Alors là, je ne sais pas, mais ça doit probablement être la fièvre, parce que je suis enrhumée, qui a provoqué ce drôle de rêve que j'ai fait il y a deux nuits... Ma passion pour la préhistoire et la science-fiction s'y retrouvent étroitement mêlées, et voilà donc ce que j'ai déliré.
Ils l’ont fait ! .
En 2012, le génome complet de Néanderthal a été décrypté jusque dans ses plus petits détails. Et les gens du Max Planck Institute de Leipzig avaient entre leurs mains une banque génétique impressionnante. Le génome complet qu'ils avaient décrypté provenait du tibia d'un Néanderthalien découvert en 1980 à Vindija en Croatie. Le pauvre hère, il y avait trente-huit mille ans, avait été dévoré par une tribu de cannibales, et ses ossements cruellement décharnés par ceux qui l'avaient dévoré avaient miraculeusement traversé le temps, gardant en eux quelques gènes et chromosomes suffisamment bien conservés pour qu'on pût enfin savoir en quoi Néanderthal et sapiens différaient. La différence génétique entre les deux humains était d'à peine 0,2%, ce qui faisait que les deux espèces humaines avaient divergé tout au plus il y avait un demi-million d'années plus tôt, au bas mot.
Mais là, les gènes avaient parlé, et un des savants de Leipzig, un homme sans scrupule, décida de tirer bénéfice de ces gènes, à présent qu'ils avaient livré leur secret. Tout le monde le savait, les Néanderthaliens avaient été des humains intelligents, certes, mais surtout, extrêmement costauds et athlétiques... Ils pouvaient fournir les sportifs ou les soldats de demain, rien que grâce à ces gènes du pauvre V80... Le généticien sans scrupule, membre de l'équipe du Professeur Svante Pääbo, estimait qu'il pourrait retirer une petite fortune de la vente de ces gènes à une quelconque entreprise de génie génétique. Après tout, les Néanderthaliens n'étaient pas des humains modernes, tout au plus, une espèce de primate, comme les bonobos ou les chimpanzés... Et cet homme, qui faisait des heures supplémentaires dans le laboratoire du Pr. Pääbo décida donc de voler les gènes de V80, soigneusement conservés dans un environnement stérile... Dans l'armoire contenant les séquences génétiques complètes du pauvre Néanderthalien, il s'empara de l'un des tubes à essais contenant les précieux ADN et non moins précieux chromosomes et s'enfuit dans la nuit.
Sur l'autoroute qui partait de Leipzig, l'homme, au volant d'une puissante voiture électrique filait à toute allure vers la Suisse... Là, il allait rencontrer son commanditaire, un Américain qui travaillait pour une entreprise de génie génétique très en pointe dans les milieux de l'agro-alimentaire et aussi dans la fabrication des médicaments... Dès le début de cette expérience extraordinaire de la quête du génome néanderthalien, l'entreprise qu'il représentait avait tant et plus tenté de circonvenir les chercheurs, qui ne goûtaient guère les buts de cette entreprise, et s'en méfiaient avec raison. Mais lui, comme on ne lui avait pas accordé la promotion qu'il espérait, il trahissait à présent l'idéal purement humaniste du Max Planck Institute... Cette nuit il allait gagner des centaines de milliers de dollars, et après lui le Déluge...
Dans un hôtel luxueux et discret de Zurich, l'homme attendait son livreur. L'entreprise n'avait pas l'intention de payer une fortune un homme qui avait trahi les siens, et serait susceptible de les trahir eux, à leur tour, au profit d'une autre opportunité éventuelle... Le président directeur général du trust multinational dont il dépendait le lui avait bien dit, précisant qu'il devait trouver une solution discrète à cette transaction... La porte du hall d'entrée s'ouvrit bientôt sur un homme qui regardait tout autour de lui, anxieux, et qui portait une mallette métallique, une de ces espèces de containers qu'on utilisait dans les hôpitaux pour transporter les organes à greffer... C'était visiblement son client. Il sortit de l'ombre, et s'avança souplement vers lui, échangea brièvement quelques mots hâtifs à mi-voix avec lui, et ils se dirigèrent vers la sortie de l'hôtel...
Le lendemain, on découvrit le corps atrocement mutilé d'un homme à qui on avait coupé mains et pieds, ainsi que tête, afin d'empêcher toute identification immédiate...
Pendant ce temps, à bord d'un jet privé dépêché par le PDG du trust agro-alimentaire et chimique, l'homme de l'hôtel de Zurich tenait contre lui la mallette métallique comme s'il s'agissait de tout l'or de Fort Knox. Il allait dans un des pays émergent d'Europe Centrale où leur trust s'était puissamment implanté, ravi de trouver là des gens miséreux exploitables à merci, et, surtout, une tranquille discrétion pour mener des recherches de pointe...
C'était en Roumanie, dans les Carpates, dans un des anciens châteaux du Voïvode Vlad Dracul que l'entreprise avait installé un de ses centres de recherches, et surtout, hébergeait ses savants les plus doués dans les domaines les plus pointus. Le chef du laboratoire de recherches était un nonagénaire, un ancien médecin nazi, collaborateur de l'immonde Mengele. Il avait l'oreille et la confiance du PDG du trust, et espérait, grâce à des expériences génétiques terribles, améliorer l'espèce humaine pour en faire le surhomme cher à Nietzsche et restaurer le III° Reich pour mille ans au moins, en recréant une race supérieure à partir de ces maudits Tziganes dont les Roumains ne savaient que faire, au juste, et qui d'ailleurs composaient une grande proportion de miséreux dont il faudrait tôt ou tard se débarrasser... il ne les massacrerait pas, comme le Führer l'avait fait, non, il les "améliorerait", grâce aux gènes de V80 qui en feraient des êtres endurants, athlétiques et robustes, d'une santé à toute épreuve... On allait implanter ces gènes dans l'ovaire d'une de ces idiotes de Tziganes analphabètes, afin de voir s'ils pourraient se combiner avec les humains véritables, même d'une race méprisable et inutile comme celle-là, et si un enfant en naissait, on l'observerait sous toutes les coutures... Et il pourrait, lui aussi, devenir une banque de tissus, de gènes et d'organes tout à fait intéressante grâce à ses cellules souches qu'on prélèverait régulièrement... Et qu'on implanterait, encore et encore, dans les ovaires de ces poules pondeuses tziganes qui ne savaient que faire des enfants pour toucher des primes de l'état et en faire vivre toute leur famille qui ne foutait rien !!!
Les plans du vieux nazi s'étaient échafaudés dans son esprit pervers depuis cette histoire de décryptage du génome humain... Le trust dont il dépendait était américain, mais il était aussi financé par la CIA et des agences gouvernementales américaines ultra secrètes... Ses surhommes intéressaient les généraux de l'armée US, qui ne rêvaient que de mater, définitivement, cette fois, les islamistes au Moyen Orient et en Afghanistan avec une super armée... Et là, la super armée, ils allaient l'avoir... Des soldats ultra disciplinés, endurants, aux sens aigus de prédateurs,
Un an plus tard, dans une des salles du centre de recherches secret du trust transformé en infirmerie, une femme brune au teint bistre accouchait. Et ça ne se passait pas facilement ! Il fallut lui faire une césarienne. Finalement, on sortit du ventre de la jeune femme un bébé rougeaud, robuste, criant à pleins poumons, et doté de cheveux d'un blond roux étonnant très épais. Quand elle s'éveilla, elle voulut bien sûr voir le bébé auquel elle avait donné le jour, mais comme elle était une simple mère porteuse, on lui expliqua qu'elle toucherait l'argent à sa sortie, dans quelques jours... La pauvre femme mourut étrangement quelques heures plus tard d'une infection inconnue... En fait, l'homme de main du trust avait évité les problèmes et surtout à la tzigane de parler et de livrer ses secrets. Définitivement. On la prépara, on lui mit sa plus belle robe, une chose rouge assez élimée, et on l'allongea dans un joli cercueil avant de la rendre aux siens. On la pleura à grand bruit et on l'enterra. Sans poser de questions, parce que l'argent qu'elle était censée avoir touché pour avoir porté ce bébé allait payer une école et un dispensaire à la communauté tzigane...
Pendant ce temps, un hélicoptère privé partait du château pour rejoindre l'aéroport de Bucarest, duquel l'homme descendit, portant dans ses bras un bébé endormi enveloppé d'une couverture. Il monta dans un jet privé marqué du logo du trust multinational qui l'employait, et partit pour l'Amérique, et la Base 51, que l'armée avait désaffectée, mais que le trust avait rachetée pour continuer des recherches franchement peu orthodoxes.
L'avion, au bout de douze heures de vol se posa enfin dans le désert du Nevada, sur la piste de l'Aire 51. L'homme descendit de l'avion, toujours portant dans ses bras le bébé qui gigotait et émettait de bruyantes protestations. Le président directeur général du trust et son conseil d'administration au grand complet l'attendaient devant le corps de bâtiment principal de la base :
"- Ah ! Ainsi voilà ce qui va nous permettre d'améliorer l'espèce humaine en lui donnant une plus grande force, une plus grande résistance ! Montrez-moi donc cette créature ! déclara le P.D.G., prenant l'enfant des bras du nervi, et l'examinant soigneusement : Il n'a aucune différence d'avec un enfant de notre époque ! Il est plus costaud, c'est tout, et peut-être ses yeux sont-ils un peu plus écartés et son crâne plus bas et long, et encore... Êtes-vous sûr que c'est un clone de ce Néanderthalien de Vindija, que nous avons là, ou un produit d'insémination artificielle d'une Tzigane ?
- C'est un clone, Monsieur le Président. La Tzigane n'a fait que prêter un ovule aux biologistes et son ventre par la suite. Les biologiste ont ôté les chromosomes de la Tzigane de l'ovule et les ont remplacés par ceux de V80, reconstruits à partir de l'ADN de ce Néanderthalien fossile de Vindija. Il est le clone de cet être et je me demande bien ce que vous allez en faire !
- Ses cellules souches seront régulièrement prélevées, mais il recevra une éducation et il aura une famille pour s'occuper de lui ! dit le P.D.G. qui observait l'enfant, fasciné. Il avait d'épais cheveux cuivrés, des yeux bleus, comme tous les nouveaux nés, un teint rose et clair, les mains potelées et marbrées d'un enfant en pleine forme, et ses grands yeux innocents fixaient l'homme avec étonnement.
