mercredi 30 décembre 2009

La dentition de Neanderthal.

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Lignes de croissance dans l'émail dentaire, au microscope confocal. En vignette (page précédente) : molaire en coupe d'homme actuel.
© F. Ramirez Rozzi - UPR CNRS 2147


Les dents de l'homme de Neandertal

Pour démêler l'histoire des hominidés, l'une des questions clés des paléontologues est de pouvoir différencier les espèces. Dans l'étude qu'il publie dans Nature, Fernando Ramirez Rozzi chercheur au laboratoire CNRS « Dynamique de l'évolution humaine : individus, populations, espèces » montre qu'au sein du genre Homo, Homo neandertalensis est une espèce distincte d'Homo sapiens, l'homme « moderne ». Sa démonstration s'appuie sur la caractérisation du développement dentaire, propre à chaque espèce. Contre toute attente, les Néandertaliens sont caractérisés par une croissance rapide.

ou comment la croissance dentaire aide à retrouver le fil de l'évolution des espèces humaines
Les différences morphologiques ou celles de l'ADN mitochondrial entre l'homme de Neandertal et l'homme actuel ne sont pas suffisantes pour affirmer qu'il s'agit de deux espèces différentes. Selon le concept d'espèce, les individus d'une même espèce peuvent se reproduire entre eux mais non avec les individus d'une autre espèce. Pendant des années, les scientifiques ont cherché à caractériser la croissance des Néandertaliens car si elle est différente de celle de l'homme actuel, ces deux groupes n'auraient pu se reproduire, ce qui confirmerait qu'il s'agit de deux espèces différentes.

Paléoanthropologue au CNRS, Fernando Ramirez Rozzi, est aussi spécialiste du développement dentaire, c'est à dire de l'analyse microstructurelle de l'émail pour estimer la croissance d'un individu. L'homme actuel, par exemple, se caractérise par une croissance et un développement longs. Il lui faut presque le double de temps des grands singes pour atteindre pleinement l'étape adulte[1], à 18 ans, moment où une dent de sagesse émerge. C'est ce développement dentaire que F. V. Ramirez Rozzi et J. M. Bermudez de Castro ont analysé chez Homo antecessor, Homo heidelbergensis, Homo neandertalensis et Homo sapiens du Paléolithique Supérieur-Mésolithique.

Le développement dentaire apparaît dans la microstructure de l'émail. Il est notamment repérable par deux types de lignes de croissance, tels les anneaux de croissance des arbres. Depuis la dentine, l'intérieur de la dent, l'émail a une activité sécrétrice qui, selon un rythme circadien, provoque des striations transversales à la dent. Chaque jour la striation transversale s'accentue[2] d'autant plus. Elle forme, tous les 9 jours environ chez l'homme actuel et chez les primates, des stries de Retzius[3]. Autrement dit, une strie de Retzius se forme toutes les neuf striations transversales. Le développement dentaire peut être déterminé par la vitesse de formation de l'émail ou son taux d'extension : c'est le nombre et l'inclinaison de stries de Retzius dans l'émail (ou le nombre et l'espace sur la surface d'émail).


Dans leur étude, les chercheurs montrent que l'Homo sapiens du Paléolithique Supérieur-Mésolithique partageait un processus de développement dentaire identique à celui des hommes modernes, mais que Homo antecessor et Homo heidelbergensis avaient des périodes de croissance dentaire plus courtes. De façon surprenante, les néandertaliens ont la période de croissance dentaire la plus courte, plus rapide encore que celle de leur ancêtre immédiat, H. heidelbergensis. En effet, dans l'évolution des hominidés depuis le Plio-Pleistocène, le développement dentaire devient de plus en plus long et la taille du cerveau augmente. Les Néandertaliens, qui ont la plus grande capacité crânienne de tous les hominidés, sont ainsi caractérisés par une période courte de développement dentaire. Il forme sa couronne dentaire 15 % de fois plus vite que les hommes modernes ! Fortement dérivés, les Néandertaliens se différencient de l'espèce H. sapiens.


Selon les auteurs, la taille du cerveau n'est pas un facteur primaire de l'évolution des Néandertaliens mais il leur semble plutôt qu'un fort taux de mortalité des adultes corresponde au stress qui a conduit à une croissance rapide.

Ces travaux ont été menés dans le cadre du programme interdisciplinaire du CNRS « Origines de l'Homme, du Langage et des Langues (OHLL) ».


[1] à 12 ans pour le chimpanzé, 15 ans pour les Néandertaliens
[2] Quand les stries arrivent à la surface de la dent, elles forment des périkymaties, petites dépressions.
[3] L'intervalle de 9 jours reste donc valable pour tous les hominidés


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