samedi 20 février 2010

Nanotechnologie et destruction du cancer.

2,5 nm : la largeur d'une molécule d'ADN. 5 nm : le diamètre d'une molécule d'hémoglobine. Les nanoparticules partagent avec les briques du vivant un point commun qui explique l'engouement des chercheurs pour leur utilisation dans le cadre médical : leur taille. Comme les protéines ou autres molécules du vivant, les nanoparticules sont capables de traverser les membranes cellulaires, sans risque de provoquer de réponse immunitaire. Les propriétés de ces nanocomposés ouvrent de nombreuses possibilités dans le traitement des maladies, notamment du cancer.

L'ennemi public N° 2

Avec plus de 560.000 décès en 2008, le cancer se classe en deuxième position des causes de mortalité aux Etats-Unis. Plus de 1.500.000 personnes en sont atteintes chaque année. La découverte de nouveaux traitements contre cette maladie est donc une des priorités de la recherche médicale. La problématique du traitement du cancer possède deux branches : le diagnostique c'est-à-dire la détection des cellules cancéreuses et la thérapie correspondant à la destruction de ces cellules.

Le cancer a pour origine la multiplication anormale d'une cellule ayant subi une altération génétique. Des mécanismes de contrôle de la réplication cellulaire existent et déclenchent généralement la mort cellulaire programmée, ou apoptose, des cellules anormales. Cependant, des cellules échappent à ce contrôle et prolifèrent de manière anarchique générant l'apparition d'une tumeur. A un stade plus avancé, certaines cellules de la tumeur peuvent s'en détacher et migrer vers un autre organe via la voie sanguine provoquant des métastases.

Actuellement, la détection des cellules cancéreuses se fait à un stade avancé de la maladie, lorsque les tumeurs comprennent plusieurs centaines de millions de cellules. Parmi les traitements utilisés, la chirurgie consiste à retirer les tumeurs et l'irradiation et la chimiothérapie permettent de détruire les cellules cancéreuses présentes dans l'organisme. Ces traitements ciblent les cellules cancéreuses mais provoquent aussi la disparition de cellules saines, entraînant de nombreux effets secondaires.

Connaissant le mode de développement de la maladie, ces traitements ont une portée limitée. Pour traiter de manière définitive un cancer, il faut s'assurer que toutes les cellules cancéreuses ont été éliminées. Il est alors capital de pouvoir détecter et traiter les cellules cancéreuses de manière individuelle, ce que les traitements actuels ne permettent pas. La détection individuelle des cellules malades assurerait une détection précoce des cancers, notamment avant l'apparition de métastases qui compliquent les traitements. Elle permettrait aussi de cibler les traitements sur les cellules malades évitant ainsi de détruire les tissus sains.

La pertinence des nanocomposés dans le traitement du cancer

C'est ici que les nanocomposés entrent en scène. Leurs propriétés leur permettent de répondre à la fois à la problématique de la détection individuelle et à celle du ciblage des traitements.

Les propriétés, notamment optiques et magnétiques, de diverses nanoparticules permettent de développer un vaste éventail de méthodes de détection. Les nanoparticules sont fonctionnalisées afin de se fixer aux cellules cancéreuses ou de détecter leur présence via des protéines spécifiques. Les nanoparticules font alors office d'agents de contraste, révélant, une fois liées à leur cible, la présence de cellules cancéreuses.

La fonctionnalisation des nanoparticules autorise aussi leur utilisation en tant que vecteurs des médicaments vers les cellules cancéreuses. Le médicament, attaché à la nanoparticule, est alors délivré de manière ciblée à la cellule malade sans toucher les cellules saines de l'organisme. De plus, les propriétés des nanocomposés leur permettent aussi de se transformer, parfois grâce à une excitation extérieure, en agents destructeurs des cellules cancéreuses.

Les nanoparticules peuvent ainsi combiner simultanément diagnostic et thérapie ouvrant la voie à la théranostique. Des nanocomposés délivrés dans l'organisme permettraient donc de détecter les cellules cancéreuses et de les détruire quasiment dès leur apparition, remplaçant en quelque sorte les mécanismes naturels déficients.