- Et dire que mes biologistes voulaient l'étudier comme un singe ! Mais c'est un enfant, que nous avons là ! Pas un petit singe ! Il est même très mignon, tout Néanderthalien qu'il est ! Bien, vous pouvez disposer, Stevens, vous avez brillamment réussi votre mission, et je vous offre la direction de ma succursale d'Uppsala, ainsi que nous en avions convenu avant tout ceci. Une prime de dix millions de dollars vous attend déjà là-bas, pour faciliter votre installation, et vous bénéficierez d'un salaire mensuel de deux-cent mille dollars. Bonne chance, Stevens, et encore merci !".
Les biologistes de la base 51 attendaient qu'on leur confiât l'enfant, mais le P.D.G. se tourna vers eux et dit enfin :
"- Vous lui prélèverez régulièrement des cellules souches pour récupérer son ADN et un tas d'autres choses, mais cet enfant vient avec moi pour le moment !".
Et il monta dans sa luxueuse limousine, sur le siège arrière, portant toujours l'enfant. Le chauffeur le regarda approcher avec surprise :
"- Nous allons dans mon chalet des Rocheuses, Mac Villard ! Je vais appeler ma femme pour lui dire que je resterai quelques jours absent et qu'elle ne s'inquiète pas. Ah, il faut engager une nurse. Seigneur, qu'est-ce qu'il a à brailler comme ça ?
- Il a faim, Monsieur ! A cet âge-là, les gamins, c'est tétée toutes les trois heures et popo pareil !!! Est-ce qu'on lui a donné son biberon ? demanda le chauffeur.
- Ben, je crois que les hôtesses de mon avion privé s'en sont occupé, oui. Mais visiblement, ça n'a pas suffi ! Quelle voix ! Eh, Vince, si tu arrêtais de chanter ? On va te donner à manger, c'est promis, mais calme-toi, voyons ! dit le P.D.G., un peu dépassé.
- Ne vous inquiétez pas, Monsieur. Je suis habitué aux enfants, j'en ai six ! On peut s'arrêter à la pharmacie, il y en a une sur la route, et je sais exactement le type de lait et de biberon qu'il faut à un loupiot comme celui-là... Je vais faire une provision de couches, aussi ! sourit le chauffeur, un Noir gigantesque, issu du Bronx, un ancien mauvais garçon qui s'était bien calmé et ne faisait plus partie d'aucun gang.
- Mac Villard, est-ce que ça vous plairait, à votre petite famille et vous, de vous mettre au vert pendant plusieurs années et de vous occuper de Vince ? Il lui faut une famille ! dit le P.D.G. Dans mon chalet des Rocheuses, il grandira à l'écart de tout le monde, et ainsi, les gens ne remarqueront pas qu'il s'agit d'un petit Néanderthalien...
L’enfant de Roc de Marsal, © Elisabeth Daynès, ce à quoi pourrait ressembler Vince Mac Villard petit…
- Un Néanderthalien ? Un petit homme des cavernes ? se récria le Noir, horrifié, fixant l'enfant d'yeux exorbités.
- Un petit être humain, un enfant innocent qui, je le réalise à présent, ne mérite pas le sort d'animal de laboratoire auquel je le destinais ! Seulement, quand il grandira, ses différences physiques vont s'accentuer, et il ne pourra pas s'intégrer facilement à notre monde. C'est pour cela qu'il grandira tranquillement dans la forêt autour du chalet, avec une famille unie et sympathique autour de lui, qu'il grandira parmi elle, comme l'un de vos enfants ! C'est une tâche de confiance, que je vous demande, Mac Villard. Vos enfants et ce petit auront des précepteurs et recevront tous les soins médicaux possibles et imaginables, vous percevrez, votre femme et vous, un salaire de cinq-mille dollars chacun par mois, pour l'entretien et l'éducation de Vince. Je viendrai régulièrement le voir, le plus souvent possible, parce que je crois que j'ai fait une folie. Pauvre Vince, quel avenir vas-tu avoir dans ce monde qui n'est pas le tien ?"
Fin de la première partie.
Ils l’ont fait ! ! ! ! #2.
La famille Mac Villard vivait dans les Rocheuses depuis quelque mois, à garder cet étrange enfant qu'on leur avait confié en leur demandant d'en prendre très grand soin et de lui donner le plus d'amour possible.
Madame Mac Villard, mère de six enfants qui, grandissant dans un quartier difficile de Los Angeles, menaçaient de tourner aussi mal que ce qu'avait fait leur père qui n'avait dû qu'à une formidable opportunité de se sortir de ses galères, étaient à présent obligés de vivre dans la Nature, loin de tout, et, curieusement, là, ils apprenaient tout un tas de choses passionnantes, à la découverte de la nature sauvage du nord ouest des États-Unis, dans l'Orégon. Comme ils étaient loin de tout, à deux jours de marche de la route la plus proche, dans un cirque naturel entre deux sommets enneigés éternellement, et au sein d'une immense forêt de pins et de séquoias, un vaste territoire où ours et toutes sortes de bêtes vivaient, territoire des mythiques Sasquatchs et Wendigos, les gamins n'avaient plus aucun moyen de commettre des bêtises inqualifiables qui les auraient, tôt ou tard, jetés en prison, voire menés à la peine de mort. Le P.D.G. de la firme, Monsieur Wilford Priest, leur envoyait des précepteurs tous les jours, via un hélicoptère privé, et les gamins étaient donc obligés de suivre une instruction poussée, en dépit de tout. Ils rattrapèrent même un grave retard scolaire, et on découvrit que les petits derniers, des jumeaux de sept ans, étaient dyslexiques. Les précepteurs prirent donc plus de temps pour s'occuper d'eux, et bientôt, ils rattrapèrent eux aussi leur retard. Pendant qu'ils suivaient leurs leçons ou qu'ils jouaient dehors dans la grande clairière qui se trouvait devant le chalet, non loin d'un lac grouillant de saumons succulents et d'ombles chevaliers, de truites énormes et délicieuses aussi, Prudence Mac Villard, ou Jeffrey, son époux, s'occupaient de Vince. Le bébé était paisible, calme, et d'une intelligence précoce. À deux mois à peine, il tenait déjà sa tête sans souci, et il commençait à vouloir ramper à quatre pattes partout ! La nuit, par contre, c'était une tout autre chanson : le petit faisait de la terreur nocturne, visiblement hanté par d'épouvantables cauchemars, et les parents Mac Villard, dont il était devenu le fils adoptif, grâce à quelques arrangements administratifs et pots de vin généreusement distribués à droite et à gauche, le rassuraient tour à tour. Quand il finissait par se rendormir, enfin calmé, la maison redevenait paisible jusqu'au matin. Mais toutes les nuits, le pauvre petit se réveillait en hurlant, et Jeffrey finit par installer une petite veilleuse dans la chambre de l'enfant, et Prudence par lui donner un T-shirt imprégné de son odeur, pour le rassurer.
Mis à part cela, c'était un enfant adorable et attachant, qui grandissait à vue d'œil. Il resplendissait de santé, et ses yeux bleus de nouveau-né cédaient la place à des yeux d'un bleu-vert, presque turquoise, absolument fascinant et magnifique. Le petit rouquin était aimé de tous, et même ses frères adoptifs étaient doux et gentils avec lui, et il le leur rendait bien... A deux mois à peine, il reconnaissait son petit monde et dédiait à chacun un sourire édenté ou riait aux éclats, ravi de quelque câlinerie ou chatouille. Les Mac Villard étaient conquis par ce bébé extraordinaire qui était si adorable.
Un beau jour, Prudence, qui lui donnait son biberon, lui dit, gentiment :
"- Mon petit Vince, même si tu n'es pas mon fils, au départ, je t'aime tout autant que si tu étais réellement né de moi ! Tu es un amour, et je t'adore ! En plus, à deux mois, tu es presque aussi avancé qu'un gamin de six mois ! Tu n'es vraiment pas un modèle ordinaire, toi, vraiment pas, mais je t'adore comme tu es ! Quand je pense d'où tu sors, et comment ces savants t'ont créé, et à partir de quoi ils t'ont créé, pauvre de toi, c'est une histoire de fous ! Heureusement que Monsieur Priest s'est rendu compte de sa folie, et tant lui que nous, nous ferons tout pour que tu vives le plus heureux et tranquille, mon chéri !".
Le bébé regardait intensément sa mère adoptive, et, soudain, ses yeux s'illuminèrent d'un feu vert-bleu, exactement comme le font ceux des animaux nocturnes, ce à quoi les préhistoriens ne se seraient jamais attendus, mais les Mac Villard savaient que ça lui arrivait, ils avaient déjà vu ce phénomène chez l'enfant, et ne s'en effrayaient pas, pensant avec raison, que c'était une originalité que l'Homo sapiens avait perdue. Soudain, Prudence ressentit une violente émotion pleine d'amour et de paix, et elle entendit ceci dans sa tête, comme le mille de son front la démangeait soudain :
"Je t'aime aussi, Maman ! Je vous aime, à tous !
- Mais.. . Je rêve ? Tu es télépathe ? Mais c'est impossible, je rêve ! je dois être fatiguée ! dit la pauvre femme, sidérée.
- Je ne suis pas comme vous autres. Je le sais. Je sais que je peux faire ça, et pas vous. Mais je vous aime quand même ! transmit à nouveau l'enfant, souriant, ses yeux extraordinaires rivés sur ceux de sa mère adoptive.
- Mais... Et ces mauvais rêves, la nuit ? demanda-t-elle, étonnée.
- Je les fais toujours. Je les fais tout le temps quand je dors ! Mais je sais que je ne dois pas avoir peur, parce que vous êtes là pour moi ! transmit-il.
- Mais, et de quoi rêves-tu ?
- Des gens horribles, sales et méchants, qui veulent me tuer et me manger... Et qui le font !!!! Je ne sais pas comment c'est arrivé, mais j'étais mort et je suis revenu, ici ! transmit l'enfant.
