samedi 4 avril 2009

Guerre biologique la menace invisible


Avec des morceaux de cadavres et un peu de génie, Victor Frankenstein était parvenu à créer un monstre qui avait fini par le dépasser. Se voulant une ouverture sur les possibilités de la science avec une mise en garde contre les excès qu'elle peut engendrer, l'oeuvre de Mary Shelley, de 1818, sert encore d'analogie aux guerres biologiques du XXe siècle, croit Patrick Berche, microbiologiste et doyen de la faculté de médecine Paris-Descartes.

Sauf que le savant fou n'est plus le Dr Frankenstein, mais bien le Japonais Shiro Ishii, qui a mené des expériences sur des cobayes humains dans l'entre-deux-guerres, ou encore Wouter Basson, surnommé «Docteur la Mort», chargé de mettre au point des armes chimiques qui ont fauché la vie de nombreux militants anti-apartheid en Afrique du Sud. Et le monstre? Cette panoplie de bactéries hyperpuissantes et de virus résistants conçus en laboratoire.

Romanesque à sa façon, l'essai historique de Patrick Berche brosse un portrait quasi d'épouvante de notre ère. Des premiers pas de la recherche biologique française pendant la Première Guerre mondiale aux attaques à l'anthrax de 2001, L'Histoire secrète des guerres biologiques lève le voile sur les mensonges et les crimes d'État au coeur des guerres biologiques et attaques bioterroristes. «J'ai essayé de prendre un peu de distance par rapport aux faits. Et ils sont tellement criants que je n'ai pas besoin de commenter», a affirmé l'auteur, qui donnera ce soir une conférence à l'Université de Montréal dans le cadre des Belles Soirées.

Si le développement de ces armes biologiques a connu son apogée au XXe siècle, la menace continue de peser sur les siècles présents et à venir. Patrick Berche imagine très bien un scénario dans lequel l'Amérique latine, à qui on imposerait des tarifs douaniers sur certains produits, menacerait l'Amérique du Nord de sa nouvelle arme biologique: un virus de la grippe aviaire nouveau genre. «Les pays émergents n'ont pas la bombe atomique. Ils pourraient se tourner vers d'autres moyens de dissuasion», note le chercheur français, membre du Conseil scientifique de défense pour le risque biologique. Devant la montée du terrorisme mondial, cette arme des pauvres servirait parfaitement les intérêts des groupes aux idéologies radicales. En plus de causer de graves dommages psychologiques, elle leur permettrait d'ébranler la stabilité politique d'une démocratie. Pensons au gaz sarin à Tokyo en 1995.

Des armes faciles

Jusqu'à aujourd'hui, on s'est servi exclusivement des germes ou des toxines d'origine naturelle. Mais la nouvelle arme biologique existe. Latente, prête à surgir. Le séquençage du génome lui a ouvert les portes. Des scientifiques ont réussi à synthétiser le virus H1N1, extrêmement pathogène, prélevé sur le corps exhumé d'une Inuite morte de la grippe espagnole au début du siècle. On a aussi rapporté que l'introduction d'un seul gène du virus Ebola dans le génome du VIH pouvait en changer le tropisme, c'est-à-dire qu'au lieu d'être transmissible par les muqueuses sexuelles, le virus pourrait s'attraper par voie respiratoire, par exemple.

Les découvertes prolifèrent, et Internet les propagent. La publication, dans le journal états-unien de l'Académie des sciences, de la modélisation d'une attaque à la toxine botulique contaminant des stocks de lait en poudre avait semé la controverse en 2005. Avant 2001, se procurer des souches de virus était un jeu d'enfant, note M. Berche. Les Russes en avaient une panoplie. Lors de la première guerre du Golfe, l'ex-président d'Irak Saddam Hussein aussi.

Devant la menace, jusqu'où faut-il aller? «Je suis très partisan du progrès et de la liberté scientifique, mais celle-ci a des limites», croit le chercheur. Il prône la création d'un code d'éthique, une sorte de «serment d'Hippocrate pour les scientifiques». Le chercheur doit être responsable. «On ne devrait pas publier les découvertes qui présentent un danger pour la population. Ni celles qui ont une application militaire», insiste M. Berche.

Malgré toutes ses mises en garde, cet «éveilleur de conscience» ne souhaite pas être alarmiste. Les quatre pierres angulaires d'une attaque bioterroriste que sont la détection, l'isolement, le traitement et la vaccination sont bien maîtrisées, surtout par les pays industrialisés. La plupart des pays sont dotés d'un plan d'action. Avisés, les États-Unis sont en train d'équiper leurs aéroports internationaux de détecteurs de micro-organismes. Malgré sa nouveauté, le virus du SRAS avait été détecté en trois semaines à peine.

La Troisième Guerre mondiale sera-t-elle biologique? Patrick Berche ne le croit pas. Mais rien ne peut l'empêcher de se tourner vers l'avenir et de raconter, dans un but pédagogique, les guerres biologiques. Afin de faire triompher Frankenstein sur le monstre.
source.

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