mardi 29 mars 2011

Elizabeth Taylor est morte.



Son regard améthyste est l’un des plus célèbres du monde. Ses huit mariages ont fait le tour de la planète people. Ses séjours récurrents à l’hôpital, les diamants que Burton lui offrait sans compter sont passés à la postérité. Pourtant, du haut de son 1,57m, Elizabeth Taylor a surtout été considérée jusqu’au bout comme la dernière star de l’Age d’or hollywoodien, ayant connu le studio system, tous les honneurs et les plus grands succès publics. Un être démesuré qui a tout vécu, et sa légende ne fait que commencer.

LES MARCHES DE LA GLOIRE

Née en 1932 dans la banlieue londonienne de parents américains, Elizabeth Taylor baigne son enfance bourgeoise dans un univers déjà très marqué par l’art : avec un père marchand de tableaux et une mère comédienne de théâtre, c’est naturellement qu’elle prend ses premiers cours de danse à l’âge de 3 ans. Pourtant cette vie cotonneuse prend fin à l’orée de la Seconde Guerre Mondiale quand toute la famille fuit les bombes nazies pour trouver un asile doré à Los Angeles. Les Taylor se refont vite une santé quand la galerie d’art de papa située à Beverly Hills enthousiasme la jet set hollywoodienne. Attirée par les spotlights mais un peu esquintée par ses grossesses, la mère d’Elizabeth transfère son propre appétit d’actrice en emmenant la petite aux meilleurs castings du moment, lui faisant décrocher son premier rôle en 1941 chez Universal. Mais c’est à la MGM que deux ans plus tard, elle commence déjà à envoûter les producteurs. Le film, Fidèle Lassie, est un classique instantané et lui permet de signer un contrat de sept ans qui la place en première ligne pour tous les rôles de jeunes filles à pourvoir, dont celui du Grand national (1947), énorme succès (plus de 4 millions $ de recettes) où elle joue une mignonne cavalière. Alors adolescente star aux contrats régulièrement revus à la hausse, son premier challenge se présente en 1949 avec le passage à l’âge adulte à l’écran, dans le bide Conspirator, vite effacé par un classique de Vincente Minnelli, Le Père de la mariée (1951), où elle joue aux côtés de la superstar Spencer Tracy. Mais cette étoile montante, même si elle comble le public dans ses rôles d’ingénue, ne trouve les faveurs de la critique si prompte à faire et défaire les réputations qu’avec le chef d’œuvre Une place au soleil, drame conjugal plein d’acidité et de noirceur mis en scène par George Stevens. Avec ce film, Elizabeth Taylor vient d’accrocher une nouvelle corde à son arc déjà bien fourni, celui de l’héroïne tragique et glamour. Capitalisant sur le filon, la MGM la cantonne cependant dans des rôles peu subtils (La Dernière Fois que j’ai vu ParisLe Beau Brummel entre autres) et lui refuse Une femme en enfer et La Comtesse aux pieds nus, la harassant même de tournages alors qu’elle est enceinte. Enfin, à nouveau sollicitée par George Stevens pour la super production Géant (1956), dans lequel on retrouve James Dean et Rock Hudson, et qui préfigure Dallas dans le style Iliade pétrolière, elle trouve enfin un rôle à la démesure de son talent en incarnant Leslie Benedict, figure maternelle d’une fresque immense sur l’un des plus grands mythes américains.

