lundi 21 avril 2008

Réchauffement climatique?

Marécages, tourbières et méthane atmosphérique

Des chercheurs du Laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement (LGGE/OSUG) (1), ainsi que d'autres chercheurs du programme de forage européen EPICA (2), viennent d'identifier les principales raisons du doublement des teneurs en méthane entre -18 000 ans (dernier maximum glaciaire) et -11 500 ans (début de la période "chaude" actuelle). En cause, l'extension des zones humides continentales, notamment celle des marécages en milieu boréal dont les émissions de méthane étaient quasiment nulles durant le maximum glaciaire. Plus étonnant, les émissions de méthane associées aux feux de végétation seraient restées constantes lors de cette transition climatique majeure. Publiés dans la revue Nature le 17 avril 2008, ces résultats permettent de mieux cerner les mécanismes pouvant amplifier dans le futur les émissions naturelles de méthane, un gaz à effet de serre hautement incriminé dans le réchauffement climatique.
Les carottes de glace constituent la seule archive disponible pour reconstruire avec précision la composition de l'atmosphère dans le passé, notamment les teneurs en gaz à effet de serre comme le méthane. Le méthane est le second gaz à effet de serre d'origine humaine, après le gaz carbonique, et ses teneurs ont augmenté de plus de 150% au cours des derniers 200 ans, en relation avec l'augmentation des émissions anthropiques (agriculture, exploitation du gaz naturel...).

S'appuyant sur les deux forages profonds réalisés en Antarctique, certains scientifiques impliqués dans le consortium européen EPICA ont cherché à mieux comprendre l'origine des variations naturelles du méthane atmosphérique au cours du temps. Pour cela, ils ont analysé les gaz piégés dans les carottes de glace et obtenu la toute première évolution détaillée du rapport isotopique carbone13/carbone12 du carbone constituant la molécule de méthane sur l'ensemble de la dernière transition climatique glaciaire-interglaciaire [entre -18 000 ans (période glaciaire) et -11 500 ans (début de l'Holocène (3))].

Avec ce nouveau signal, les chercheurs disposaient d'un jeu unique de données sur le méthane pour l'ensemble de cette période leur permettant de rechercher l'origine de la variabilité naturelle du méthane: évolution de sa concentration atmosphérique et différence de concentration entre les deux pôles (mesures au Groenland et en Antarctique) - deux résultats obtenus par l'équipe pilotée par Jérôme Chappellaz -, rapport isotopique deutérium/hydrogène et, désormais, rapport isotopique carbone13/carbone12.

En combinant ces éléments avec un modèle simple de l'atmosphère, les chercheurs sont parvenus à montrer que le doublement de la concentration atmosphérique du méthane lors de la dernière transition glaciaire-interglaciaire résulte, pour une large part (voir en fin d'article), d'un accroissement des émissions de méthane par les régions marécageuses tropicales et, pour une part plus faible, d'une augmentation du temps de résidence du méthane dans l'atmosphère due à son oxydation moins efficace dans l'atmosphère interglaciaire chaude.

Les conclusions tirées des analyses isotopiques ont été plus surprenantes. Les marécages et tourbières boréales (hautes latitudes de l'hémisphère nord) ont également contribué largement à cette augmentation de concentration: quasi inexistantes en conditions glaciaires, ces zones humides auraient en effet commencé à se former et à émettre au cours de la transition climatique. A contrario, les feux de végétation, responsables aujourd'hui d'environ 20% des émissions naturelles de méthane, n'ont pas produit de variations significatives des teneurs en méthane au cours de la période de réchauffement étudiée. Ces analyses indiquent enfin que cette variation de concentration ne peut provenir de dégazages catastrophiques d'hydrates de méthane piégés dans les sédiments marins.

De prime importance, ces résultats soulignent le rôle des zones marécageuses continentales en tant que sources de méthane, aussi bien en milieu tropical qu'en milieu boréal.


Les différentes contributions au doublement de la concentration atmosphérique du méthane, lors du passage du glaciaire vers l'interglaciaire

- une augmentation du temps de résidence du méthane dans l'atmosphère d'environ 30%,
- une augmentation des émissions des zones humides boréales de 50 millions de tonnes par an,
- une augmentation des émissions des zones humides tropicales de 55 millions de tonnes par an,
- une augmentation des émissions des feux de végétation de seulement 6 millions de tonnes par an.



Notes:

(1) Laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement (CNRS, Université Joseph Fourier) de l'Observatoire des sciences de l'Univers de Grenoble (LGGE/OSUG).

(2) Coordonné par la Fondation européenne pour la science (ESF), le projet EPICA ou "European Project for Ice Coring in Antarctica" a obtenu le soutien financier des 10 pays européens participants, dont la France (EPICA est notamment soutenu par différents programmes de l'Institut polaire français Paul-Emile Victor et de l'INSU-CNRS, par le CEA et par un projet ANR), ainsi que de l'Union européenne.

(3) Période chaude qui a coïncidé avec la sédentarisation humaine.



Source: CNRS

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