Si la crise financière a laissé un goût amer, la suite risque d'être encore moins digeste. Après quelques manifestations d'unité, les grands pays occidentaux se sont empressés de renouer avec le «chacun pour soi». Oubliant au passage de modifier ensemble le fonctionnement des banques, des marchés financiers et des agences de notation. Et ceux-ci en profitent pour continuer leur métier comme si rien ne s'était passé. Ainsi, les banques et les fonds à risque spéculent contre la Grèce tandis que les agences de notation menacent de nouveau de dégrader sa note souveraine. Face à ces institutions, l'Union européenne fait... exactement la même chose et tente de faire croire qu'elle pourra ne rien changer à son mode de (non)fonctionnement. Entravée par un arsenal de règles mal conçues, elle renâcle à aider la Grèce, tout en refusant l'intervention du FMI. Ses institutions sont si faibles que c'est la Federal Reserve Bank américaine qui va enquêter sur l'action de la banque d'affairesGoldman Sachs dans la gestion de la dette publique grecque.
La fourmi était complice
L'Union, et d'abord son membre le plus éminent, l'Allemagne, refuse de payerpour un petit pays qui dépensé sans compter. Certes, la Grèce, et pas seulement elle, a eu un comportement de cigale. C'est oublier un peu vite qu'on l'a laissée faire et que les banques allemandes en ont profité. Elles sont d'ailleurs chargées en titres grecs... Même l'Allemagne ne peut laisser tomber la Grèce.
Exiger des plans d'austérité toujours plus sévères comporte en outre des risques, et pas seulement pour les Grecs. Compte tenu de l'importance du commerce intra- européen et de l'énorme excédent commercial allemand par rapport à ses partenaires, tout plan d'austérité a aussi des conséquences sur l'activité de l'ensemble de l'Europe. A un moment où la croissance européenne semble pour le moins anémique, il faudrait bien peser les risques avant d'exiger de la Grèce -puis des autres pays à forts déficits- de passer au régime super- austérité.
De leur côté, ni les marchés, ni les agences de notation ne vont cesser de tester la solidarité de l'Union monétaire tant que de vraies mesures ne seront pas prises. Et il ne suffit pas que le ministre luxembourgeois des Finances affirme que l'Europe est solidaire pour persuader les spéculateurs. «L'Europe est solidaire...Aucun pays de la zone euro ne va faire faillite», a déclaré Luc Frieden vendredi dans une interview au quotidien allemand Handelsblatt. Aux «grands» de la zone euro de relayer cette affirmation pour lui donner du poids.
Pour la première fois depuis soixante ans, l'Europe doit faire face à un test décisif. Il lui faudrait faire preuve de créativité et d'audace au moment même où la crise pousse chacun à se replier sur lui-même. La tâche est ardue, car il faut trouver les moyens de contourner des textes mal conçus et surtout admettre une bonne fois qu'une politique économique commune est indispensable. Et il faut faire vite. Sinon, c'est l'Union elle-même qui risque de disparaître.
Marie-Laure Cittanova
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