A la poursuite de Neanderthal

Par Sophie Manellies
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On ignore s'il avait le torse velu, s'il agitait les mains quand il grognait, s'il jouait aux boules devant sa caverne… Mais ce que l'on sait désormais avec certitude, c'est qu'un homme de Néanderthal typiquement "méridional", c'est-à-dire génétiquement distinct de ses cousins occidentaux et asiatiques, vivait en Provence il y a 50 000 ans…

Voilà ce que trois chercheuses de l'unité d'Anthropologie bioculturelle de la Faculté Nord de Marseille (UMR 6578, Université de la Méditerranée, CNRS, EFS) viennent de démontrer. Mais avant d'aller plus loin, un peu de (pré)histoire. Retour 50 000 ans en arrière, donc, quand l'homme de Néanderthal était le maître en Europe, en Asie occidentale, au Proche-Orient. Ces tribus de chasseurs de mammouths, estimés entre 200 000 et 250 000 individus, peuplaient une partie de l'Europe, entre le Portugal et la Sibérie occidentale.

Leur règne durera plus de 350 000 ans. Mais ces premiers Européens ne sont pas les ancêtres de l'homme moderne. Car peu à peu, l'espèce s'est éteinte, supplantée (massacrée disent certains) par une autre lignée humaine, plus grande, plus douée, plus… photogénique sans doute : les Homo sapiens (homme de Cro Magnon), des envahisseurs venus de l'Est. Nos arrière, arrière, arrière... grands-parents.Cet homo néanderthalensis qui vivait en Provence il y a 40 000 ans était rouquin et avait les yeux clairs.


Mais revenons à nos Néanderthaliens. Ces humains formaient-ils un "peuple" homogène ? Ou, comme l'ont laissé penser les observations faites sur les ossements fossiles, existait-il des groupes morphologiquement distincts ? En croisant leurs compétences, Silvana Condemi, paléoanthropologue, Anna Degioanni, généticienne des populations, et Virginie Fabre, qui prépare son doctorat, ont étudié des fragments d'ADN des 12 ossements et dents de Néanderthaliens découverts en Asie et en Europe.

"Nous avons utilisé une méthode bioinformatique inédite consistant à croiser les données génétiques et géographiques, afin de déterminer les scénarios statistiquement les plus probables"
, résument les chercheuses. Résultat : "Trois sous-groupes présentant des séquences d'ADN distinctes apparaissent. L'un se situe en Asie, l'autre en Europe occidentale, et le 3e en Europe méridionale, entre la côte es pagnole et la Croatie ".

Ces différences génétiques correspondent aux barrières géographiques (mers, montagnes) qui s'érigeaient alors entre les différentes tribus. Mais qu'avait, de si différent, notre Provençal des cavernes ? "L'ADN analysé ne permet pas de reconstituer des particularités morphologiques", précise la paléoanthropologue. "Ce que nous savons, grâce à l'étude anatomique des fossiles, c'est que ses dents étaient beaucoup plus petites que celles de ses congénères du Nord. Et que les tribus du Midi ont été les dernières à survivre, avant l'extinction de l'espèce."

Petite, massive, dotée d'un gros bourrelet au-dessus des orbites, cette autre espèce humaine était aussi abominablement prognathe. Dernier détail, récemment révélé par l'analyse génétique de deux fossiles découverts en Espagne et au Nord de l'Italie : les Néanderthaliens du sud étaient des rouquins aux yeux clairs.

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La question : Néanderthal a-t-il laissé une descendance ?

Votre chef de service est petit, épais, trapu, avec un front fuyant et des yeux enfoncés dans les orbites ? Et si ce faciès peu engageant était un héritage d'un lointain ancêtre néanderthalien ? Sapiens et Néanderthal, qui ont cohabité pendant plus de 10 000 ans sur les mêmes territoires, ont-ils pu se reproduire ensemble et se mélanger génétiquement ?

C'est l'une des grandes énigmes de la paléoanthropologie moderne. "Le métissage n'est pas exclu scientifiquement", répond Silvana Condemi. Mais si Homo sapiens et Homo néanderthalensis sont bien deux espèces distinctes, "on ignore encore s'il était possible qu'elles se reproduisent ensemble. Si c'est le cas, et s'il y a eu hybridation, on ne sait pas si les enfants étaient stériles, comme ceux issus par exemple d'un croisement entre l'âne et le mulet. De plus, les barrières culturelles ont pu rendre ce métissage difficile".

La science commence à peine à défricher ce terrain chargé de fantasmes. La découverte des premiers fossiles de Néanderthaliens ne remonte qu'à 150 ans. Et, comme le précise la généticienne des populations, Anna Degioanni, "l'analyse de ces fragments d'ADN (15 séquençages seulement dans le monde), techniquement très complexe, n'est possible que depuis une quinzaine d'années".

Les recherches déjà réalisées montrent que le patrimoine génétique du Néanderthalien est différent de celui de l'homme moderne, mais cette différence n'est pas plus grande que celle qui existe entre les génomes de deux groupes de chimpanzés. Et il subsiste dans le génome de l'homme moderne un petit pourcentage de gène, dont on ne s'explique pas l'origine.



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2 Commentaires

  1. Sympa, ton article ! Puis-je le reprendre chez moi ?
    A plus !
    Tinky :-)
    PS Des Néanderthaliens rouquins aux yeux clairs. Ils devaient être mignons, dans leur genre !!! Et puis, ils n'étaient pas "abominablement" prognathes, mais ils avaient juste la figure qui avançait un peu, et le crâne qui reculait, comme Mimi le fait si bien dire à Délian-Ka, une des Néanderthaliennes de la saga que nous commettons depuis belle lutette et que j'espère nous piblierons un jour...

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  2. Pour l'instant et grâce à la technologie nous connaissons chaque jour qui passe un peu Neanderthal et je pense qu'effectivement cette image simiesque qu'on se fait de lui est erroné.

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