacrez un chapitre, est-il prégnant ?
Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, ce n'est pas un problème marginal mais un problème sérieux à l'hôpital. Seulement, malgré les études et les enquêtes menées sur cette question, c'est un sujet tabou en France. Les médecins ne se soignent pas bien. A force de se voiler la face sur la question, l'institution ne les prend pas en charge, ce qui est terrible pour eux.
Il y a quand même de belles réussites à l'hôpital ?
C'est un système formidable que l'on célèbre tous les ans dans notre palmarès des hôpitaux. Mais pour un tiers d'excellents hôpitaux, il y a un tiers d'hôpitaux d'une médiocrité crasse.
Les auteurs
Philippe Houdart, François Malye et Jérôme Vincent enquêtent depuis quatorze ans sur les hôpitaux et les cliniques. Ils sont à l'origine du palmarès des établissements de soins en France édité chaque année par l'hebdomadaire Le Point.
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