Je ne commettrais pas l'impair d'être à la fois juge et partie. Bien sûr que non, une déesse ne ferait pas une telle faute de goût.
C'est une série livres best sellers publiés aux Etats-Unis qui le dit. Des livres qui depuis quelques temps accablent les Américains avec des titres aussi catégoriques que «French Women don't get Fat» (Les Françaises ne deviennent pas grosses), «What French women Know About Love, Sex and Other Matters of the Heart and Mind» (Ce que les Françaises savent sur l'amour, le sexe et ce qui compte pour le coeur et l'esprit), ou encore le dernier en date «French Women don't Sleep Alone» (Les Françaises ne dorment pas seules).
C'est bien connu, nous, les Françaises, avons établi une absolue supériorité sur toutes les autres femmes du monde, qui semblent toutes nous envier notre charme, notre élégance, notre minceur. Les Japonaises sont folles de nos couturiers, les Brésiliennes veulent à tout prix nous ressembler. A en croire ces livres, nous sommes immunisées contre les maux qui affligent le commun des mortels.
La fascination de nos voisines outre-atlantique n'est pas récente. Depuis le XVIIIe siècle, le modèle puritain qui a défini la société américaine s'est opposé au modèle de séduction à la française. Un modèle précieux, libertin, faisant une large part au plaisir. À cette époque, en France, et même avant au XVIIe siècle, les salons littéraires battent leur plein, menés avec brio par des femmes d'esprit : Catherine de Rambouillet, Anne de Montpensier, ou encore Madeleine de Scudéry. Lieux d'échanges intellectuels, ils sont aussi des lieux d'intrigues amoureuses, et un creuset du féminisme.
En Amérique, entre la période coloniale et la Révolution Américaine, les femmes étaient cantonnées à des rôles domestiques, assurant la pérennité de leur foyer auprès de leur mari. L'élégance, les fastes d'une vie de cour n'étaient pas à l'ordre du jour.
Mais si au XVIIIe siècle, les différences culturelles entre la France et les Etats-unis étaient aussi profondes qu'une conversation avec Fabrice Luchini, au XXIe siècle, on devrait en avoir fini (avec nos différences, pas avec Luchini). La globalisation est passée par la, ayant paraît-il nivelé nos dissemblances. Et pourtant, les mythes ont la vie dure. Les Américaines nous voient comme les filles naturelles de Catherine Deneuve (dans Belle de Jour) et de Coco Chanel. Elles pensent encore qu'un abîme les sépare de nous.
Alors qu'elles se débattent avec leurs obsessions: l'obésité en héritage, leur inaptitude à cultiver le mystère, leur répugnance à séduire pour le plaisir de plaire, leur pruderie au lit, elles se tournent en masse vers ces livres de self-improvement, écrits pour la plupart par des expats américaines ayant vécu en France. Elles croient enfin découvrir les secrets de ces formidables Françaises.
Dans l'un des livres faisant l'apologie de la Française, «French Women don't sleep alone», la préface annonce «Savez-vous que les Françaises ne datent pas?!» Oh My God! Serait-ce la recette d'une vie amoureuse réussie? Mais que font les Françaises en amour? Dans le schéma relationnel américain pétri de valeurs puritaines, les déclarations de Carla Bruni, avant de devenir première dame de France dans les pages du Madame Figaro ont de quoi enflammer les imaginations «Je suis fidèle... à moi-même ! (Elle rit.) Je m'ennuie follement dans la monogamie, même si mon désir et mon temps peuvent être reliés à quelqu'un et que je ne nie pas le caractère merveilleux du développement d'une intimité. Je suis monogame de temps en temps mais je préfère la polygamie et la polyandrie.» En attendant, le palais de l'Elysée n'a pas été transformé en club échangiste, ni en harem, enfin pas que je sache. Et les célibataires françaises sont pléthores à dormir toutes seules.
Mireille Guiliano, ancienne P.DG de Veuve Clicquot USA, Française et auteur du livre «French Women Don't Get Fat », vendu à plus de 3 millions d'exemplaires aux Etats Unis, explique sur 304 pages comment garder la ligne en réapprenant à manger équilibré. Les conseils sont du bon sens. Le titre sulfureux. S'en suivra une série de titres sur le thème de la supériorité prétendue des Françaises. Tous des best-sellers.
En janvier dernier, Rachael Ray, animatrice de talk-shows sur CBS, recevait Debra Ollivier auteur du livre «What French Women Know About Love, Sex and Other Matters of the Heart and Mind». Après une brève présentation, Ray donne la parole à un panel de spectatrices, venues raconter leurs déboires sentimentaux, et demander a Ollivier: «What would a French woman do?»
Nos préceptes sont parole d'évangile. Et succès marketing assuré. Car ils véhiculent l'idée d'une féminité moderne, affranchie de l'oppression masculine, un féminisme réconcilé à la féminité.
Google ne s'y est pas trompé dans sa dernière campagne de pub qui commence par la recherche suivante sur Internet «How to impress a French woman». Les hommes veulent nous posséder, les femmes nous imiter?
De quoi parfois agacer les Américaines qui répondent dans les medias qu'elles n'ont rien à envier aux mangeuses d'escargots. Très récemment, le New York Post, tabloïd appartenant à l'Australien Rupert Murdoch, leader en son temps du French Bashing, s'est senti obligé de s'offrir un droit de réponse. Maureen Callahan, journaliste pour le quotidien s'insurge: Qui au juste a décidé que les Françaises sont meilleures que nous». Oui certes, il y a du vrai dans les propos de Maureen. Toutes les Américaines ne zonent pas au shopping mall en survêt taille XXL, en se gavant de friture a KFC. Tout comme toutes les Françaises ne dépensent pas les trois quart de leur salaire en lingerie et en parfums. (Même si on doit reconnaître qu'il y a d'avantage de lingerie dans les placards des Françaises et d'avantage de cholestérol dans les assiettes des Américaines.)
Layla Demay
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