UNE PLACE AU SOLEIL

C’est alors que Liz, dont le deuxième mariage est un échec absolu, rencontre le producteur Mike Todd. Après un prompt divorce et un mariage aussi rapide qui se suit par la naissance quasi fatale de la petite Liza, la vie personnelle de la star semble prendre enfin une tournure heureuse, mais prématurément gâchée par le décès accidentel de son mari deux ans après. Alors en plein tournage de La Chatte sur un toit brûlant (1958), une adaptation de Tennessee Williams où elle interprète Maggie, épouse délaissée d’un Paul Newman en plein refoulement homo, elle sera quasi incapable de poursuivre son travail, et n’y parviendra que grâce au soutien inconditionnel du réalisateur Richard Brooks qui tient les rênes du film. Elle est au sommet de sa beauté dans Soudain l’été dernier de Joseph L. Mankiewicz, un brûlot qui conjugue crûment les thèmes de la folie et du cannibalisme, et où son érotisme explose en contrepoint de la performance hallucinée de Katharine Hepburn. Ces deux monuments du cinéma assoient définitivement sa gloire de superstar hollywoodienne. Alors à peine consolée du deuil de Mike Todd, et devenue peu à peu très proche de l’un de ses comparses, Eddie Fisher, la croqueuse d’hommes ne faillit pas à sa réputation sulfureuse en entamant une liaison avec lui. Et la communauté de faire ses choux gras en l’accusant d’avoir littéralement kidnappé le crooner à l’une des reines de la comédie du moment, Debbie Reynolds : le scandale est énorme. Des années après cette affaire, la star dira : "Je ne lui ai rien volé, puisqu’elle n’a jamais su l’avoir.". Dans le feu de la passion, elle se consume avec son nouveau mari dans le médiocre La Vénus au vison, pure commande de la MGM destinée à la benne aux nanars, quand une gravissime pneumonie la cloue au lit plusieurs semaines. Ce n’est qu’en échappant au trépas grâce à une trachéotomie que l’absolution lui est accordée avec une première statuette pour La Vénus…, même si personne ne s’y trompe : la récompense vient à point nommé en guise d’excuse pour les démonstrations d’indifférence envers des rôles beaucoup plus méritants…

Les années 1958-1961 sont incontestablement une période foisonnante où carrière, vie amoureuse, santé et image publique sont liées de manière inexorable. C’est également au début des années 60 que le plus gros projet de son parcours d’actrice voit le jour,Cléopâtre. Superproduction à la plus grande échelle qui soit, qui mobilisa des milliers de figurants, trois réalisateurs et des plateaux immenses, sans compter la quasi banqueroute de la Fox, cette aventure de trois ans, outre le cachet historique d’un million $ qu’exigea et obtint l’actrice, ne restera pour elle que le témoin de sa folle passion pour Richard Burton. Amants à l’écran, leurs baisers se prolongent bien après que les caméras se soient éteintes, au point qu’il est vite impossible de cacher l’idylle. La Fox, aux prises avec un tournage cataclysmique, encourage même la presse à se rentre à Cinecittà pour promouvoir davantage le film. Au passage, les mariages respectifs des deux stars volent en éclats. Taylor, qui honnit copieusementCléopâtre et ne veut même pas en assurer la promo, concédera sournoisement plus tard ne pas avoir de "souvenirs du tournage, il se passait tellement de choses en même temps...". Toujours est-il que de ce jour de 1964 jusqu’à la fin de la décennie, une grosse part de son travail sera associée aux projets où Burton est également présent : Hôtel International (1964), Le Chevalier des sables (1965), Qui a peur de Virginia Woolf (1966), Les Comédiens (1967), La Mégère apprivoisée (1972). Femme entière, indépendante et qui gardera toujours en tête ses débuts de débutante soumise à la MGM, elle fait dorénavant preuve d’un tempérament de feu, consciente de la plus value qu’elle représente au générique d’un film. Son histoire volcanique avec Burton n’étant au bout du compte que la prolongation à deux d’une ambition personnelle : trouver l’affranchissement du cœur dans l’abandon de soi-même. Cela est superbement illustré dans le chef d’œuvre de Mike Nichols, Qui a peur de Virginia Woolf ? , où elle apparaît comme une épave blasée des épreuves du couple, bouffie, vulgaire et acariâtre, au diapason de Burton lui aussi à la dérive. Reflet de la réalité ou double jeu de l’illusion ? La critique est ahurie devant cet ovni plein d’obscénités mais qui annonce un nouveau cinéma débarrassé du carcan de la censure Hays. Enfin, sa performance fabuleuse lui vaudra un second Oscar de la meilleure actrice, cette fois mérité. La décennie des années 70 qui arrive sera celle des dérives, tant à l’écran, avec deux gros projets qui ne fonctionnent pas auprès du public, Boom et Cérémonie secrète, que dans le privé, où ruptures impulsives et remariages s’enchaînent au gré de son caractère. Elle se rapproche alors de la télévision dans des productions de luxe cousues main pour la mettre en valeur, quand ses ennuis de santé grandissants lui en laissent les moyens.


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