- Seigneur ! C'est effrayant ! Si j'étais superstitieuse, je croirais que tu es un démon, ma parole ! Mais je sais bien que ce n'est pas le cas... Que tu te souviens de ta vie autrefois... Ça alors ! Oh, mon chéri, je ne sais pas si tu pourras parler comme nous autres, plus tard, mais quand tu seras plus grand, j'espère qu'on pourra t'aider à chasser ces horribles souvenirs, ou du moins, à les mieux supporter ! Ça alors ! Tu n'es pas un bébé préhistorique, toi... Tu es un bébé magique ! Les savants n'ont jamais imaginé que les petits comme toi pouvaient être aussi intelligents, avoir des dons si étonnants, et, surtout, se rappeler des choses aussi bizarres que toi ! dit Prudence, sidérée.
- Je crois qu'avant, j'étais une sorte de magicien, un peu comme dans les histoires que tu racontes, le soir, pour m'endormir ! J'aime tes histoires, Maman !
- Tu n'aimes que mes histoires ? demanda-t-elle, émue et taquine.
- Non, j'aime bien Papa aussi, puis Jeffray Jr, Marvin, Ella, Michelle, Kevin et Joe aussi ! Je vous aime tous, je ne vous quitterai jamais ! transmit le bébé.
- Nous ne te quitterons jamais non plus ! Nous serons toujours là pour toi, je te le jure ! dit Prudence, l'embrassant.
- Super !".
Et, comme cet échange télépathique l'avait quand même fatigué, il s'endormit, doucement, dans les bras de la brave femme bouleversée qui raconta à toute sa famille l'extraordinaire événement.
Quelques mois passèrent encore. Vince galopait à présent partout, et commençait à parler couramment, dans un anglais même plutôt châtié, très surprenant dans la bouche d'un enfant de cet âge, a fortiori d'un petit Néanderthalien. Monsieur Priest savait qu'il lisait dans les pensées, et qu'il avait des talents surprenants, ainsi qu'une intelligence remarquable, et qu'il grandissait plus vite que les enfants modernes. A tout juste un an, Vince paraissait presque dix-huit mois. Et il parlait comme un enfant de cet âge-là, mieux, même. Visiblement, les capacités d'apprentissage des Néanderthaliens étaient plus rapides que celles des modernes, probablement en accord avec leur croissance plus accélérée aussi. Avoir des capacités d'apprentissage rapides, soit... Mais c'est qu'en plus, Vince était d'une intelligence stupéfiante ! Mais il était d'une nature douce et paisible, et il observait tout ce qui se passait autour de lui, avec une sorte de détachement étonnant, une grande sérénité, avec son regard qui semblait contenir toute la sagesse du monde.
© Elisabeth Daynès. Ce à quoi aurait pu ressembler Vince Mac Villard gamin.
Et quand il partait s'ébattre dehors avec ses frères et sœurs, il était toujours prêt à la moindre bêtise, riant aux éclats, faisant des farces... Même petit comme ça, il était costaud, et il courait très vite. Un jour, même, il entreprit, à la grande horreur des autres gamins, de grimper à un arbre, et il y parvint sans tomber, se mettant à califourchon sur une branche basse qui était bien à deux mètres du sol ! Alors que l'aîné des gamins s'apprêtait à l'aider à redescendre, le loupiot redescendit de lui-même, sans aucune difficulté ni peur !
Les autres aussi, grimpaient aux arbres, mais ils étaient loin d'avoir l'aisance de Vince ! Et quand ils suivaient leurs cours, Vince, dessinant dans un coin avec des couleurs lavables à l'eau sur des feuilles de papier d'imprimante mal sortis de l'appareil et donc inutilisables par la suite, écoutait d'une oreille distraite ce qu'apprenaient ses frères et soeurs. Les précepteurs, mandatés par le trust, savaient qui étaient Vince, et ne s'attendaient pas à ce qu'il fît des étincelles...
Pourtant, Michelle, un jour, sécha devant la table de multiplication par 9, et Vince, qui venait d'avoir deux ans, récita la chose, sans se tromper, sous les regards stupéfaits de tout le monde ! Sidéré, le précepteur, médusé, demanda à Vince s'il comprenait ce qu'il récitait... Et le gamin, tranquille, de répondre; gracieux, qu'en fait ce n'était pas difficile, il suffisait d'ajouter neuf à chaque fois !
Du coup, le petit se retrouva en cours avec les autres, et apprit à lire, écrire et compter avec une déconcertante facilité !
A trois ans, il en paraissait cinq, et il avait l'intelligence d'un enfant de sept ou huit ans... Il rattrapait les autres enfants Mac Villard, au grand étonnement ravi de tous, augmentant sans le savoir les remords de Wilford Priest, qui se demandait, de plus en plus, quelle serait la place dans le monde moderne de cet être préhistorique à l'intelligence foudroyante et aux dons paranormaux remarquables ! Car, non seulement le petit garçon était télépathe, mais il avait plusieurs fois eu des intuitions stupéfiantes et des visions du futur ou du passé ! Et les animaux de la forêt venaient à lui, confiants, comme attirés par une force irrésistible, même les ours et les loups !
Lors de cet exploit, il avait trois ans, les enfants jouaient dehors, et Vince, un peu à l'écart des autres, regardait intensément vers les fourrés d'où sortit bientôt un grizzly énorme. L'enfant regarda venir à lui, sans bouger, ni manifester la moindre peur, l'impressionnant carnassier qui aurait pu le tuer d'un coup de patte, le flaira, et repartit, trottinant, dans la direction d'où il était venu ! Mais le plus fou, ce fut, quelques temps plus tard, quand les loups qui vivaient sur ce territoire envahirent la clairière, comme la nuit venait de tomber. Vince, qui mangeait à table avec tout le monde d'un appétit féroce, se leva soudain et sortit ! Monsieur Mac Villard tenta bien de le retenir, mais Vince le regarda de ses yeux étincelants et lui dit que les loups étaient ses amis et qu'il les aimait ! Et il s'avança, hardiment, vers les fauves qui le laissèrent s'approcher, sans s'enfuir ! Visiblement, un dialogue silencieux s'était établi entre eux, sûrement par le biais de la télépathie de l'enfant. Et les jours qui suivirent, les loups revinrent régulièrement, flairant doucement l'enfant, lui accordant de temps à autres un coup de langue affectueux, tandis que lui les flattait de ses petites mains déjà redoutables.
À huit ans, Vince était un préadolescent boutonneux, maigre à faire peur, mais costaud comme un bûcheron canadien, qui courait les bois comme un vieux trappeur, à la suite des bêtes, ses amies et, parfois, ses proies... Son père lui avait acheté une arme à feu, mais Vince préférait l'arc et les flèches, idéalement silencieux, ou la fronde, avec lesquels il faisait parfois des ravages parmi les lapins de garenne qui foisonnaient dans le coin, ou certains ramiers qui roucoulaient dans les frondaisons. Le gosse avait un instinct de chasseur et de pisteur incroyable, et ses sens affûtés provoquaient même l'admiration des quelques Amérindiens chasseurs de la réserve voisine avec lesquels les Mac Villard étaient en bons termes.
Un beau jour, Homer Greyhawk, le vieux chaman de la tribu, vint les voir.
"-Vince parle aux Esprits et ils lui répondent. Je n'ai jamais vu de Blanc comme lui à ce jour ! Je ne sais pas d'où il sort, mais il y a en lui quelque chose d'extraordinaire, et j'aimerais beaucoup lui faire connaître le monde des Esprits et nos légendes... J'ai l'impression que ça pourrait lui rendre service ! déclara-t-il, souriant.
- Mais, Monsieur Greyhawk, vous en êtes sûr ? demanda Jeffrey, sidéré.
- Il y a une grande lumière en lui. Un esprit très ancien l'anime... Il a dormi pendant des siècles et il est revenu parmi nous pour nous apprendre bien des choses ! dit le vieux sage aux cheveux de neige.
- Monsieur Greyhawk, pouvez-vous garder un secret ? demanda Jeffrey.
- Bien sûr ! Un chaman est le confesseur de tout le clan et de ses amis. Il ne trahit jamais les secrets ni sa parole. D'où diantre sort ce petit ?".
Et Jeffrey lui raconta toute l'histoire. Homer Greyhawk promit d'initier Vince à ses secrets pendant les vacances d'été, ce qu'il fit.
Lors de son voyage initiatique, Vince renoua avec ses souvenirs enfouis, et sut qui il était et d'où il venait vraiment. Il avait toujours su qu'il n'était pas comme les autres, et il en voulait quand même un peu à ces savants fous et inconscients de leur geste. Car même s'il était un homme des bois accompli, la forêt n'était pas le monde, et à savoir comment les autres gens le recevraient, lui, le spécimen ressuscité d'un passé inimaginable, et seul représentant de sa sorte sur Terre et à cette époque ?
A la rentrée, quand Wilford Priest vint le voir, il lui posa clairement la question de son devenir, et de ce qui se passerait si un beau jour, il tombait amoureux ! Il avait aimé autrefois, une femme comme lui, blonde et très claire, aux doux yeux d'or. Maïaka. Il se souvenait même de son nom ! Elle était très différente des grandes perches qu'on voyait dans les magazines ou à la télé !!! Et le jeune homme qu'il devenait se posait tout de même de sacrées questions.
Monsieur Priest était assez surpris par l'intelligence et la pertinence du jeune homme, d'une maturité incroyable pour son âge, et il regagna le siège social de son entreprise, pour discuter avec ses biologistes de ce qu'il conviendrait de faire pour Vince plus tard...
Fin de la seconde partie.
Ils l’ont fait ! ! ! !#3.
Cela faisait plusieurs jours qu'il était parti de son clan pour aller chercher une compagne et parachever son initiation de chaman. Il était fils et petit-fils de chaman, et dans sa lignée, il y avait aussi des femmes qui avaient eu le don de parler aux Esprits et de guérir les malades. Il avançait dans la plaine, fier et droit, bravant les vents de la toundra glacée qui l'environnait. Bientôt, ses yeux aigus virent dans le lointain une fumée que le vent couchait presque au sol. Une mince fumée, signe qu'un foyer était allumé non loin de là. Des hommes. Amis ? Ennemis ? De toute façon, il était trop tard pour reculer, il était sur leur territoire depuis sûrement un bon moment, et on avait dû l'apercevoir depuis longtemps. Il s'avança donc ouvertement vers le foyer dont il voyait les flammes rougeoyer dans le lointain, et il découvrit les tentes arrondies d'un camp des gens de son peuple, les Rakhéïn. Il s'approcha, confiant, sachant qu'il serait bien reçu. Près du foyer, il y avait plusieurs silhouettes, dont l'une était dotée d'une très claire chevelure blonde, longue et ondoyante dans le vent cruel.
