dimanche 8 juin 2008

Jules César, fondateur d’Arles





L’annonce par le ministre de la Culture mardi 13 mai 2008 de la découverte d’un buste de Jules César dans le Rhône, à Arles, a suscité de nombreuses réactions ainsi que des communiqués de presse et des dépêches par dizaines sur internet. Avec un début de polémique : ce buste représente-t-il bien Jules César ? Une conférence de presse a été organisée rapidement pour faire le point et permettre aux journalistes de photographier et filmer l’essentiel des découvertes effectuées à Arles.



Le Musée départemental de l’Arles antique (MDAA) organisait dans l’après-midi du 21 mai 2008, dans la salle de restauration des mosaïques, une conférence de presse au cours de laquelle étaient exposés une trentaine d’objets remontés du Rhône par l’archéologue Luc Long. Le soir même, l’émission Des racines et des ailes (sur France 3, service public) diffusait un reportage sur les découvertes, montrant notamment des images sous-marines d’un navire antique (toujours in situ) et du mobilier découvert parmi les déchets qui jonchent le lit du fleuve. L’équipe des Racines et des ailes était donc dans la confidence… Car ces découvertes qui datent d’octobre 2007 ont été maintenues secrètes pour « éviter le pillage » (le site a été sécurisé) et donner un peu de temps aux archéologues et aux restaurateurs pour le travail de datation et d’identification des statues. Le consensus était cependant général lors de la conférence de presse : le buste en marbre blanc provient très vraisemblablement de Paros et représente avec une certitude presque totale Jules César. Il s’agirait de la plus ancienne représentation de l’empereur, ce qui en ferait une découverte archéologique majeure. Ont été confirmés les éléments suivants : le buste est typique de la série des portraits réalistes d’époque républicaine et date probablement de la fondation romaine de la ville d’Arelate en 46 avant Jésus-Christ, suite à un épisode connu de la lutte de pouvoir entre César et Pompée (les Grecs de Marseille, alliés de Rome, avaient pris le parti de Pompée. En 49, César vint à Arles et y fit fabriquer 12 galères pour engager le combat qui vit sa victoire et l’attribution à Arles du contrôle du territoire de Marseille et du fleuve). Par contre, ce n’est qu’hors micro qu’on apprenait la présence de deux fissures à l’arrière du buste, causées sans doute par l’existence de tenons vraisemblablement en plomb, mais disparus aujourd’hui. Ces deux fissures risquent de fragiliser la statue, comme nous l’ont confirmé Jean-Bernard Memet, expert chez A-Corros (entreprise spécialisée dans la lutte contre la corrosion) et Laurent Sauvage du laboratoire de mesures nucléaires du Département de technologie nucléaire de Cadarache. D’autres spécialistes entouraient l’archéologue sous-marin Luc Long, comme Michel L’Hour, conservateur au DRASSM (Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines, dépendant du ministère de la Culture et de la Communication et installé au Fort Saint-Jean à Marseille). Il y avait aussi une représentante du ministre Mme Albanel et de Michel Clément, directeur de l’architecture et du patrimoine. Mais chacun, dans son domaine de compétences, s’est montré prudent face aux questions des journalistes. Comme le rappelait Claude Sintès, conservateur du MDAA, commence à présent un long travail d’étude scientifique, faisant appel à différentes disciplines, et à l’issue duquel seulement on pourrait éventuellement abandonner le conditionnel. Les statues ne seront d’ailleurs pas présentées au public avant septembre 2009.

Les plus belles pièces pour le Louvre ?

