Fin 2007, une banale intervention chirurgicale à la clinique Villette a viré au drame. Au bloc opératoire, Amandine Duverlie, une jeune Hazebrouckoise, est tombée dans un coma dont elle n'est jamais sortie. Sa famille a porté plainte pour dénoncer une erreur médicale. Une anesthésiste a été mise en examen pour blessures involontaires par violation délibérée d'une obligation de sécurité et de prudence, non assistance à personne en danger et mise en péril de la vie d'autrui. Aujourd'hui, la famille se bat pour faire éclater la vérité dans un dossier où elle a le sentiment de ne pas être entendue.
PAR ALEXIS CONSTANT
Le 13 décembre 2007, à 7 h 30, Amandine Duverlie, âgée de 23 ans, est admise à la clinique Villette pour une intervention bénigne nécessitant une coelioscopie. Vers 10 h, au bloc opératoire, lors de son anesthésie, elle est victime d'un problème respiratoire. Le SMUR est appelé à 12 h 30 et la jeune Hazebrouckoise transférée en réanimation à l'hôpital de Dunkerque à 16 h 30, dans un état critique.
Aujourd'hui, elle est toujours dans le coma. « On n'a aucun espoir de la voir se réveiller. Pour nous, elle est comme morte », lâche son parrain, Dominique Caboche.
Intubation difficile
Depuis ce 13 décembre, les parents et le fiancé d'Amandine se battent pour que les responsabilités de ce drame médical soient établies. Ils se sont portés partie civile dans une information judiciaire ouverte pour blessures involontaires par manquement délibéré à une obligation de sécurité et de prudence, non assistance à personne en danger et mise en péril de la vie d'autrui. Dans ce dossier, l'anesthésiste de la clinique a été mise en examen de ces chefs de prévention.
« La clinique nous a dit à l'époque qu'Amandine avait été victime d'un bronchospasme, sorte de choc allergique. Mais en réanimation au CHD, les médecins nous ont déclaré qu'il ne s'agissait pas de cela, mais d'un problème au niveau des bronches », détaille le parrain de la jeune fille.
Huit jours après, les médecins du CHD vont plus loin. « Toujours au service réanimation, ils nous ont dit qu'Amandine présentait une brèche trachéale traumatique, bref, un trou dans la trachée de la taille d'une pièce de deux euros », poursuit Dominique Caboche. Un élément clé dans ce dossier. Car dans son compte rendu d'intervention, que nous avons consulté, l'anesthésiste mise en cause écrit clairement qu'elle a eu un mal fou à intuber Amandine, évoquant même la nécessité d'utiliser un mandrin en métal pour faire passer le tube dans la trachée.
Lettre anonyme
Pour la famille, ce sont les dégâts causés lors de cette intubation pénible qui auraient provoqué un trou dans la trachée et causé l'accident respiratoire, puis l'arrêt cardiaque, et enfin, l'anoxie cérébrale (cerveau qui n'est plus oxygéné). Encore faut-il le prouver. La famille a demandé au juge d'instruction d'ordonner un examen médico-légal sur Amandine pour confirmer ou infirmer cette thèse d'une blessure à la trachée. Le juge a refusé (lire plus bas).
Dès le début de l'instruction, le dossier a connu un rebondissement. Le 21 février 2008, la famille reçoit une lettre anonyme en ces termes : « Mlle Duverlie a été victime d'une anoxie prolongée après déconnexion de la sonde endotrachéale. l'anesthésiste étant absente, il ne s'agit nullement d'un bronchospasme, comme on essaie de le faire croire ». Étrange lettre, alors que jusqu'à présent, personne n'avait évoqué le débranchement d'une sonde.
La famille ne croit pas à cette version. Il s'agit pourtant de la seule voie explorée jusqu'à présent dans ce dossier. « Personne n'en avait parlé auparavant. Au CHD, personne n'était au courant. Je crois que cette lettre anonyme est un leurre pour orienter l'enquête vers une autre piste qui pourrait minimiser les responsabilités », estime Dominique Caboche.
En effet, pour les plaignants, l'explication est trop facile. « Une sonde déconnectée, ça permet de diluer les responsabilités. Une défaillance technique, c'est moins grave qu'une erreur humaine. Surtout que depuis le début, on veut nous faire croire que c'est la faute à pas de chance. » Un complément d'expertise ordonné par le magistrat instructeur a mandaté le docteur Scheerperel dont la thèse penche pour une déconnection de sonde.
L'alarme aurait retenti, mais trop faiblement pour que le personnel s'en aperçoive. C'est un membre de l'équipe médicale qui, passant devant Amandine, aurait remarqué qu'elle était toute bleue. S'il ne met pas en cause directement le travail de l'anesthésiste, le docteur Scheerperel conclut toutefois « à un certain laxisme organisationnel sur fond de tensions relationnelles ». Des conclusions qui ne satisfont pas les parties civiles, d'autant que l'exploration de la piste d'une blessure à la trachée leur a été refusée.
Ayant fait appel de ce refus de mesure d'instruction complémentaire, ils ont obtenu gain de cause auprès de la chambre de l'instruction de Douai, fin mars. Une décision cruciale pour la manifestation de la vérité qui, par ailleurs, pourrait tout aussi bien décharger l'anesthésiste mise en cause en établissant qu'il n'y a pas eu de traumatisme lorsqu'elle a intubé Amandine.
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