Fasciné, il avança, et découvrit des hommes et des femmes occupés à différentes tâches entre les tentes, à l'intérieur de celles-ci, ou autour du grand feu central dont la fumée l'avait attiré jusqu'ici. La longue chevelure blonde flottait toujours dans le vent, et elle appartenait à une jeune fille dont le souple corps flexible et gracieux offrait au regard une allure enchanteresse. La jeune fille se retourna en entendant arriver l'étranger, et leurs cœurs s'arrêtèrent de battre au même instant. Ses yeux plongèrent dans des yeux d'or insondables et immenses, et elle ne pouvait détacher son regard des lacs profonds des yeux du jeune homme aux longs cheveux ondulés et flamboyants qui lui faisait à présent face. Ils s'étaient figés, l'un et l'autre, foudroyés par un ravissement puissant qui ne tarda pas à faire naître sur leurs visages un large sourire tendre et amical.
"- Sois le bienvenu ici, étranger ! dit-elle, aimablement, d'une voix agréable.
- Merci ! Mais... Tu es le chef de ce clan ? demanda-t-il, étonné.
- Eh bien oui ! Pendant très longtemps, c'est vrai, notre peuple ne donnait presque aucun droit aux femmes mais c'était il y a bien longtemps ! Je suis la fille d'un chef, et les miens ont décidé, à sa mort, que je lui succéderai ! expliqua-t-elle, aimablement. Et toi, tu es chaman ! Ça tombe bien, car notre chaman, le pauvre, est bien vieux, et son apprenti est hélas mort accidentellement lors d'une chasse au bison ! expliqua-t-elle. C'était mon frère jumeau ! Voudrais-tu devenir notre chaman le temps de former un apprenti ? lui demanda-t-elle, aimable.
- Eh bien, je ne suis chaman que depuis peu, et je faisais justement un voyage pour accroître mon expérience et aussi pour trouver une compagne ! expliqua-t-il.
- Eh bien, peut-être en trouveras-tu une en restant parmi nous quelques temps ! Je suis Maïaka Maïn Bokhra akhr Traïnen Rakhéïn akhr Taïa Moïa. Sois le bienvenu ici ! lui dit-elle, prenant gentiment ses mains, avant de lui donner du sel et de l'eau, ainsi que cela se faisait.
- Je suis Alaï Taï Bokhr akhr Weren Rakhéïn akhr Hoïa Rinaïa, et, ainsi que je l'ai dit, je suis parti en quête de connaissances pour mieux aider les miens et aussi d'une compagne ! sourit le jeune homme, timidement.
- Allons, viens, tu resteras quelques temps dans ma tente ! dit la jeune fille.
- D'accord !", sourit-il.
Et il suivit la jeune fille jusqu'à la tente la plus vaste du camp, celle dévolue en effet au chef du clan.
"- Ma mère et mes frères et sœurs te feront bien une place ! Installe-toi comme si tu étais chez toi ! dit-elle, aimablement, soulevant le rabat de peau qui fermait la tente pour l'inviter à y entrer.
Le jeune homme pénétra dans un espace relativement vaste, cloisonné par des claies de bois tendues de peaux pour ménager un peu d'intimité pour tel ou tel endroit de la tente, et un jeune homme souriant, tout aussi blond que sa sœur à qui il ressemblait, lui désigna une litière confortable en lui disant :
"- Tu pourras dormir ici. Il y fait bon, et c'est calme. L'autre litière, c'est la mienne, et je ne ronfle ni ne parle tout seul la nuit, et les Esprits ne me font pas lever et marcher comme un fantôme non plus ! rit-il.
- Oui, eh bien, j'espère que je ne te dérangerai pas, parce qu'à moi, ça m'arrive souvent, de me lever en dormant ! rit Alaï.
- Ah oui, mais toi, tu es chaman, et c'est plutôt normal, dans ton cas ! dit le jeune gars.
- Oui, mais ça faisait peur à tout le monde, chez moi ! avoua, confus, Alaï.
- Oui, eh bien ici, c'est ma Rakha de soeur qui est la spécialiste, rit le jeune gars, désignant la chef de clan.
- Mais Maïaka a, je le crois, le même don que moi ! dit Alaï.
- C'est vrai. Elle devait être chaman, mais comme elle est l'aînée, elle a été désignée par notre père pour lui succéder, et donc, elle est aussi notre Rakha ! Et du coup, notre grand-père, le chaman, devra trouver quelqu'un d'autre pour lui succéder, et le moins qu'on puisse dire, c'est que tu tombes bien, toi ! Au fait, demain, on fera une chasse aux rennes. Ton aide sera appréciée, tu es un solide gaillard !", dit le jeune homme, riant, donnant une bourrade amicale à Alaï.
Il resta plusieurs lunes et même trois printemps dans ce clan, le temps de finir de tomber complètement amoureux de la très charmante Maïaka, qu'il aimait comme un fou et qui le lui rendait bien, de lui faire un enfant, de parachever sa formation de chaman, et de commencer à former un apprenti, en l'occurrence, une apprentie, pour succéder au grand-père de Maïaka.
Car, la veille, un messager hâve et épuisé était arrivé, à bout de souffle, au camp des Traïnen Rakhéïn akhr Taïa Moïa. C'était son jeune frère, Malaï !
"- Par Moïa, enfin je te retrouve, Alaï !!! Nous avons été attaqués ! Par des hommes comme nous n'en avions jamais vus ! Enfin, ça ressemblait à des hommes, sauf qu'ils étaient bâtis comme de grandes perches, tout en jambes et bras, et qu'ils avaient des figures toutes plates comme des bébés, mais ils étaient bien loin d'être aussi inoffensifs que des bébés !!! Malgré leur débilité physique, ils lancent des dards petits et ridicules, mais mortels malgré tout, à une distance incroyable ! Ils lancent ces armes avec des espèces de crochets ! Et ils visent bien, ces monstres ! Mais le pire n'est pas là... C'est qu'ils sont, comme ces maudits Garakoï dont parlaient nos ancêtres, des mangeurs d'hommes !!!".
Le Cauchemar de Vince… © Elisabeth Daynès.
Et là les choses se précipitèrent. Tous les
jeunes gens courageux du clan de Maïaka, Maïaka à leur tête, d'ailleurs, décidèrent de partir à la rescousse du clan d'Alaï et Malaï !
Après dix jours de marche forcée, ils tombèrent sur des empreintes de pieds longs, légèrement imprimées sur la terre souple. Un être plus léger qu'eux était non loin de là qui les épiait... A peine eurent-ils fait ce constat qu'un trait d'une finesse remarquable et lancé avec une force et une vitesse étonnantes se ficha, en sifflant, dans le sol, après avoir effleuré le bras de Maïaka !
Et là, horreur, ils se retrouvèrent encerclés par les si bizarres étrangers qui puaient plus que charognes et étaient couverts de crasse et de peintures diverses ! Les pauvres Rakhéïn ne purent se mettre à couvert, les traits des assaillants les percèrent de toutes parts et les tuèrent avec une effrayante précision, touchant les coeurs et autres organes vitaux !
Le Cauchemar de Vince. © L’Homme de Néandertal et les mammouths, expo itinérante.
Vince se réveilla en sursaut, en un cri. C'était son propre cri d'effroi et de désespoir qui venait de le réveiller !
Il était baigné de sueur, le coeur battant la chamade. Encore cet épouvantable cauchemar qui le hantait depuis qu'il était tout petit ! Les gens qui l'avaient tué, lui et ses amis étaient les ancêtres de ceux qui l'avaient ressuscité !!! Quelle horreur ! Et ils avaient fait d'Alaï Taï Bokhr akhr Weren Rakhéïn akhr Hoïa Rinaïa Vince Mac Villard, fils de Jeffrey Mac Villard, citoyen de l'état de l'Oregon des États-Unis d'Amérique !
L'ancien chaman néanderthalien de la tribu des Rakhéïn et du clan de la Hoïa Rinaïa, la tribu des Hommes Braves du clan de la Rivière Blanche ou de la Blanche Rivière était devenu un phénomène de foire, l'aboutissement accompli d'une expérience scientifique démente, un enjeu économique hors de prix pour un trust multinational sans âme, enfin, c'est ce qui aurait dû arriver, si Wilford Priest n'avait eu, au dernier moment, des scrupules et ne s'était mis en tête de le protéger en l'isolant avec sa famille adoptive loin de tous, mais pas coupé entièrement du monde puisque, par vidéo et correspondance, via Internet, il suivait des cours à l'Université de Columbia ! Et comme il était curieux et tenait à connaître les enjeux dont il avait failli être l'objet, dont il pourrait être à nouveau l'objet si la protection du P.D.G. de Genetics Devilvalley Corporated venait à cesser, il suivait des cours d'anthropologie et de médecine, en parallèle avec des cours d'archéologie et de préhistoire ainsi que de paléontologie humaine. Il avait découvert la fascination-répulsion des modernes à l'égard des gens comme lui, et tous leurs préjugés pseudo-scientifiques qu'ils se jetaient mutuellement à la face à travers des thèses alambiquées aux argumentaires tordus étaient autant de blessures cruelles en son âme et son coeur...
Il avait tout juste quinze ans. L'âge auquel il était mort à son époque d'origine, dans sa première vie. Il était pleinement adulte, et à quinze ans, il était au même stade de maturité physique qu'un moderne de vingt ans. Intellectuellement, par contre, et en dépit de son crâne épais, aplati au petit front fuyant, il était doté d'une intelligence brillante.
