vendredi 12 octobre 2012

Le communautaire universelle à Auroville.

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Auroville (la Ville de l’Aurore) est située à une dizaine de kilomètres au nord de Pondichéry dans le Tamil Nadu en Inde. Cette ville expérimentale a été créée par Mirra Alfassa, plus connue sous le nom de La Mère, compagne spirituelle de Sri Aurobindo, philosophe indien. Elle a pour vocation d’être « le lieu d’une vie communautaire universelle, où hommes et femmes apprendraient à vivre en paix, dans une parfaite harmonie, au-delà de toutes croyances, opinions politiques et nationalités
Un philosophe bengali, Sri Aurobindo, et une philosophe française, Mira Alfassa ("Mère"), entreprirent en 1968 d’y créer "le" village idéal. Cette cité aurait la forme d’une galaxie afin que tout rayonne depuis son centre rond. Ils attendaient des gens de tous les pays. Y vinrent seulement des Européens en quête d’un utopique absolu. Hommes et femmes construisirent des éoliennes, des ateliers d’objets artisanaux, des canalisations, un centre informatique, une briqueterie. Ils implantèrent des cultures dans cette région pourtant aride.

Mère écrivit plusieurs volumes relatant ses expériences spirituelles. Et tout alla pour le mieux jusqu’à ce que des membres indiens de la communauté décident de déifier Mère de son vivant. Elle déclina d’abord cet honneur. Mais Sri Aurobindo étant mort, il n’y avait plus personne d’assez puissant à ses côtés pour la soutenir. Elle ne put résister longtemps à ses adorateurs. Ils la murèrent dans sa chambre et décidèrent que puisque Mère se refusait à devenir déesse de son vivant, elle serait une déesse morte. Elle n’avait peut-être pas pris conscience de son essence divine mais cela ne l’empêchait pas pour autant d’être une déesse. 
Les images des dernières apparitions de Mère la montrent prostrée et comme sous le coup d’un choc. Dès qu’elle essaie de parler de son incarcération et du traitement que lui infligent ses adorateurs, ceux-ci lui coupent la parole et la ramènent dans sa chambre. Mère devient peu à peu une vieille dame ratatinée par les épreuves que lui imposent jour après jour ceux qui prétendent la vénérer. Mère parviendra quand même à transmettre clandestinement un message à des amis d’antan : on cherche à l’empoisonner afin de faire d’elle une déesse morte, donc plus facilement adorable. L’appel au secours restera vain. Seront immédiatement exclus de la communauté ceux et celles qui tenteront d’aider Mère. Ultime moyen de communication : entre ses quatre murs, elle joua de l’orgue pour exprimer son drame. Rien n’y fit. Probablement victime d’une forte dose d’arsenic, Mère mourut en 1973. Auroville lui réserva des funérailles de déesse.
- Le rêve de Mirra
"Un Rêve. Il devrait y avoir quelque part sur la terre un lieu dont aucune nation n’aurait le droit de dire : "Il est à moi" ; où tout homme de bonne volonté ayant une aspiration sincère pourrait vivre librement comme un citoyen du monde, et n’obéir qu’à une seule autorité, celle de la suprême vérité ; un lieu de paix, de concorde, d’harmonie, où tous les instincts guerriers de l’homme seraient utilisés exclusivement pour vaincre les causes de ses souffrances et de ses misères, pour surmonter ses faiblesses et ses ignorances, pour triompher de ses limitations et de ses incapacités ; un lieu où les besoins de l’esprit et le souci du progrès primeraient la satisfaction des désirs et des passions, la recherche des plaisirs et de la jouissance matérielle.
Dans cet endroit, les enfants pourraient croître et se développer intégralement sans perdre le contact avec leur âme ; l’instruction serait donnée, non en vue de passer des examens ou d’obtenir des certificats et des postes, mais pour enrichir les facultés existantes et en faire naître de nouvelles. Dans ce lieu, les titres et les situations seraient remplacés par des occasions de servir et d’organiser ; il y serait pourvu aux besoins du corps également pour tous, et la supériorité intellectuelle, morale et spirituelle se traduirait dans l’organisation générale, non par une augmentation des plaisirs et des pouvoirs de la vie, mais par un accroissement des devoirs et des responsabilités. 
La beauté sous toutes ses formes artistiques - peinture, sculpture, musique, littérature - serait accessible à tous également, la faculté de participer aux joies qu’elle donne étant limitée uniquement par la capacité de chacun et non par la position sociale ou financière. Car dans ce lieu idéal, l’argent ne serait plus le souverain seigneur ; la valeur individuelle aurait une importance très supérieure à celle des richesses matérielles et de la position sociale. 
Le travail n’y serait pas le moyen de gagner sa vie, mais le moyen de s’exprimer et de développer ses capacités et ses possibilités, tout en rendant service à l’ensemble du groupe qui, de son côté, pourvoirait aux besoins de l’existence et au cadre d’action de chacun. 
En résumé, ce serait un endroit où les relations entre êtres humains, qui sont d’ordinaire presque exclusivement basées sur la concurrence et la lutte, seraient remplacées par des relations d’émulation pour bien faire, de collaboration et de réelle fraternité. La terre n’est pas prête pour réaliser un semblable idéal, parce que l’humanité ne possède pas encore la connaissance suffisante pour le comprendre et l’adopter, ni la force consciente indispensable à son exécution ; et, c’est pourquoi je l’appelle un rêve. Pourtant, ce rêve est en voie de devenir une réalité ; et c’est pour cela que nous nous efforçons à l’Ashram de Sri Aurobindo, sur une toute petite échelle à la mesure de nos moyens réduits. La réalisation est certes loin d’être parfaite, mais elle est progressive ; et, petit à petit, nous nous avançons vers notre but qui, nous l’espérons, pourra un jour être présenté au monde comme un moyen pratique et efficace de sortir du chaos actuel, pour naître à une vie nouvelle plus harmonieuse et plus vraie".
 (Texte écrit en août 1954)
- Auroville aujourd’hui :
Auroville est un mélange d’habitations grand luxe avec villas, piscines, qui côtoient des huttes de branches d’arbres.
Des gardiens surveillent les accès à des entreprises... Me voici intrigué et je découvre l’usine d’assemblage d’ordinateurs qui a été récompensée par le gouvernement indien pour être l’une des entreprises les plus performantes d’Inde. Pourquoi les locaux sont-ils vides ? Les problèmes de management seraient-ils arrivés jusqu’ici ? Auroville, ville de progrès où personne ne devrait viser son intérêt personnel, a déjà été confronté aux faiblesses humaines face aux attraits des gains d’argent. Quand l’entreprise est devenue très rentable, rien n’a été plus facile que de la délocaliser là où il était possible de faire des profits personnels... Le "Matrimandir", qui remplit les mêmes fonctions qu’une cathédrale ou qu’une mosquée : lieu de rassemblement pour la méditation.

