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http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/71420.htm
Les éléphants peuvent se comprendre dans la savane, même séparés de plusieurs kilomètres ce qui leur offre un canal de communication de communication "privé" jouant un rôle important dans leur vie sociale complexe. Quoiqu'ils soient connus pour leur trompette bruyante, à l'état sauvage et sur de longues distances, ils communiquent surtout par des sons de la gamme des infrasons [1]. Avec une fréquence d'à peine 20 Hertz, ils sont si graves qu'ils ne peuvent qu'à peine être perçus par l'être humain.
Vocalisations de basse fréquence typiques d'un groupe d'éléphants d'Afrique, enregistré à l' "Addo Elephant National Park" en Afrique du SudCrédits : Christian T. Herbst - Université de Vienne
Vocalisations de basse fréquence typiques d'un éléphant mâle âgé de trois ans enregistré au zoo de VienneCrédits : Christian T. Herbst - Université de Vienne
Bien que les sons eux même aient été étudiés depuis plusieurs années, la façon dont les éléphants produisent ces sons était peu claire jusqu'alors.
On ne savait pas si ceux-ci étaient produits par vibrations des cordes vocales [2], dû un écoulement d'air provenant des poumons sur celles-ci (et ne nécessitant pas d'activité périodique de contraction-décontraction des muscles laryngiens), comme chez les êtres humains et beaucoup d'autres mammifères ou par vibration au niveau des muscles, pareillement aux ronronnements des chats (les éléphants dans ce cas de figure tendraient et relâcheraient les muscles dans leur larynx pour chaque poussée de son). Ce mécanisme permet de produire des tons aussi bas que possible, mais les sons alors produits sont très peu puissants. Dans le cas d'un processus similaire à celui des êtres humains, ce serait grâce à la grandeur significative du larynx que d'extrêmement basses séquences peuvent être atteintes par un claquage des cordes vocales l'une contre l'autre à un faible rythme.
Le chercheur en sciences vocales Christian Herbst du département de biologie cognitive à l'université de Vienne a désormais réussi, en collaboration avec une équipe internationale, à extraire des sons du larynx d'un éléphant mort, semblables à ceux des éléphants vivants et a ainsi pu constater que les éléphants s'entretiennent comme les hommes, par des écoulements d'air sur les cordes vocales.
Reconstruction animé (os et cartilage) d'un larynx d'éléphant d'Afrique excisé obtenu par tomodensitométrie (CT) [2]Crédits : Christian T. Herbst - Université de Vienne
Reconstruction animé et animé (coupe sagittale médiane, tissu mou) d'un larynx d'éléphant d'Afrique excisé obtenu par tomodensitométrie (CT)Crédits : Christian T. Herbst - Université de Vienne
Le larynx en question appartenait à une éléphante africaine de 25 ans, décédée l'automne dernier au zoo de Berlin de façon naturelle. Le larynx a été mis dans un tube dans lequel un air réchauffé et humidifié était soufflé par un poumon simulé en laboratoire à travers les cordes vocales (remplaçant l'air des poumons de l'éléphant) et les scientifiques plaçaient manuellement les cordes vocales en "position vocale".
Phonation en laboratoire d'un larynx d'éléphant d'Afrique excisé : de l'air chaud humidifié est soufflé à travers la trachée dans le larynx, ce qui entraîne vibration passive et autonome des cordes vocales (aucune entrée neuronale n'est requise)Crédits : Christian T. Herbst - Université de Vienne
Le résultat de ce protocole expérimental : les vibrations périodiques et de basses fréquences opérées sur les cordes vocales correspondent aux infrasons en tout point.
Puisqu'il ne peut y avoir de mouvement périodique de tension-décontraction des muscles des cordes vocales sans connexion au cerveau de l'éléphant, les vibrations de basses fréquences dans le larynx étudié démontrent clairement que le mécanisme de ronronnement n'est pas nécessaire à l'explication de la production d'infrasons.