Ses grandes facultés de concentration et une mémoire extraordinaire lui permettaient d'apprendre sans difficultés tout ce à quoi il pouvait s'intéresser. Et comme il était très curieux, quasiment tout l'intéressait. Plus il apprenait, plus il aimait apprendre. Avec son physique particulier, sa stature trapue -il mesurait à peine un mètre soixante dix pour un poids de cent kilos de muscles redoutables- on était très loin d'imaginer la formidable intelligence qui se cachait dans sa tête étrange. Et quelle tête ! Un front bas et incliné sur un crâne aplati et long, des sourcils en surplomb continu en double arc au-dessus de ses grands yeux superbes hésitant entre l'émeraude et le turquoise, des pommettes larges, un nez imposant, des joues creuses et une mâchoire auprès de laquelle celle d'Arnold Schwarzenegger eût paru d'une délicatesse diaphane, au menton fuyant, des sourcils épais d'un roux plus sombre que celui flamboyant de ses cheveux en crinière longue et touffue ainsi qu'ondulée, une bouche large, mais bien dessinée, et de grandes dents éclatantes mais de bonne taille, cette tête incroyable montée sur un cou d'aurochs et des épaules formidables de lutteur de foire, un torse profond et large, velu de bronze doré, des muscles noueux et des membres aux attaches épaisses, des mains d'étrangleur aux tendons saillants comme cordages, des bras et des jambes extraordinairement musclés qui lui donnaient une puissance physique équivalente à au moins celle de trois hommes modernes bien entraînés, lui conféraient l'allure d'un prédateur terrible, d'un fauve, d'une créature sauvage et inquiétante, et certainement pas celle d'un paisible étudiant à l'intellect singulièrement délié ! Et pourtant, derrière cette apparence magnifique de fauve humain, il se cachait une sensibilité extrême, une douceur exquise, une gentillesse réelle, et une bonté infinie. Vince ignorait la méchanceté, la cruauté gratuite, la violence sans raison. Il n'attaquait jamais, si on l'agressait, il se défendait calmement, tentant de raisonner son agresseur au préalable. Il n'avait recours à la violence qu'en cas extrême, et jamais gratuitement. Il était toujours d'humeur égale et paisible, souvent gai et joyeux, d'ailleurs. Les Mac Villard l'adoraient, et son amour pour eux ne s'était jamais démenti, se renforçant au fur et à mesure que le temps passait.
Prudence Mac Villard trouvait son drôle de fils préhistorique très beau, Mais Prudence n'était qu'amour, et elle voyait avec les yeux du coeur et de l'âme, et les différences de Vince lui apparaissaient plus comme des qualités que des défauts. Dans le secteur, l'étrange jeune homme blond roux était connu pour être un coureur des bois et un amoureux de la nature qui avait appris à trouver de quoi vivre avec trois fois rien, comme il l'avait fait autrefois dans une époque lointaine, et très souvent, il avait secouru des voyageurs égarés, des randonneurs blessés qui revenaient de leur mésaventure en racontant qu'ils avaient été sauvés par un bigfoot domestique, propre sur lui et habillé !!!
Pauvre Vince ! Parfois, il disparaissait plusieurs jours dans la forêt et les montagnes, et souvent, il se laissait aller au désespoir le plus total ! Ses amis et les gens qui l'aimaient auraient été bien surpris de le voir alors, rencogné dans une anfractuosité rocheuse, ou sur la fourche d'un arbre, la tête dans ses énormes mains noueuses aux doigts spatulés, secoué de sanglots rauques et désespérés ! Il était seul. Seul et si différent des autres ! Les Mac Villard et les Indiens de la réserve voisine l'aimaient et le respectaient, ils étaient ses amis... Mais malgré tout, il n'était pas comme eux ! Les réactions d'effroi des étrangers qu'il secourait régulièrement étaient bien plus qu'éloquentes ! Les étrangers en le voyant en avaient peur, et pourtant, il n'y avait pas vraiment de quoi...
Le Néanderthalien de la Ferrassie. © John Gurche. Ce que pourrait donner Vince Mac Villard adulte…
Alors, il demanda à Wilford Priest de convoquer les gens du Max Planck Institute et des préhistoriens connus, et de leur raconter toute l'histoire, et surtout, de le laisser parler, lui. Le P.D.G. du trust eut un peu peur, mais il accéda à la demande du jeune homme dont le regard fascinant et suppliant montrait une telle détresse qu'il n'osa pas résister.
Un mois plus tard, dans la base secrète de la Zone 51, Svante Pääbo, proche de l'âge de la retraite et Jean-Jacques Hublin, deux des savants extraordinaires et honnêtes du Max Planck Institute de Leipzig, John Hawks et Tim Lambert, qui avaient réalisé le documentaire Neandertal Code pour la National Geographic Society, Jacques Malaterre, Yves Coppens, Marylène Patou-Mathis et tout un tas de sommités du monde généticien et paléoanthropologue ainsi que préhistorien se retrouvèrent donc confrontés à la chose la plus démente qu'ils n'avaient jamais osé rêvé : V80 en muscles, en os, en cheveux, bel et bien vivant, et dans une forme olympique !
Monsieur Priest expliqua les méfaits dont son trust s'était rendu coupable, et d'ailleurs, il y avait des agents du FBI qu'il avait convoqués pour se livrer à la justice à cause de l'acte antiéthique auquel il s'était livré en ramenant à la vie ce pauvre Vince. Il raconta toute l'histoire, le vol de gènes et de chromosomes dont avait fait l'objet le Max Planck Institute, comment on avait réussi à concevoir Vince, ce qui s'était produit, bref, toute l'histoire dans sa totalité fut livrée à la curiosité intense des savants. La famille Mac Villard était là aussi, au grand complet, Madame Mac Villard serrant dans ses fines mains brunes l'immense battoir de son fils adoptif, comme si elle ne devait plus jamais le revoir.
Après l'allocution de Priest, ce fut au tour de Vince de raconter sa vie, et ses effrayants souvenirs d'autrefois. Nul n'avait osé douter de sa réalité, Vince ayant broyé sportivement plusieurs mains en les serrant amicalement lors des salutations d'usage, et de plus, son regard qui s'illuminait parfois étrangement au fil de ses pensées ou de ses émotions, ne permettaient nullement de douter de sa réalité. De plus, les vêtements simples qu'il portait, une chemise de bûcheron, un jean et un T-Shirt immaculés, des baskets blanches, semblaient prêts à éclater sous la pression des muscles presque effrayants du jeune homme.
Il se gratta doucement la gorge, et dit enfin, de sa belle voix profonde, sonore et pourtant douce :
"- Je n'ai pas demandé à naître. et encore moins à renaître, surtout au prix de plusieurs vies ! Je suis un être humain, un simple type qui n'a absolument pas sa place ici et maintenant. Je suis un monstre de la science, et je ne sais même pas si j'ai une âme. Ce que je sais en tout cas, c'est que j'éprouve les mêmes sentiments et émotions que vous, que je suis capable de reconnaître le bien du mal, que j'ai conscience d'exister et que je sais que je suis mortel. Vous, de l'Institut Max Planck, je vous supplie, au cas où quelqu'un irait à nouveau bricoler quelque chose à partir de mes gènes qui vous restent ou de ceux de l'un de mes malheureux congénères, de DETRUIRE ces gènes après vos expériences et vos recherches sur eux ! Parce que même si des gens m'aiment en dépit de mes différences, je suis unique en mon genre, et je suis effroyablement seul... Je suis désespéré, et je voudrais vraiment mourir ! Définitivement, cette fois ! La vie n'a aucun sens, pour moi ! Regardez-moi ! Ceux qui ne me connaissent pas ont peur de moi, et quelle fille de votre monde voudrait de moi ? Sans compter que je n'en ai trouvée aucune à mon goût, et quand bien même cela arriverait, m'aimerait-elle, elle ? Or, j'ai besoin d'aimer et d'être aimé, tout comme vous ! J'aimerais avoir des enfants et une femme, une famille aussi unie et belle que celle qui m'a vu naître il y a si longtemps ou celle qui m'a adopté ici et maintenant ! Or, je suis TOUT SEUL ! Je ne suis pas fait pour être tout seul ! Je suis né et j'ai grandi dans une tribu, moi, bon sang, je le sais, je m'en souviens ! Voilà d'ailleurs pourquoi même le clonage de vos contemporains serait une monstruosité, parce qu'on se souvient de sa première vie comme un film qu'on repasserait sans cesse dans votre tête et qu'il y a de quoi en devenir fou ! J'en deviens fou, d'ailleurs ! Parce que tous ceux que j'ai aimés sont morts, morts tués par vos propres ancêtres qui les ont mangés comme moi je mangerais un lapin de garenne ! D'ailleurs, c'est bien connu, l'homme de Néanderthal, c'est comme le lapin de garenne, sauf qu'il vivait à Néanderthal et non pas à garenne, et ce n'est pas Sacha Guitry, ce cinéaste et dramaturge français de l'entre-deux guerres et d'après la guerre qui me contredirait ! Vous auriez dû me laisser mort, bon sang ! Parce que des millénaires à présent me séparent de la femme que j'ai aimée, et de l'enfant que j'avais eu d'elle ! Des millénaires me séparent de mes vrais parents et de mes premiers amis : je vis dans un véritable enfer ! Alors, parce que même si je vous aime, même si vous avez fait beaucoup pour moi, je vous en prie, je vous en supplie, laissez-moi mourir en paix, loin de tout et de tous, et, surtout, dans l'oubli... Ne recherchez pas mon corps... Je ferai tout pour que vous ne puissiez jamais en récupérer le moindre chromosome... Adieu. Vos ancêtres et nous aurions pu nous entendre. Ils n'ont rien voulu savoir, et ça causera votre perte."
Et le jeune homme partit. Il prit les commandes de l'un des hélicoptères du trust et s'éloigna, loin, vers le Sud...
Le crash d'un des hélicoptères volés de la Genetics Devilvalley Corporated dans un des volcans de la Ceinture de Feu du Pacifique fut tenu secret. Ainsi disparut Vince, l'homme du passé, l'homme si différent et pourtant si semblable.
L'arrestation du P.D.G. du trust Genetics Devilvalley Corporated et de plusieurs membres de son conseil d'administration dont l'ancien nazi plus que centanaire entraîna le démentèlement de la multinationale et la fin de son monopole crapuleux sur quasiment toutes les cultures du globe.
Il y a une justice. Parce que, quand on ressuscite les morts, ils se vengent.
FIN.
(pour ce qui est de la partie sérieuse et scientifiquement plausible, eu égard où nous en sommes actuellement…)
Et ça, c’est le rajout purement science fictionnel, parce que j’ai horreur des histoires qui finissent mal, et que j’aime bien les histoires d’explorateurs du temps, moi…
Le journal de Vince.