Le dôme du Matrimandir est composé de pétales recouvertes d’une fine couche d’or, mais que cette beauté extérieure ne nous fasse pas oublier combien tout ce qui vient de la matière est superficiel. La résolution des problèmes liés à la construction a mobilisé beaucoup de personnes, peut-être davantage que le fait de méditer puisque, aujourd’hui, ce sont essentiellement les touristes qui remplissent le lieu... 
Dans un environnement hostile, quasi-désertique, des pionniers ont réalisé des prouesses techniques en développant une énergie considérable.
Résultat : électricité, eau, services administratifs, techniques, etc. ont vu le jour.
Que faut-il penser des motivations des Européens qui se sont installés à Auroville ? Ont-ils une volonté de progrès personnel ou collectif ?
Le problème (le terme est faible) de la relation de l’individu à l’argent est loin d’être résolu car dès qu’un Aurovillien possède un bien, il doit se protéger des vols car la délinquance n’a pas disparu. Au contraire, le déballage de moyens financiers importants au sein d’une population très pauvre n’a fait qu’attiser les jalousies. Même au sein d’Auroville, un Indien n’a pas les mêmes possibilités d’action qu’un Européen... par manque d’argent. Auroville n’appartient à personne, mais il faut un visa indien pour y séjourner. Impossible d’ignorer les lois internationales, impossible d’oublier la pollution de l’eau, impossible de ne pas subir les dérèglements climatiques, impossible de fermer les portes d’Auroville au tourisme de masse.
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Les effets de la mondialisation sont perceptibles : télévision par satellite, téléphones portables, informatisation du système de réservation des guest-houses qui ont fleuri. Même les mœurs changent : alors qu’il est recommandé aux occidentaux d’avoir une tenue vestimentaire correcte, les strings ont fait leur apparition sur la plage d’Auroville. Certaines femmes ont même essayé les seins nus, fait d’autant plus choquant que la plage est fréquentée par les indiennes qui se baignent complètement habillées.
Les mentalités changeront et s’adapteront certainement au fil du temps. Loin d’y voir un mal, c’est l’occasion de comprendre la nécessité d’échanges plus nombreux entre civilisations différentes, non pas pour y imposer une façon de voir personnelle, mais pour comprendre que la richesse vient de la diversité et que la tolérance est à la base des relations harmonieuses entre individus. Il m’est difficile de dire que j’ai rencontré à Auroville des hommes qui m’ont fait ressentir cette émotion communicative...
Auroville est un microcosme, qui aurait voulu faire l’économie des échanges commerciaux de type traditionnel. Mais, il est impossible de vivre en autarcie et la solidarité des hommes de toute la terre est aujourd’hui indispensable à son évolution. Faut-il qu’il y ait d’autres Auroville ? Peut-on considérer Auroville comme un laboratoire ? Selon moi, le laboratoire d’expérimentation est l’homme et c’est en apprenant à se connaître que l’homme s’améliorera. Auroville se voulait un lieu de progrès, mais, en s’isolant, Auroville court le risque de se voir dépassée par le progrès des autres régions de l’Inde et des autres pays. Ce qui était extraordinaire il y a 20 ans ne l’est plus aujourd’hui. La volonté de travailler à la construction dans un désert nécessite une âme de pionnier. Aujourd’hui, il faut assurer le quotidien et c’est maintenant que la croissance va confronter les Aurovilliens à de nouveaux défis : faire vivre 50 000 personnes de plus dans un pays où on sait ce que veut dire "surpopulation".
En France, les problèmes d’hébergement de masse ont entraîné l’arrivée de barres de béton. A Auroville, ils envisagent la construction des premiers appartements. Comment vont-ils vivre l’expérience de la co-propriété collective ?


http://www.web-utopia.org

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