Ici réside le vif intérêt suscité par l'utilisation des nanotechnologies dans le domaine médical. Cette recherche s'est structurée en 2004 aux Etats-Unis par la création de la NCI Alliance for Nanotechnology in Cancer [1]. Cette alliance a pour but de dynamiser la recherche en développant des centres d'excellence et en mettant en place des plateformes technologiques. Les exemples suivants, datant des derniers jours, illustrent le rythme frénétique avec lequel les avancées se font sur ces problématiques.

Quand les nanoparticules rejouent l'Illiade

De nombreuses avancées consistent à permettre à des nanoparticules d'infiltrer la cellule malade. Une fois en place, la particule, avec ou sans stimulation extérieure, révèle ses propriétés et assure la destruction de la cellule cancéreuse.

Des chercheurs de l'Argonne National Laboratory en lien avec l'University of Chicago Brain Tumor Center sont parvenus à infiltrer dans des cellules cancéreuses du cerveau, via des anticorps ciblant ces cellules, des nanodisques de fer-nickel recouverts d'or. L'application d'un champ magnétique alternatif entraine une oscillation de ces particules, et l'énergie libérée provoque l'apoptose de la cellule cancéreuse.

Au Georgia Institute of Technology, des chercheurs viennent de démontrer que l'inclusion de nanoparticules d'or au sein des noyaux de cellules cancéreuses perturbe leur multiplication. La cellule commence sa réplication mais celle-ci s'interrompt à cause des interactions crées entre la nanoparticule et l'ADN. L'instabilité créée entraine la mort de la cellule. Cependant, les mécanismes en jeu restent encore incompris.

Une autre équipe du Georgia Institute of Technology en lien avec l'Ovarian Cancer Institute a utilisé des nanoparticules d'hydrogel afin de délivrer au sein des cellules cancéreuses un "petit ARN interférant" (siRNA). Un hydrogel est un réseau de polymères non-solubles dans l'eau ayant un très fort pouvoir absorbant. Les nanoparticules d'hydrogel sont donc capables de retenir en leur sein une grande quantité de composés. Les siRNA contenus dans la nanoparticule sont progressivement libérés dans la cellule permettant de limiter pendant quelques jours la multiplication de récepteurs qui inhibent l'apoptose de la cellule et accélère sa réplication. Cela ouvre une fenêtre thérapeutique améliorant l'impact de la chimiothérapie.

A la Rice University de Houston, une équipe à mis au point une technique permettant de détruire des cellules cancéreuses à l'aide de nanoparticules d'or. Une fois les nanoparticules fixées aux cellules cancéreuses à l'aide d'anticorps spécifiques, une impulsion laser les transforment en "nanobulles". L'énergie libérée localement permet de détruire la cellule, la nanobulle agissant comme un marteau piqueur. A une énergie moins importante, la nanobulle sert de marqueur signalant la présence de cellules cancéreuses.

Soigner le cancer mais éviter de nouvelles pathologies

Les nanocomposés présentent tous les avantages permettant la détection précoce et le traitement ciblé des cellules cancéreuses. Mais pourraient-ils être encore plus dangereux que le mal qu'ils sont sensés éliminer ?

Les traitements par nanocomposés impliquent leur injection en grande quantité dans l'organisme. Il faut s'assurer qu'ils ne sont pas toxiques. C'est la mission qui a été assignée au Nanotechnology Characterization Laboratory (NCL) [2]. Cette mission implique de mettre en place de nouveaux standards pour tester les effets des nanoparticules sur les tissus vivants et les organismes. Il est nécessaire de définir les paramètres critiques permettant de classer les nanoparticules, leurs propriétés et leurs effets. Le NCL joue donc un rôle clé dans les étapes de création des prototypes de médicaments et de développement antérieur aux essais cliniques : caractérisation des composés utilisés, modélisation des effets...

Ces travaux servent de base à la Food and Drug Administration (FDA) [3], dont le rôle est de réglementer la mise sur le marché des nouveaux médicaments. Mais, ils ont aussi pour but de rassurer les investisseurs privés en limitant les risques liés à ces nouveaux traitements. Ainsi, le NCL accompagne de manière efficace le développement des nouvelles thérapies à base de nanotechnologies.

Au-delà des traitements évoqués, les nanotechnologies portent tous les espoirs de compréhension des processus physico-chimiques ayant lieu au coeur des cellules. La capacité d'interaction entre les nanocomposés et les molécules du vivant laisse ainsi entrevoir une révolution médicale inédite.





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