Premier septembre 2017.
“ Maman est toute surprise par le fait que j’aie appris à lire et à écrire tout seul, et que je sache tant de choses à même pas quatre ans. Pourtant, ce n’est pas difficile ! J’écoute simplement ce que les précepteurs disent à mes frères et sœurs plus âgés, et c’est tout ! J’aime ce qu’ils apprennent, et je m’amuse bien avec eux. Ce qui serait bien, c’est si j’arrêtais de rêver des cannibales, la nuit ! Et quand c’est pas les cannibales, c’est des bêtes monstrueuses ! Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. Je viens d’avoir quatre ans. Ici et maintenant, j’ai quatre ans. Mais je suis en réalité bien plus vieux que ça. Je le sais. Je m’en souviens.
C’était un monde de glaces et de neige, aux hivers qui n’en finissaient pas, très froids, mais bien plus souvent ensoleillés que ce qu’on pourrait penser. Le ciel était bien plus souvent bleu et sans nuages que caché par les tempêtes des blizzards glacés. Nous vivions très heureux, tranquilles, sur un vaste territoire, entouré de clans amis. Nous chassions, pour vivre, des bêtes énormes, dont des espèces d’éléphants poilus avec des grandes défenses recourbées très jolies. Papa, enfin, le papa que j’ai ici, dit que ça s’appelait des mammouths et qu’ils sont morts depuis très longtemps, maintenant. J’aimais les mammouths. Ils étaient beaux, ils ne faisaient de mal à personne, et presque personne ne leur faisait de mal. Sauf, de temps en temps, les hommes, pour faire des réserves d’hiver.
Il y avait aussi des ours énormes, encore plus grands que les Grizzlys des Rocheuses, où nous habitons. Papa m’a dit qu’on appelait ça des ours des cavernes, et que ça aussi, ça avait disparu il y a très longtemps. Dommage. J’aimais bien les ours des cavernes, moi ! Ils mangeaient plutôt des plantes que de la chair, et ils dormaient, l’hiver, dans leurs grottes, sans se soucier de quoi que ce soit. Et quand parfois, on en tuait un, sa chair était savoureuse, et sa peau donnait des pelisses et des couvertures très douces, confortables et chaudes.
Je suis content. Le cahier où j’écris pour la première fois aujourd’hui, c’est Maman qui me l’a offert, quand elle a vu que je savais écrire et lire et que je ne faisais pas trop de fautes. “ C’est pour que tu racontes ce qui te passe par la tête ”, m’a-t-elle dit. “ On appelle ça un journal ”. Je sais que c’est le tout premier de mes cahiers et qu’il y en aura bien d’autres après. Parce que j’ai tant de choses à raconter, des choses tellement étranges !
Des fois, je me demande si je suis bien Vince Mac Villard, comme on me nomme ici et maintenant. Je sais que c’est le nom pour ce monde-ci. Mais avant j’étais Alaï. Et je faisais des choses étranges avec les Esprits de la nature. J’aidais les gens malades et j’éloignais le mal d’eux ! Et je sais qu’il m’est arrivé quelque chose d’horrible dont je rêve toutes les nuits… Ils sont affreux, ils nous entourent tout d’un coup, mes amis et moi, et ils nous tuent pour nous manger ! ! ! Ils sont sales et ils sentent mauvais ! Et le pire, c’est que je n’étais pas tout à fait mort quand ils m’ont lié mains et pieds, comme aux autres, pour me passer sur une perche, et me transporter comme ça jusqu’à leur camp crasseux ! Et j’ai vu ce qu’ils faisaient des autres malheureux qui étaient avec moi… Notamment de la pauvre Maïaka, que j’aimais tant… À chaque fois, je me réveille au moment où ils vont la découper comme ils le font avec les autres… Les autres qu’ils ont mis à cuire comme on le fait avec les biches et les rennes ! Ces étrangers grands et maigres avaient attaqué mon clan alors que je vivais depuis plusieurs années avec le clan de Maïaka que j’avais épousée et de qui j’avais eu un fils. Mon jeune frère était venu nous prévenir, et quand tous les jeunes du clan de Maïaka, elle et moi en tête, d’ailleurs, sommes allés à la rescousse, nous sommes tombés dans leur piège ! Je crois que je suis mort peu après qu’ils aient mis Maïaka à cuire sur de larges pierres plates chauffées à blanc sur les braises de leur foyer… J’étais Alaï Taï Bokhr akhr Weren Rakhéïn akhr Hoïa Rinaïa.
Je ne sais pas comment ni pourquoi, je revis. Mais je revis dans la peau que j’avais à l’époque où j’étais Alaï ! Je le sais parce que tous les Mac Villard sont Noirs, et que moi, moi, je suis Blanc. Mais un Blanc bien bizarre ! ! ! Car je sais que je ne serai jamais comme les autres Blancs que j’ai vu parfois dans le coin… Je serai comme étaient les Rakhéïn, mon peuple, autrefois. C’étaient des gens plus petits que les Américains, par contre, ils étaient bien plus costauds que les joueurs de football et les quarterbacks les plus réputés ! Ils étaient des chasseurs terribles, ils connaissaient les bêtes et leur mode de vie, savaient leurs traces et ils avaient des plantes un savoir extraordinaire pour distinguer celles qui soignaient et tuaient parmi toutes celles qu’on pouvait manger ou non. Ils ne connaissaient pas les métaux. Ne savaient pas cultiver la terre, mais ils étaient sages et généralement pacifiques et bons, généreux et hospitaliers, aussi.
Jamais les miens n’avaient levé la main contre d’autres hommes, sauf peut-être très longtemps auparavant, du temps des pères de nos pères, et encore…
Je suis Alaï Taï Bokhr et je revis dans un monde qui n’est pas le mien et qui n’est pas fait pour moi. Et j’ai peur. Parce que je suis le seul à être comme ça. Le seul de ma sorte. Ce qu’ils appellent un Néanderthalien.
J’ai pris le grand dictionnaire de Papa, et j’ai cherché ce que pouvait être un Néanderthalien. Ce que j’ai lu m’a épouvanté. Dans l’article, il était dit que les Néanderthaliens étaient des hommes avec toutes les qualités qui faisaient les êtres humains, mais qu’ils n’étaient pas des Homo sapiens. Ils racontaient aussi comment, à partir d’un morceau de tibia d’un homme cannibalisé il y avait trente-huit mille ans, ils avaient pu apprendre plein de choses sur les Néanderthaliens. Qu’ils étaient clairs de teint et souvent de cheveux, qu’ils pouvaient être blonds, roux, ou entre les deux, comme moi, qu’ils pouvaient parler avec autant de facilité que les hommes modernes. Et ça c’est vrai. Papa dit que j’ai été vacciné à l’aiguille de phonographe ! Ça non plus, je ne sais pas ce que c’est. Je verrai demain dans le grand dictionnaire. J’aime bien le dictionnaire. On y apprend plein de choses.
Tout ça pour dire qu’ils avaient fini par connaître tous les secrets de l’homme de Néanderthal en 2012. À partir de ce bout d’os cuit et fossilisé qui conservait un peu d’ADN. Moi, il paraît que je suis né le premier septembre 2013. Mais qui a été la femme qui m’avait en elle avant que je naisse ? Et comment ont-ils pu prendre l’ADN de ce pauvre nomme mort il y a si longtemps, trouvé à Vindija en Croatie, en 1980, dénommé V80… Est-ce que, par hasard, c’est moi ? Qu’on m’a fabriqué avec les restes de V80 ? Et que c’est sa vie que je revois toutes les nuits, que c’est sa vie, tous ces souvenirs bizarres que j’ai ? Alors… Je suis LUI ? Il faudra que je demande ça à Tonton Wilford. Il sait tant de choses ! Et il m’aime beaucoup !”.
Prudence Mac Villard ferma le vieux cahier à la couverture cornée et maculée de taches d’herbe et tamponna ses yeux. Son drôle de petit ange blond mort dans les flammes d’un volcan avait laissé toutes ses pensées, tous ses rêves dans ces cahiers qu’il remplissait consciencieusement presque tous les jours depuis l’anniversaire de ses quatre ans. Et il s’y trouvait toujours l’histoire d’Alaï, le gentil chaman Néanderthalien tué par des ennemis mystérieux qui semblaient, d’après les descriptions écrites soigneusement par Vince, les tous premiers hommes modernes venus en Europe…
Il s’y trouvait aussi les questionnements, les angoisses d’un être totalement déraciné et désespérément seul, malgré l’amitié et l’amour qu’on pouvait lui vouer. Il était si proche et si différent en même temps. Et pourtant, ses rêves, ses aspirations, ses peurs, ses angoisses, ses questionnements étaient les mêmes que ceux que les hommes modernes ressentaient eux aussi, parfois. Dès sa plus tendre enfance, Vince avait fait montre d’une maturité, d’une intelligence hors du commun, mais s’il était mort à l’âge de quinze ou seize ans, selon ses souvenirs, il était alors tout juste adulte, pour un Néanderthalien, et doté de la maturité nécessaire pour comprendre bien des choses.
Base Intertemporelle γ, 10 mars 3009.
Les Gardiens des Siècles surveillaient étroitement le Max Planck Institute de Leipzig depuis qu’on avait décrypté totalement le génome néanderthalien.
Ils avaient donc assisté aux méfaits d’un trust international qui vola les gènes précieux de V80, et à la folie qu’ils commirent en le clonant à partir de ces gènes… Ils surent ce que ce trust voulait en faire, aussi surveillèrent-ils soigneusement et la famille Mac Villard, et les gens du trust. Ainsi purent-ils être à pied d’œuvre pour récupérer in extremis le jeune homme perdu et désespéré qui allait découvrir de drôles de bipèdes, ses semblables, qui s’avéraient tout aussi aimables et sympathiques que lui-même.
L’hélicoptère de la Genetics Devilvalley Corporated plongeait droit dans le cratère en fusion d’un des volcans des Rocheuses septentrionales, au Canada.
