lundi 24 janvier 2011

James Ellroy collectionneur de petites culottes.

Le nombre, prévient-il d’emblée, importe peu. 20, 100, 1000? «Copines, épouses, rencontres d’un soir, partenaires rétribuées» – peu importent les prénoms, confie James Ellroy avant de chanter, dans une autobiographie coup de poing, l’air du catalogue. Impressionnant tableau de chasse, dont les premiers trophées remontent à l’enfance. Planqué derrière les baies vitrées des pavillons du voisinage, le vilain petit mateur pénétrait en douce dans les chambres à coucher de ces dames pour le simple plaisir de mettre le nez dans leurs effets intimes. D’où lui venait cet amour immodéré de la petite culotte? Sans doute de son vicelard de père, lequel, distingué par mère nature, explosait le double décimètre lorsqu’il se débraguettait, et paradait devant des partenaires déconcertées avec sa «queue de quarante centimètres».

Armand Ellroy, qui a servi de larbin à Rita Hayworth quelques années auparavant, et l’a peut-être honorée de son extraordinaire engin, lit des magazines pornos tandis que sa mère, Jean Hilliker, une infirmière diplômée qui a remporté un concours de beauté, « prenait des bitures au bourbon et balançait du Brahms à pleins tubes sur l’électrophone ». Les deux ayant divorcé, James se félicite d’habiter désormais chez sa mère, à Santa Monica. Il la reluque en douce (il l’a déjà surprise en pleine action avec son premier « flirt post-divorce »), l’aime en secret, la pelote en rêve. Mais c’est sa baby-sitter allemande de 18 ans, « criblée d’acné et grassouillette », et semblant « sortir tout droit de la Hitler Jugend », qui l’initie à l’art de jouir. Il n’a pas 10 ans révolus, et c’est en venant le border qu’elle disparaît sous la couette pour lui tailler une pipe.


1958. Mort de Jean Hilliker. Son meurtre, on le sait, ne sera jamais élucidé. James, qui s’imagine responsable de cette disparition, va chercher, toute sa vie, la mère absente dans toutes les déclinaisons possibles de la féminité. En attendant, il vivote dans la piaule de son père et séduit les filles les mieux roulées du quartier en se défonçant avec du sirop pour la toux. Une crise d’acné monstre a raison de son flirt d’alors, une certaine Susan déjà outrée par ses convictions antidémocrates: «Elle m’avait surpris en train de me branler, shooté aux amphétamines, le soir où Bobby Kennedy s’est fait descendre. Elle m’a insulté, me traitant de pervers, de baiseur minable et de fasciste.»
James grandit. Après le sirop antitussif, il se shoote aux tampons inhalateurs Benzedrex et voit sa mère en rêve chaque fois qu’il croise une fille. Elle, elles. Elle qu’il ne parvient à oublier qu’en se rachetant auprès d’elles, se fixant pour mission de faire jouir le corps féminin mondial, prostituées comprises. Tiraillé entre le romantisme le plus fiévreux et l’appétit sexuel le plus vorace, les fantasmes de l’écrivain ressembleraient, si on pouvait les visualiser, à des vidéos pornos style Russ Meyer, musicalement illustrées par une « Neuvième Symphonie » de Beethoven interprétée par les chœurs de l’Armée rouge. C’est kitsch, mystique, bouillant, osé. Risqué aussi. Et surtout étonnamment écrit, phrases courtes lancées par un écrivain survolté, remonté comme une machine à renvoyer des balles de tennis, ladite machine fonctionnant à plein régime. Sans parler de cet art qu’il a, unique en son genre, de déformer les mots pour en décupler la puissance (une «loooongue descente», un désir aux «proportions intenaaables», «elles adooorent mon baratin»).

LA SUITE
James Ellroy, obsédé sexuel


nouvelobs.com





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