Source : Futura-science
Une expérience indienne menée dans la stratosphère a ramené au sol trois espèces de bactéries totalement inconnues. Particulièrement résistantes aux rayons ultraviolets, elles ne vivent peut-être que là-haut...
On sait que des bactéries sont présentes dans l’atmosphère, et même jusqu’à des altitudes élevées. Emportées par le vent comme n’importe quelle poussière, elles peuvent stagner puis descendre lentement. Certaines sont même soupçonnées de faire pleuvoir (selon une étude de Brent Christner parue dans les Pnas en 2008, voir le lien au bas de l’article).
Mais jusqu’à quelle altitude peut-on les rencontrer ? Existe-t-il des espèces particulièrement adaptées à ce milieu ? Apparemment, nos connaissances en la matière sont assez ténues. En 2001, un ballon sonde de l’université de Cardiff stationnait à 41 kilomètres d’altitude, donc dans la stratosphère, cette couche située au-dessus de la troposphère (celle où nous vivons, avec ses nombreux nuages, ses précipitations abondantes et son brassage vertical permanent).
Des bactéries avaient bien été trouvées et plusieurs analyses effectuées. Laborieuse, la mise en culture a mis en évidence deux bactéries connues (Bacillus simplex et Staphylococcus pasteuri).
Parmi les expérimentateurs figuraient les Britanniques Milton Wainwright, de l’université de Sheffield, et Chandra Wickramasinghe, de l’université de Cardiff, ainsi que l’Indien Jayant Narlikar, du Centre inter-universitaire pour l’astronomie et l’astrophysique (IUCAA) de Pune, près de Bombay. Ces trois scientifiques sont séduits par l’hypothèse de la panspermie et, pour eux, la matière présente dans la stratosphère provient principalement d’apports extraterrestres. Valide pour une partie au moins des poussières, l’argument est hautement spéculatif pour les organismes vivants. Mais Jayant Narlikar, cosmologiste iconoclaste et brillant, n’est pas de ceux que découragent ce genre de difficulté. Ce disciple de Fred Hoyle, fils du fondateur de l’IUCAA, est notamment un indéracinable adversaire du Big bang. Il est le principal instigateur de cette aventure et s’est occupé de la collaboration de l’Isro (Indian Space Research Organisation), l’agence qui a coordonné les moyens aériens.
Espèces inconnues mais genre connus
Après les résultats mitigés de l’expérience de 2001, l’équipe vient de récidiver. Un ballon de 756.000 mètres cubes a emporté 459 kilogrammes d’instruments scientifiques, dont seize tubes de prélèvements plongés dans du néon liquide, un excellent fluide frigorifique. Exposées à l’air, ces éprouvettes ont recueilli des échantillons d’air entre 20 et 41 kilomètres d’altitude, avant d’être récupérées sous parachute.
Le contenu des tubes a été ensuite analysé indépendamment par deux laboratoires indiens, qui ont séquencé l’ARN ribosomal 16S, classiquement utilisé pour la classification des bactéries. Les deux équipes ont dénombré dans les échantillons douze bactéries et six colonies de champignons microscopiques.
Trois des bactéries ne correspondent à aucune espèce actuellement connue mais semblent proche de deux genres, Janibacter et Bacillus. Selon les auteurs, ces trois espèces se caractérisent par une grande résistance aux ultraviolets. Elles ont été baptisées Anibacter hoylei (en l’honneur de l’astronome Fred Hoyle), Bacillus isronensis (pour rappeler le rôle de l’Isro) et Bacillus aryabhata (Âryabhata fut un grand astronome et mathématicien indien entre le cinquième et le sixième siècle).
On attend la publication scientifique pour en savoir plus mais, contrairement à leur étude sur l’expérience de 2001, les auteurs ne parlent plus de panspermie et écartent d’emblée l’origine extraterrestre de ces bactéries stratosphériques. « Ces résultats nous encouragent à poursuivre nos efforts pour explorer l’origine de la vie » concluent-ils plus sobrement.
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