Vince, aux commandes, qui savait parfaitement piloter ce type d’engin, il l’avait appris de Wilford Priest, le P.D.G. de la Genetics Devilvalley Corporated, faisait sciemment plonger l’engin dans le brasier. Il ne fallait plus qu’aucun savant fou ne le ressuscite à nouveau… Il avait appris, malgré le fait que “ Tonton ” Wilford ne le mentionnât jamais, ce que voulait faire sa société multinationale de lui, au départ, tout comme les visées de la C.I.A. et de la N.S.A.. Et cette idée était profondément inique et abominable. On voulait utiliser ses gènes pour créer des surhommes qui en même temps seraient de parfaits esclaves ! C’était intolérable ! Wilford Priest avait réussi à éviter le pire jusqu’à présent, mais le jour où il mourrait, il était certain que son destin, à lui, le Néanderthalien cloné, changerait du tout au tout, et que sa famille d’adoption courrait un grand danger ! Comme ses amis, les Indiens de la réserve voisine de l’endroit isolé des Rocheuses où il avait grandi, avec sa famille adoptive, entouré d’amour et d’amitié, et isolé des vicissitudes du monde et de la société modernes. Il ne voulait pas mourir, malgré tout, tout en le désirant ardemment, lui qui était unique en son genre dans ce monde où ses semblables avaient disparu depuis trente-mille ans ! Il avait tant à découvrir et à apprendre encore, il aurait peut-être même pu trouver une fille qui aurait pu l’aimer, en dépit de ce qu’il était au départ… Seulement, les margoulins des agences gouvernementales ou non, les actionnaires du trust, le guettaient, dans l’ombre, comme une hyène sa proie.
Sa chute semblait ne jamais devoir se terminer… Et au moment où l’hélicoptère explosait en touchant la lave, à l’ultime seconde, le décor changea soudain !
La nouvelle recrue.
Il était à présent dans un endroit étincelant de propreté, sur le seuil d’une étrange porte lumineuse branchée à des câbles impressionnants, dans une immense salle pleine d’ordinateurs auxquels étaient installées plusieurs personnes vêtues d’espèces d’uniformes immaculés, dont certaines se payaient des tronches pas possibles, des tronches comme la sienne !
Sidéré, il regarda venir à lui les deux quidams qui venaient de quitter ce qui semblait être, de toute évidence, la console principale du lieu. D’ailleurs, ces deux-là semblaient les gradés de l’équipe, leur uniforme blanc, sans manches, était orné d’un liseré d’or sur tous les ourlets. Malgré leur tenue, ils étaient pieds nus, et c’était plutôt comique. Ils n’étaient pas plus grands que lui, bâtis en force, et les bras qui sortaient des casaques de leurs uniformes étaient tout aussi musclés, sinon davantage encore, que les siens ! Lesdites casaques moulaient des torses impressionnants, bosselés de muscles, et les têtes des deux gars n’avaient rien à envier à la sienne !
“- Eh bien alors, Vince Mac Villard, alias V80, alias Alaï Taï Bokhr, finir cuit une fois ne t’a pas suffi ? Et en plus, par Maïa, tu allais rôtir tout vif, cette fois ! Non mais quelle idée ! De très mauvais goût, ceci dit ! riait le Néanderthalien brun, donnant une bourrade à son pote blond qui riait tout autant !
- Et finir bouffé par les ancêtres de cette espèce de moderne Marseillais-là ! rit à son tour le blond, désignant un moderne de taille moyenne et un peu replet, chevelu et barbu comme un beatnik, Alors que celui-là, il serait un peu végétarien ! Pas tout à fait, parce qu’on le rééduque un peu, mais il aurait une nette tendance à ne bouffer que de l’herbe, si on le laissait faire ! ! ! riait à son tour le blond, presque son sosie à lui, Vince.
- Mais… Mais où suis-je ? Et qui êtes-vous ? s’entendit-il dire, médusé.
- Ben, des espèces d’anges gardiens ! rit le brun. Les anges gardiens de la gent néanderthalienne, en fait !
- Et même des anges gardiens des siècles ! renchérit le blond, tout aussi amusé.
- Anaïak, Maïn, ce pauvre petit est passé par des épreuves terribles, et vous, tout ce que vous trouvez à faire, c’est de raconter des vannes, au lieu de l’accueillir dans les formes et un peu plus calmement que ça ! Mais vous êtes vraiment une paire de sales gosses ! reprocha le moderne d’un ton aimable mais néanmoins amusé. Monsieur Mac Villard, vous êtes ici dans la base intertemporelle γ où nous avons recueilli nombre de vos semblables, qui, eux, pour la plupart, sont nés et ont vécu en pleine préhistoire, et n’ont pas été clonés, contrairement à vous, à partir des restes d’un malheureux mort d’une façon bien terrible ! Mais parfois, ils ont vraiment un humour qui n’engage vraiment qu’eux ! expliqua, aimablement, le moderne.
- Mais… Je ne suis pas entre les mains de la C.I.A. et de la N.S.A. ? s’enquit enfin le pauvre Vince, frissonnant, et des sueurs froides s’écoulant de son échine.
- La C.I.A. ? La N.S.A. ? Késako ? fit le Néanderthalien blond, Maïn, amusé. Le Centre des Incapables Associés ? La Nullité Suprême Absolue ? Ici, ceux-là, eh bien, ils vont trouver à qui causer s’ils te cherchent des poux dans la tête, à toi ! déclara le Néanderthalien blond, dans l’anglais familier des rappeurs américains, à sa grande stupeur.
- Je ne sais pas où vous avez appris l’anglais, vous, mais on croirait entendre Eminem ou Snoop Dogg ! rit Vince. Des Néanderthaliens qui parlent gangsta ! On aura tout vu ! À croire qu’il t’est arrivé la même chose qu’à moi, mais que toi, tu serais tombé dans les quartiers de Los Angeles ! rit Vince. Et à croire que tu es un autre clone de V80 ! fit-il. Tu me ressembles ! Où je te ressemble, d’ailleurs.
- Bah, je suis peut-être l’ancêtre de ce pauvre V80, parce que moi, tout comme l’espèce de noiraud, là, dit Maïn, désignant son brun copain Anaïak, je sors, comme la plupart des Néanderthaliens qui sont ici, du centième millénaire avant Jésus-Christ ! Toi, tu es un jeunot, par rapport à nous autres ! Et encore plus depuis qu’on t’a cloné, mon pauvre vieux ! Quant à parler gangsta, disons que j’ai vécu une aventure assez tordue moi aussi, sauf que je sors vraiment d’un campement préhistorique, au départ, moi ! Allez, viens, on ne te mangera pas… Euh, désolé ! ! ! Moi et ma grande gueule ! s’interrompit Maïn, voyant l’énorme bourde qu’il venait de commettre, ce qui lui valut d’ailleurs, un regard très noir de son copain, et du moderne, ainsi que des regards sidérés des autres personnes réunies là, dont une Néanderthalienne absolument magnifique qui semblait toute d’argent et d’améthystes, lumineuse et souriante. Subjugué, Vince la regardait, sans oser en détacher son regard !
“- Ah non, non, et non ! rit-elle, finalement. Moi, j’ai déjà un blondinet à la maison, Maïn La Gaffe, ici présent rit-elle, taquine, venant tirer les trois poils fauves qui dépassaient de l’encolure de la tunique de son mari qui poussa un vrai glapissement !
- Aïe, mais ça fait mal, ça, Nouka ! reprocha-t-il.
- Oui, mais ça t’apprendra à tourner sept fois ta langue dans ta bouche avant de parler ! Mais enfin, Maïn, tu pourrais rebrancher ton cerveau, de temps en temps ? Est-ce que tu te rends compte de ce que tu viens de dire ? Et pourtant, toi, niveau cannibales, tu as été servi aussi, s’il m’en souvient ! Ce pauvre petit gars rêve toutes les nuits depuis qu’il est tout petit de sa mort précédente, le pauvre petit ! dit “ Nouka ”, apitoyée.
- Comme moi je revoyais sans cesse la mort des miens ! Et c’est toi, qui finalement m’en a guéri ! Je suis désolé, Nou ! dit Maïn, sincèrement contrit.
- Oui, ben le principal concerné, c’est tout de même ce jeune homme, là ! dit la Néanderthalienne argentée et irisée.
- C’est vrai que celle-là, quand même, elle était velue ! rit à son tour une Néanderthalienne rouquine aux yeux d’un vert presque semblable aux siens et à ceux de Maïn. Ta femme a raison ! Tu ne serais pas le président des C.P.F.i, parfois ? riait-elle, franchement amusée.
- Mais, Wang-Ka, je l’ai pas fait exprès ! fit Maïn, plus qu’écarlate !
- Oui, ben encore heureux ! Allez, suis-nous, Vince ! On va te montrer où tu vas pouvoir commencer ta nouvelle vie, et plus désespérément tout seul, cette fois ! ”, dit la petite femme rousse, d’un ton sans réplique. Celle-là aussi, Vince la trouvait diantrement jolie. Il ne pensait pas que les femmes de Néanderthal pouvaient être jolies, d’après ce qu’il avait lu dans les livres, et pourtant, Maïaka, la femme qu’il avait aimée dans sa première vie pouvait rivaliser sans craintes avec ces deux femmes d’argent et de feu ! Mais c’est vrai qu’elles étaient franchement attirantes, surtout la rousse !
“- Ah oui, mais celle-là, c’est MA femme ! rit Anaïak.
- Pardon ? fit Vince, fasciné et perdu dans ses pensées.
- Wang-Ka, c’est ma femme ! Calme-toi, petit, les jolies filles, ici, et célibataires, ça ne manque pas, dans le coin ! Toi, tes hormones te travaillent ! Mais à mon avis, tu ne vas pas tarder à faire des rencontres intéressantes ! expliqua Anaïak, aimablement, amusé, au pauvre jeune homme médusé.
- Mais… Comment… demanda-t-il, confus.
- Tu crois que ta télépathie est une exclusivité ? Eh bien non ! Tous les Néanderthaliens sont télépathes, au départ ! Et ton esprit criait à tous vents ton admiration sincère pour Délian-Ka et Wang-Ka, qui, il est vrai, sont superbes, pour ne pas dire absolument magnifiques, ce qui me rassure quant à mon bon goût, tout de même ! expliqua Anaïak, d’un ton plaisant.
