Source:mediterranee-antique
Alexandre avait deux historiographes, Eumène de Cardia et Diodote d’Érythrée, qui consignaient jour par jour les événements. Ce recueil fut publié ; il était connu dans l’antiquité sous le titre d’Éphémérides royales. Des détails peu importants s’y trouvaient, comme le reste ; ainsi nous apprenons dans ces Éphémérides qu’il arriva plus d’une fois au roi de Macédoine, après s’être enivré, de dormir deux jours et deux nuits de suite. Sa dernière maladie y a figuré, et des extraits concordants ont été conservés par Arrien et par Plutarque. Voici ce qu’ils disaient :
Alexandre but chez Médius, où il joua, puis il se leva de table, prit un bain et dormit ; ensuite il fit le repas du soir chez Médius, et il but de nouveau très avant dans la nuit. C’était le 17 du mois de dæsius.
Étant sorti de là (c’était le 18), il prit un bain ; après le bain, il mangea un peu et dormit dans le lieu même, parce qu’il avait déjà la fièvre. Il se fit transporter sur un lit pour faire le sacrifice et sacrifia chaque jour suivant les rites. Après le sacrifice, il resta couché dans l’appartement des hommes jusqu’à la nuit. Là, il donna des ordres aux officiers pour l’expédition par terre et par la navigation ; il enjoignit à ceux qui devaient aller par terre de se tenir prêts pour le quatrième jour, à ceux qui se devaient embarquer lui de se tenir prêts pour le cinquième. De là, il se fit transporter sur un lit jusqu’au fleuve, s’embarqua sur un bateau et se rendit dans le jardin royal, situé sur l’autre rive. Là, il prit de nouveau un bain et il se reposa.
Le lendemain, il prit de nouveau un bain et fit le sacrifice ordonné. Étant allé dans sa chambre, il y resta couché et joua toute la journée aux dés avec Médius. Il commanda aux officiers de venir le trouver le lendemain matin de très bonne heure, puis le soir il prit un bain, fit le sacrifice aux dieux, mangea quelque peu, se fit reporter dans sa chambre ; et déjà il eut la fièvre toute la nuit sans interruption.
Le jour suivant, il prit un bain, et après ce bain il fit le sacrifice. Couché dans la salle de bains, il passa le temps avec les officiers de Néarque, écoutant ce qu’ils disaient de la navigation et de la grande mer.
Le jour suivant, il prit un nouveau bain, il fit les sacrifices ordonnés. Il ne cessa plus d’avoir la fièvre, et la chaleur fébrile fut plus grande. Cependant il fit venir les officiers, et leur recommanda de se tenir tout prêts pour le départ de l’expédition par eau. Il prit un bain sur le soir, et après le bain son état se trouva déjà fâcheux ; la nuit fut pénible.
Le jour suivant, il fut transporté dans la maison située près du grand bassin ; il fit, il est vrai, le sacrifice ordinaire, mais il avait beaucoup de fièvre. Il resta couché ; néanmoins, avec ses généraux, il parla des corps qui étaient privés de chefs, et leur recommanda d’y pourvoir.
Le jour suivant, il fut porté avec peine au lieu du sacrifice, qu’il fit cependant ; il ne donna plus aucun ordre à ses généraux sur la navigation.
Le jour suivant, ayant beaucoup de fièvre, il se leva pour le sacrifice, qu’il fit. Il ordonna aux principaux de ses généraux de passer la nuit dans la cour, aux officiers inférieurs dé la passer dehors, devant les portes.
Le jour suivant, il fut transporté du jardin royal dans le palais ; il dormit un peu, mais la fièvre n’eut pas de relâche. Les généraux étant entrés, il les reconnut, mais ne leur parla plus ; il avait perdu la parole, et il eut une fièvre violente la nuit.
Le jour suivant et la nuit, grande fièvre. Les Macédoniens le crurent mort, ils vinrent, en poussant de grands cris, jusqu’aux portes, et par leurs menaces ils forcèrent les hétères 5familiers) de les leur ouvrir. Les portes ayant été ouvertes, ils passèrent tous en simple tunique devant le lit.
Le jour suivant ; même état, et le lendemain le roi mourut vers le soir.
Ainsi Alexandre est mort d’une de ces fièvres qui sont si communes en Algérie, en Grèce, dans l’Inde,et qui certainement règnent encore sur le bord de l’Euphrate.
Dès lors, la question d’empoisonnement se trouve résolue ; puisqu’il est établi que son affection fut une fièvre, il est établi par cela même que le poison et encore moins l’eau du Styx n’y furent pour rien.
Éphippus, dans son livre sur la Sépulture d’Alexandre et d’Éphestion, avait attribué la mort d’Alexandre à des excès de boisson. Protéas le Macédonien, dit-il, était très grand buveur, jouissant néanmoins d’une bonne santé, car il était habitué. Alexandre, ayant demandé une large coupe, la vida avant Protéas. Celui-ci la prit, donna de grandes louanges au roi, et à son tour but la coupe de manière à s’attirer les applaudissements de tous les convives. Peu après, Protéas, ayant demandé la même coupe, la vida de nouveau. Alexandre lui fit raison avec courage ; mais il ne put supporter cet excès de boisson ; il se laissa tomber sur son oreiller, et la coupe lui échappa des mains. Ce fut là que commença la maladie dont il mourut, maladie infligée par la colère de Bacchus, à cause qu’il avait, pris la ville de Thèbes, patrie de ce dieu.
On déchargera Bacchus de toute intervention dans la maladie du prince. A la vérité, des excès de vin peuvent, débilitant l’économie, la rendre plus accessible aux influences morbides ; mais Alexandre était dans un lieu où les causes qui produisent les fièvres intermittentes et rémittentes sont très puissantes ; il venait de faire avec quelques vaisseaux une promenade dans les marais que forme l’Euphrate au-dessous de Babylone, et c’était là un ennemi dangereux contre lequel ne pouvaient rien son invincible phalange et ses victoires, mais duquel un médecin habile et, actif l’aurait peut-être préservé.
Que fit-on pour combattre la maladie ? Les Éphémérides royales, au moins dans les extraits qui nous ont été conservés par Arrien et Plutarque, omettent toute mention des médecins et des secours médicaux ; elles ne parlent que des sacrifices qu’Alexandre fit régulièrement et des bains qu’il prit avec non moins de régularité tant que ses forces le lui permirent.
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