mardi 20 novembre 2012

Comment transformer des sucres directement en gasoil?

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http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/71486.htm
La production d'éthanol n'a jamais été aussi importante aux Etats-Unis selon les données de l'Agence de Protection de l'Environnement (EPA) [1,2], avec 209 usines de production d'éthanol de maïs en 2011 (153 usines supplémentaires par rapport à l'an 2000, et 39 usines supplémentaires par rapport à 2008), plus de 52 milliards de litres d'éthanol produits en 2011 et une consommation qui atteint les 48 milliards de litres, en constante augmentation depuis les années 2000 (6 milliards de litres).

La production d'éthanol était vue par l'administration américaine comme un moyen pour contribuer à diminuer la dépendance des Etats-Unis vis-à-vis des énergies fossiles dans le secteur du transport. Depuis les années 1930 déjà, l'éthanol est mélangé à l'essence à hauteur de 6 à 10% en vue d'une utilisation pour les véhicules de transport. En 2007, l'EPA approuvait l'utilisation et la commercialisation d'un mélange essence/éthanol pouvant contenir jusqu'à 15% d'éthanol. Cependant, tous les véhicules motorisés ne sont pas en mesure d'utiliser ce carburant, la teneur importante en éthanol pouvant entrainer une dégradation précoce des composants du véhicule (réservoir et canalisations d'essence). A l'heure actuelle, une grande majorité des moyens de transport permet l'utilisation d'un mélange contenant, au plus, 10% d'éthanol.

Dans le cadre des travaux visant à optimiser l'utilisation d'énergies renouvelables dans le secteur du transport, une équipe de chercheurs d'un centre de recherche conjoint de Californie et du Midwest vient de mettre en place un procédé permettant de transformer les sucres contenus dans la biomasse directement en gasoil.

La transformation des sucres en gasoil
Une nouvelle étude, menée par des chercheurs de l'université de Berkeley, pourrait révolutionner l'utilisation de la biomasse en transformant directement les sucres, provenant des mêmes matières premières que celles utilisées pour la fabrication de biocarburant (le maïs), en gasoil. Cette étude, parue le 8 novembre dernier dans la revue Nature [3], a été réalisée en collaboration avec l'Institut des Biosciences et de l'Energie (Energy Bioscience Institute), l'université de Berkeley, le Laboratoire National Lawrence Berkeley (Lawrence Berkeley National Laboratory) et l'université de l'Illinois à Urbana-Champaign. Les travaux ont été financés par BP, entreprise spécialisée dans les énergies.

Cette étude est basée sur le principe du procédé de fermentation découvert il y a environ 100 ans par le chimiste Chaim Weizmann. Cette méthode consistait à utiliser la fermentation anaérobie de différentes matières premières (maïs, canne à sucre mais également herbe, déchets cellulosiques, ...) par la bactérie Clostridium Acetobutylicum. Cette réaction permet d'obtenir un milieu composé d'un mélange d'acétone, de butanol et d'éthanol (ABE) avec un ratio de fermentation ABE de 3:6:1.

A partir de ces travaux, Chaim Weizmann, Harvey Blanch et Douglas Clark, professeurs de chimie et de génie biomoléculaire à l'université de Berkeley, ont mis au point un procédé d'extraction, à base de solvants organiques tels que le glyceryl tributyrate, qui permet d'isoler l'acétone et le butanol du milieu de fermentation obtenu à partir du procédé de Chaim Weizmann. Cette seconde opération permet de réduire la demande en énergie nécessaire tout au long du procédé de fabrication du gasoil, et par conséquent d'en diminuer le coût de production.

En parallèle à ces travaux, Dean Toste a développé une troisième opération de catalyse chimique basée sur une réaction d'alkylation catalysée au palladium. Le couplage d'un procédé fermentaire et d'une réaction chimique permettra d'obtenir des cétones à partir du milieu réactionnel ABE, et de créer un mélange composé d'hydrocarbures de masses moléculaires plus élevées et riches en liaisons carbone. Ces molécules de densité énergétique plus élevée sont similaires à celles que l'on retrouve dans les carburants diesel ou kérosène utilisé pour les avions. Ce système de catalyse permettrait également de pouvoir faire varier la taille des chaines d'hydrocarbures afin d'obtenir de l'essence, à chaines courtes, du gasoil à chaines longues, ou du kérosène à chaines ramifiées.

Ce nouveau procédé optimisé pourrait bien voir le jour avant la fin de l'année 2022, calendrier établi par l'administration américaine pour les objectifs de production de biocarburants. Selon les auteurs de cette étude, le procédé devrait être industrialisable d'ici 5 à 10 ans. Il faut cependant transposer le procédé optimisé en laboratoire à l'échelle industrielle et dimensionner les installations appropriées existantes, ou à construire, pour mettre en oeuvre ce procédé. Les premières applications devraient se faire pour des équipements de transport militaire puis pour les équipements de transport civil (camions et trains) nécessitant des apports énergétiques supérieurs à ceux requis par le secteur automobile.

Ce nouveau procédé est similaire en début et en fin de transformation au procédé LS9, bioprocesseur consolidé de transformation des sucres en produit ciblé de type esters méthyliques d'acides gras ou alcool gras. La différence entre ces deux procédés réside dans la production de cétones à la place d'alcanes dans le milieu réactionnel. Cependant, les cétones sont des composés qui se dégradent aussi bien que les alcanes dans le diesel.

La prochaine étape de ces travaux vise l'amélioration de la rentabilité du procédé (fermentation, séparation puis catalyse chimique) par la diminution des coûts liés à la séparation des deux composés (l'acétone et le butanol) du milieu de fermentation acétone-butanol-éthanol. En effet, le coût global du procédé reste actuellement élevé (0,92 dollars/litre [4]). L'objectif est d'obtenir un procédé compétitif qui puisse être commercialisé rapidement sur le marché.

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