- Allez, arrête de chambrer ce garçon, il a besoin de se remettre de ses émotions ! Voilà ! Ceci est ton nouvel univers ! Tu es ici dans tes quartiers, et si tu as quelque chose à demander, un truc que tu ne comprendrais pas, mais ça m’étonnerait, nous ne sommes pas loin ! Installe-toi, repose-toi un peu. Nous viendrons te récupérer tout à l’heure. Tu vas faire la connaissance de toute l’équipe rétro de la base intertemporelle et de quelques modernes sympas et fréquentables aussi ! expliqua gentiment Délian-Ka, dite Kanou ou Nouka.
- Mais… Et mes parents adoptifs ? Ils doivent être au désespoir, les pauvres ! dit Vince, au bord des larmes.
- Tu pourras leur envoyer un message tout à l’heure, ne t’en fais pas, d’autant que nous les récupèrerons eux aussi le moment venu ! Repose-toi bien en attendant, tu es passé par de sacrés moments, là ! À plus tard, Vince, ou plutôt, Alaï, d’ailleurs ! dit aimablement Wang-Ka.
- À bientôt ! Et merci de m’avoir sorti de ce pétrin ! dit-il, perplexe.
- Pas de quoi ! À tout à l’heure !”.
Et le quatuor de Néanderthaliens, toujours flanqué du moderne qui semblait être le directeur de la base, s’éloigna.
Début d’une nouvelle vie.
Vince fit le tour de son nouveau domaine, perplexe. C’était une vaste chambre au décor épuré, blanc, au sol noir, dotée d’une grande baie vitrée qui donnait sur une grande véranda. Il y avait un large lit, des meubles très design, et, au-dessus, une trappe qu’il pouvait ouvrir en tirant une sorte de manette, ce qu’il fit. Un escalier d’écoutille se déplia.
Il découvrit une sorte de petit salon, qui pouvait servir de chambre d’appoint, une vaste salle de bains, et une kitchenette. Il y avait aussi deux portes et une petite fenêtre. La première porte donnait sur un corridor, et la seconde, qu’il tenta d’ouvrir, était fermée. Mais on déverrouilla de l’autre côté, et la tête chevelue et hirsute d’un Néanderthalien aussi brun qu’Anaïak apparut :
“- Ah, c’est toi qu’ils ont récupéré tout à l’heure ! Sois le bienvenu ici ! Je suis Niya Aïak Bokhr ! dit le gars.
- Ben moi, Vince Mac Villard, et j’étais, dans ma première vie, un dénomme Alaï Taï Bokhr, à croire que je sortais de votre tribu, tiens ! fit-il, perplexe.
- Oh, ça, il y a de fortes chances. Tu dois êtres un Rakhéï, comme Maïn, toi. Moi, je suis un Marrakhéï, un peuple apparenté aux Rakhéïn.
- Je voudrais savoir quelque chose… fit Vince, pensif.
- Oui ? fit Niya, intrigué.
- Où est-ce que je peux trouver à manger ? Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai une de ces faims ! ! ! dit-il.
- Ah mais, les émotions, ça creuse ! Allez, viens voir par ici, j’ai de quoi te calmer ton creux, par là ! rit Niya.
- Mais… Je te dérange, là ! fit Vince, confus.
- Bah, nous étions, justement, ma femme et moi, en train de nous faire un bon goûter ! Un five o’clock tea, même ! rit Niya.
- Oh, mais je ne voudrais pas abuser ! fit Vince, un peu gêné.
- Bah, plus on est de fous, et plus on rit ! dit une joyeuse voix féminine. À la menthe ou la bergamote, le thé ?
- Bergamote, s’il vous plaît ! sourit Vince, pénétrant enfin dans l’antre de son voisin. Il y découvrit une très jolie femme blonde aux yeux de ce même bleu vert que ceux de Maïn à qui elle ressemblait, d’ailleurs.
- Je suis Kaïra, la jumelle du Gaffeur du Moustérien ! rit-elle, l’invitant gentiment à prendre place sur le canapé qui se trouvait là.
- Moi, je suis Vince Mac Villard, mais j’étais Alaï, autrefois ! dit-il.
- Oh, ça, on le sait ! On a fait partie de ceux qui te surveillions quand tu étais au vingt-et-unième siècle ! On connaît toute ton histoire. Et quelle histoire ! dit-elle, songeuse.
- Oh, Kaïra, mais quelle merveille ! s’exclama Niya, d’un ton ravi, avisant ce que contenait une sorte d’écuelle en bois sculptée.
Le portrait de Niya, le Néanderthalien de la base intertemporelle γ. Cette chose est de moi.
Le portrait de Niya, le Néanderthalien de la base intertemporelle γ.
Cette chose est de moi
- Qu’est-ce que c’est ? s’enquit Vince, intrigué.
- Goûte, tu m’en diras des nouvelles ! Viande d’aurochs séchée et baies diverses ! Un régal ! Et avec ce moderne thé assez anachronique, l’illustration parfaite de ce qu’est la base intertemporelle γ où époques et peuples se télescopent un peu dans la plus parfaite harmonie malgré tout ! sourit Kaïra.
- En fait, tu fais une nouvelle recrue tout à fait remarquable pour les Gardiens des siècles, toi ! ajouta Niya.
- Mais, et si vous m’en disiez plus ? demanda Vince.
- Eh bien, c’est une sacrée histoire que celle des Gardiens des Siècles, et pour tout te raconter, on en y mettrait, des siècles, justement ! rit Niya.
- Mais ici, on a des méthodes d’enseignement rapides dans le sommeil, et c’est incroyable tout ce qu’on peut apprendre en un rien de temps, un vrai bonheur ! renchérit Kaïra.
- Ça alors ! Mais qui a conçu cet endroit incroyable ? s’enquit Vince.
- Des modernes du trentième siècle. En fait les bases intertemporelles ont été créées pour contrer leurs projets insensés ! dit Niya. Mais tu sauras tout en détail pendant ton enseignement dans le sommeil, ce qu’on appelle une hypnopédie, ici ! sourit-il.
- Tu as tant de choses à apprendre et à découvrir, ici ! ajouta gentiment Kaïra.
- Mais, et vous autres, ça n’a pas été trop difficile, pour vous, de vous habituer à cette nouvelle vie ? s’enquit Vince, intrigué.
- Toi, ta phase d’adaptation au monde moderne, tu l’as eue en te retrouvant cloné et élevé par des modernes… Pour nous autres, ça a été plus ou moins difficile ! dit Niya. Moi, j’avoue que j’avais du mal à me sortir de mes superstitions, et j’ai pourri la vie de Délian-Ka, ma première femme, avec ça… expliqua-t-il, un peu confus.
- Oh mais moi, je lui remets de temps en temps le silex à sa place ! rit Kaïra. C’est qu’il n’est pas méchant, mais alors, les traditions des Rakhéïn et autres, à notre époque, c’était pas vraiment le féminisme à tout crins ! Alors, je fête la non-journée de la femme tous les jours, histoire de le faire descendre de son arbre ! acheva-t-elle, espiègle.
- Et en plus, franchement, tu te paies une de ces allures, dans ces nippes modernes ! fit Niya, le regardant d’un œil critique.
- Ben oui, peut-être, mais je n’allais tout de même pas me balader à poil ! fit Vince, se regardant d’un air dubitatif.
- Oui, ben j’en connais qui vont te faire une garde-robe un peu plus adaptée, tout de même ! C’est vrai qu’un Néanderthalien nippé comme un red neck, tout de même, c’est ridicule… dit Kaïra.
- Ben oui, mais j’aurais eu l’air de quoi, nippé comme vous, au sein de la famille Mac Villard ? Non que vous soyez mal vêtus, mais votre style est quand même assez décapant ! Et ces tatouages ! À l’époque d’Alaï, ils n’étaient plus tatoués, même s’ils continuaient à dessiner des spirales sur leurs vêtements ! On racontait une histoire terrible, d’Esprits volants qui enlevaient les Rakhéïn tatoués pour prendre leurs peaux et du coup, Moïa leur avait suggéré de décorer leurs vêtements, pas de se taguer eux-mêmes ! Mais c’est vrai que vos vêtements sont beaux. Amusant de voir que la mode du trentième siècle ne vous a pas vraiment traumatisés, à vous autres, mais c’est vrai que je me suis trouvé toujours affreux, nippé comme le reste de la famille Mac Villard, et que peut-être me trouverais-je enfin pas trop moche une fois arrangé à votre sauce… Mais pas de tatouages, hein, j’ai toujours eu horreur des piqûres, et j’ai eu plus que mon lot de ces saloperies, gamin, parce qu’on me prenait des cellules-souche dans les os, mais bon sang de bois, qu’on ne me tatoue ni ne me fasse quoi que ce soit comme ça, sinon je ne réponds plus de rien, pour aussi content que je sois d’avoir retrouvé des gens comme moi ! ! ! dit le jeune homme, visiblement très paniqué.
- Les chercheurs du trust qui t’a cloné t’ont traité comme un cobaye, c’est ça ? Et les Mac Villard n’en ont jamais rien su, parce que tu ne connaissais rien d’autre, et ils t’ont littéralement martyrisé, ces monstres ! Et après c’est nous qu’on traite de sauvages ! On croit rêver ! fit Niya, horrifié.
- Mais… Je n’en ai jamais rien dit ! fit Vince, effaré.
- Ton esprit a hurlé cette souffrance cachée. Tu l’oublies encore, que nous sommes télépathes et que nous ressentons tout ce que les autres ressentent ! sourit Kaïra.
- Oui, et ici, c’est étonnant, mais je me sens tranquille, heureux, et même chez moi, comme chez les Mac Villard, mais encore plus que ça ! J’ai vraiment l’impression de revivre, et pas seulement au sens littéral du terme ! En tout cas, merci de m’avoir sorti de la situation inextricable où je me suis retrouvé !”.
Le jeune homme réintégra ensuite son nouveau domaine, et s’allongea sur le grand lit confortable, idéalement ferme. et il s’endormit. Pour la première fois de sa vie, il ne fit pas de cauchemar.
The end?
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Not only you, but every WhatsApp user have a prominent question, *how
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1 commentaire:
Write commentsEh bien, merci !
RépondreSupprimerCa me fait grand plaisir de me voir ainsi publiée dans tes deux blogs, et je t'en suis reconnaissante.
Bises !
Tinky :-)