Autant scier la branche sur laquelle nous sommes aveuglément assis. Il existe une devise patronale dans la région : « Mille arbres qui poussent font moins de bruit qu'un seul qui tombe », en référence aux grandes extinctions industrielles qui ont assourdi ces trois dernières décennies, faisant oublier les micro renaissances d'entreprises. Emmanuel Cau, pour sa part, souhaiterait faire du bruit autour des jeunes pousses.
Troncs communs
Le nouveau vice-président à l'environnement du conseil régional affiche presque l'ambition militante des causes pas si perdues d'avance : un reboisement de la région, territoire par territoire, grâce à des trames vertes tissées de corridors forestiers reliant les bassins entre eux. Ces trames sont inscrites dans un appel à projets à destination des agglomérations, communautés de communes, pays et communes avec de l'argent, des moyens, des ressources (1).
Il est grand temps. Le Nord - Pas-de-Calais détient le record absolu du déficit d'espaces naturels sauvages en France (12,3 %), il est aussi lanterne rouge en matière d'espaces boisés (7,3 % contre 27 % en moyenne nationale). Nos 90 750 hectares forestiers hors peupleraies sont isolés dans la région la plus artificialisée du pays (15 %), morcelée en plus de 4 millions de morceaux de paysages. On connaît la résignation culturelle à faire prévaloir le monde du travail historiquement épuiseur de ressources naturelles. Du social d'abord, de l'environnement ensuite, la nature étant devenue pour beaucoup une abstraction. « Nous ne voulons pas mettre la nature sous cloche, mais l'améliorer pour qu'elle nous rende davantage de services », explique Emmanuel Cau.
L'essentiel du massif forestier régional a perdu 90 % du bois en comparaison de l'état naturel estimé d'une forêt de référence. Attention : peu de forêts et des forêts fragiles.
En réaction, les modes d'extraction du bois sont plus doux que par le passé. Il existe également un nouveau marché de la gestion durable des espaces boisés avec, en perspective, les promesses d'une filière bois-énergie. On sait par ailleurs que 80 % des espèces animales et végétales dépendent plus ou moins directement des espaces boisés et que la région a perdu, en 300 ans, plus de 75 % de sa richesse animale. Le Pas-de-Calais a perdu, à lui seul, 10 % de sa biodiversité animale et végétale en l'espace d'une seule génération .
Sentiers battus
Pour toutes ces raisons, la Région et l'État, via sa direction régionale de l'environnement (Diren), posent aujourd'hui les termes de nombreux accords et discussions à venir avec les maires, présidents d'intercommunalités, agriculteurs ou particuliers (67 % des bois et forêts appartiennent à des privés).
L'objectif de doubler les surfaces boisées n'a rien d'officiel mais peut déjà s'inscrire dans l'ambition collective. Au temps des Romains, la forêt occupait plus de la moitié de la région à l'exception de la Flandre. Puis un défrichage sévère a eu lieu jusqu'au 18e siècle qui marque la renaissance des chênes (un tiers du massif actuel) et des hêtres (un cinquième). Chaque année, la région s'enrichit déjà de 380 hectares supplémentaires. L'effort entrepris avec ce plan est inédit à son échelle en France. La trame verte régionale n'a plus qu'à prendre racine partout pour accélérer une tendance naturelle à la reforestation. À vos pelles. •
1. - Sur six ans, 30 ME par la Région, 13 ME par les pays, 148 ME par l'Union européenne (Feder) dont 40 pour la biodiversité et l'eau, 22 ME en contrats de projets État-Région sur la biodiversité.
Source:lavoixdunord
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