Quelques discours ont précédé la présentation des pièces, faisant ressembler la conférence de presse à un vernissage. Hervé Schiavetti, maire d’Arles et conseiller général des Bouches-du-Rhône, a repris les idées du communiqué du Conseil général du 13 glissé dans le dossier de presse : les découvertes, majeures, mettent en évidence la richesse du patrimoine antique dans la région et constituent une chance pour le MDAA. Le musée, récemment « départementalisé » (il fonctionnait auparavant sur un montage financier en partie municipal), est partie prenante des campagnes de fouilles sous-marines organisées par le DRASSM à quelques dizaines de mètres seulement du site muséal lui-même assis sur l’ancien cirque romain. Le conservateur du MDAA a déclaré lors de la conférence de presse : « ces découvertes sont pour nous comme la trouvaille d’un Van Gogh dans le garage du voisin d’un historien de l’art ! ». En filigrane, on devinait la problématique de conservation de cette nouvelle collection : les plus belles pièces ne vont-elles pas atterrir directement au Louvre, avec lequel le MDAA a passé un contrat de collaboration à long terme ? Le musée bleu arlésien ne doit-il pas être agrandi pour accueillir non seulement ces pièces, mais aussi le bateau découvert par Luc Long, voire les épaves de cinq chalands antiques repérés sur le site et qui servaient à la redistribution des denrées de consommation en Gaule et pour la traversée du fleuve ? Le Conseil général, semble-t-il, aimerait faire un tour de table avec ses partenaires avant de se lancer dans le financement d’une extension immobilière… D’autant que l’ensemble des personnes présentes s’accordaient à dire qu’on allait vers d’autres découvertes. La destination des objets relève in fine de l’autorité du ministre de la Culture.

Détails des découvertes

Luc Long a confirmé qu’il a trouvé, lors de ses huit campagnes (ministère de la Culture/CG des Bouches-du-Rhône/FFESSM) dans les eaux du Rhône, où rôdent des silures de plus de deux mètres, des centaines de pièces de monnaie et des dizaines d’éléments d’architecture. Progressivement se dessine pour lui l’image d’un quartier portuaire riche (aujourd’hui, la rive paraît bien déserte…), doté d’édifices publics, religieux et funéraires, qui témoignent des destructions et des réaménagements d’Arles entre l’époque césarienne et le IVe siècle de notre ère. L’archéologue a cependant refusé de s’avancer sur la raison effective de la présence de ces objets à cet endroit : dépotoir (le buste de César peut avoir été victime de la « décésarisation »), vandalisme ou autre. Par contre, il a présenté les principales trouvailles selon leur matériau (marbre, bronze ou calcaire) et leur usage : politique, religieux, portuaire ou funéraire. Il a confirmé que la zone avait été précédemment investiguée par lui sans résultat avant que la couche superficielle de limon soit sans doute emportée par une crue. Parmi les éléments architecturaux, l’équipe d’une vingtaine d’archéologues a découvert un énorme chapiteau corinthien en « marbre » (calcaire) de Beaucaire, de nombreux fûts de colonnes, des fragments d’entablements, corniches, bases, stèles, autels. C’est la statuaire cependant qui retient le plus l’attention, surtout le buste de César en état exceptionnel de conservation. César y apparaît marqué par l’âge. Un certain nombre de traits, rides de vieillesse ou calvitie, sont caractéristiques des représentations connues de lui sur les monnaies frappées de son vivant. Une statue de Neptune d’une hauteur de 180 cm est datée de 210 AD. Elle est fixée à un piédestal qui mentionne les trois Auguste et une corporation de bateliers, les lenunclarii. Parmi les bronzes, une superbe statue de Marsyas, ou de guerrier captif, est sans doute une copie romaine d’un original hellénistique. L’autre bronze, que l’on ne cessait d’humidifier durant la conférence de presse (en raison des sels encore présents), représente une victoire aptère, sans ailes, en bas-relief dans une tunique flottante, elle aussi d’influence hellénistique. C’est elle que l’on voit sur la photographie sous-marine diffusée par le ministère de la Culture. Chacun des bronzes mesure environ 70 cm. Les autres objets exposés : plusieurs amphores, de la vaisselle, une base de statue de lion, divers portraits de citoyens ou de militaires en marbre, un portrait de Junon en marbre, un torse de silène, une tiare d’Artémis d’Ephèse, un masque cornier de Bacchus, un fragment de tête de Bacchus, une statue d’Esculape acéphale, deux plaques de marbre dédiées aux Dioscures (brisées), un bras de statue en bronze, un fragment d’épaule, un glaive dans son étui en bronze ciselé…
Le DRASSM, le ministère, la ville, le MDAA et Luc Long ont conclu par l’annonce d’une campagne de fouilles sur le même site à l’été 2008.


Source:agoravox.fr

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