Prises de vue vidéo réalisées à haute vitesse, en laboratoire, de vibrations périodiques et irrégulières des cordes vocales d'un larynx d'éléphant d'Afrique exciséCrédits : Christian T. Herbst - Université de Vienne
Les scientifiques ont aussi pu observer un type de vibration très particulier nommé "phénomène non linéaire" ; dans ce cas de figure, les cordes vocales vibrent d'une façon irrégulière, le son correspondant aux cris de bébé ou des chanteurs d'heavy metal, est très désagréable pour notre oreille. Les jeunes éléphants crient en utilisant des mécanismes identiques à ceux employés chez l'homme.
Selon Herbst, il est tout aussi important de voir comment se produit le mouvement au niveau des cordes vocales et du pharynx que d'apprendre le résultat de l'expérience. Dans ce but, les chercheurs ont filmé les vibrations des cordes vocales au moyen de l'imagerie à haute vitesse. En outre, ils ont fixé deux électrodes au niveau du larynx. Celles-ci couplées à un électroglottographe [4], permettent d'enregistrer quand la glotte s'ouvre et se ferme et donc d'en apprendre indirectement beaucoup au sujet des vibrations des cordes vocales.
Anatomie de larynx du cou - Université de GrenobleCrédits : Prince Platanus
Les vidéos sont disponibles en bas de page de cet article.
L'électroglottographie et l'imagerie à haute vitesse ont confirmé que les cordes vocales sont amenées à vibrer par l'unique action de l'écoulement d'air. Il n'a cependant pas pu être exclu que les éléphants puissent aussi produire des sons supplémentaires au moyen des muscles du larynx.
En moyenne, la fréquence à laquelle la corde vocale de l'éléphant, longue de quelques dix centimètres vibre, se situe à environ 16 Hertz, ce qui correspond bien aux prévisions. En comparaison, les hommes parlent à environ 100 Hertz et les femmes à environ 200 Hertz. Un chanteur d'opéra "basse" peut atteindre des tons graves à 70/80 Hertz. A des fréquences encore plus basses que celles d'un chanteur d'opéra ou d'un éléphant, on trouve certaines baleines avec neuf Hertz. Leur capacité d'espace de résonnance joue beaucoup dans ce record. En revanche, la façon dont les baleines produisent leur ton très grave reste à déterminer.
Cette recherche montre que les principes physiques sous-jacents au fonctionnement de la voix humaine s'étendent des chauves-souris dont les tons sont trop hauts pour nos oreilles jusqu'aux infrasons des éléphants. L'étude a été publiée dans la revue science.
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[1] "Un infrason est un son dont la fréquence est inférieure à 20 Hz. Il est donc trop grave pour être perçu par l'oreille humaine (sa fréquence est trop basse)."http://fr.wikipedia.org/wiki/Infrason
[2] "Les cordes vocales, ou plutôt "les plis vocaux", sont essentiel(le)s dans la phonation. Il s'agit de replis des membranes muqueuses du larynx dont la mise en vibration produit les sons vocaux - cri, langage, chant."http://fr.wikipedia.org/wiki/Corde_vocale
[3] "La tomodensitométrie (TDM), dite aussi scanographie, tomographie axiale calculée par ordinateur (TACO), CT-scan (CT : computed tomography), CAT-scan (CAT : computer-assisted tomography), ou simplement scanner pour l'appareil, est une technique d'imagerie médicale qui consiste à mesurer l'absorption des rayons X par les tissus puis, par traitement informatique, à numériser et enfin reconstruire des images 2D ou 3D des structures anatomiques."http://fr.wikipedia.org/wiki/Tomodensitom%C3%A9trie
[4] "L'électroglottographe ou EGG est un dispositif qui permet d'obtenir une image de l'accolement et de l'ouverture des cordes vocales au moyen de la mesure de l'impédance électrique entre deux électrodes placées de part et d'autre du larynx. Bien qu'il ne donne pas une information réelle de la surface d'ouverture de la glotte, il permet par contre une très bonne représentation du cycle d'oscillation des cordes vocales, et permet une bonne mesure de sa fréquence car il est dénué de bruits aérodynamiques." http://aune.lpl.univ-aix.fr/~ghio/pedago-EggFR.htm
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