La découverte au Maroc de fossiles dans un état de préservation exceptionnel, datant de l'Ordovicien inférieur (-478 millions d'années), bouleverse les idées reçues sur la diversification initale des animaux au Paléozoïque inférieur. Ainsi, la transition entre les faunes cambriennes (-542 à -488 millions d'années) et ordoviciennes (environ -488 à -444 millions d'années) a été plus graduelle qu'on ne le pensait jusqu'alors. Ces travaux sont publiés par une équipe internationale dans la revue Nature du 13 Mai 2010.
Si le Cambrien (-542 à -488 millions d'années) correspond à un véritable «bigbang évolutif» caractérisé par l'apparition, en un laps de temps relativement bref, de tous les grands phylums animaux et la mise en place d'écosystèmes complexes ; la période géologique suivante, l'Ordovicien (environ -488 à -444 millions d'années) est, elle, caractérisée par la plus importante diversification jamais enregistrée dans le monde animal.
Contrairement à l'explosion cambrienne, cette «grande biodiversification ordovicienne» ne voit pas l'apparition de nouveaux phylums, mais elle se traduit par un extraordinaire accroissement de la biodiversité au sein de la plupart des grands groupes apparus précédemment au cours du Cambrien. Le nombre de genres d'organismes marins est multiplié par quatre en moins de 25 millions d'années. Il est classiquement admis que cet épisode marque le remplacement de la «Faune Evolutive Cambrienne» par la «Faune Evolutive Paléozoïque», qui allait dominer le domaine marin pendant plus de 250 millions d'années (jusqu'à la fin du Permien).
Les causes de la biodiversification ordovicienne, qui se traduit également par un accroissement majeur de la complexité des écosystèmes, sont complexes et encore débattues. Contrairement à l'explosion cambrienne, très peu de sites à préservation exceptionnelle ont été découverts dans des terrains datés de l'Ordovicien et les rares exemples connus (Soom Shale, en Afrique du Sud) n'ont livré que des assemblages relativement tardifs (fin de l'Ordovicien) et surtout, très peu diversifiés, associés à des milieux marins très particuliers (fonds anoxiques, c'est à dire mal oxygénés). Aussi, notre connaissance de la grande biodiversification ordovicienne ne reposait jusque là que sur l'étude de restes fossiles minéralisés (carapaces d'arthropodes, coquilles de mollusques).
Ce vide dans les archives fossiles vient d'être en partie comblé par la découverte dans l'Anti-Atlas du Maroc (région de Zagora) des premiers gisements à préservation exceptionnelle jamais signalés dans l'Ordovicien inférieur. Les sites étudiés ont livré une faune benthique extraordinairement riche et diversifiée, vivant sur un fond marin vaseux avant d'être subitement enfouie par une arrivée soudaine de sédiment. Les «parties molles» des organismes ont été préservées sous forme de pyrite (sulfure de fer), dont l'altération en oxydes de fer a donné aux fossiles de belles couleurs jaunes, orangées ou brunes.
La découverte de plusieurs gisements d'âges différents dans la région de Zagora permet de documenter pour la première fois, sur un laps de temps estimé à environ 8 millions d'années, les premières étapes de la grande biodiversification ordovicienne à partir de données comparables (en terme de préservation) à celles disponibles pour l'explosion cambrienne.
Sans grande surprise, les organismes à test minéralisé (les seuls connus jusqu'à présent : échinodermes, trilobites,...), ne représentent qu'une modeste portion des assemblages. Un des enseignements majeurs des sites marocains a été la découverte de restes extrêmement abondants et diversifiés d'organismes considérés jusqu'alors comme typiques des faunes «de type Burgess» (anomalocarides, marrellomorphes, ...) que l'on pensait éteints à la fin du Cambrien moyen (-499 millions d'années).
Leur présence massive aux côtés des plus anciens représentants d'organismes caractéristiques de la Faune Evolutive Paléozoïque implique donc une réévaluation des scénarios évolutifs concernant la diversification animale au cours du Paléozoïque inférieur et en particulier, la traditionnelle dichotomie entre explosion cambrienne et grande biodiversification ordovicienne. Contrairement à ce que l'on pensait jusqu'alors, la Faune Evolutive Cambrienne n'a pas été remplacée de manière abrupte et soudaine par la Faune Evolutive Paléozoïque, la transition a été beaucoup plus douce.
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