mardi 9 février 2010

Il fait revivre les dinosaures.

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Depuis plus de 30ans, HervéLelièvre, responsable des collections de paléontologie au Muséum d'histoire naturelle à Paris, étudie l'histoire de la vie sur terre en faisant «parler» les fossiles. C'est sous son oeil qu'a ressuscité le Sarcosuchus Imperator, l'impressionnant ancêtre du crocodile, présenté depuis peu au public.


Campé sur ses quatre pattes, la gueule béante, le Sarcosuchus Imperator, l'ancêtre du crocodile, après avoir régné il y a 110millions d'années sur les lacs africains, est la nouvelle curiosité de la galerie de paléontologie du Muséum national d'histoire naturelle, à Paris. «Cela faisait un demi-siècle qu'on n'avait pas monté un squelette aussi rare et spectaculaire pour le public», se réjouit Hervé Lelièvre, responsable des collections de paléontologie.

186 ossements

«Il est constitué de 186 ossements, provenant tous du même individu, ce qui est unique au monde, précise le paléontologue. Il mesurait 11m, contre 6m pour le gavial dont il est le plus proche aujourd'hui, et pesait 6t, dont 400kg rien que pour le crâne. C'était un prédateur qui se nourrissait essentiellement de poissons». L'impressionnant spécimen a aujourd'hui rejoint le troupeau de l'évolution qui, dans la galerie du Muséum, retrace la vie sur Terre depuis 600millions d'années. Et continuer à raconter l'histoire de la vie, voila ce qui pousse Hervé Lelièvre à remuer, depuis plus de trente ans, les déserts du globe à la recherche de fossiles qui, une fois récoltés, comparés, décrits et analysés, révèlent quelques secrets. «Quel autre moyen, à part la paléontologie, existe-t-il pour reconstituer l'histoire de la vie? Ces squelettes permettent de comprendre comment les bêtes ont évolué pour arriver à la diversité que l'on connaît aujourd'hui. Il s'agit de comprendre les liens de parenté entre les espèces et de les classifier.Ce squelette est un jalon supplémentaire dans l'histoire des crocodiles. Il permet de reconstituer l'origine, la physionomie, le milieu de vie...». Mais pas seulement. Un autre crocodile, daté de la même époque, a été trouvé au Brésil. «Ces bêtes ne pouvaient pas traverser des océans primitifs. Il y a 110millions d'années, Afrique et Amérique du Sud ne formaient donc qu'un seul ensemble. Cet élément appuie la thèse de la dérive des continents», s'enthousiasme-t-il.

Le bonheur de trouver

Hervé Lelièvre est un passionné. Mais quand ses collègues paléontologues ont passé leur jeunesse à constituer des collections de fossiles, lui se rêvait vétérinaire. C'est la rencontre avec Robert Hoffstetter, un «prof incroyable», qui voit l'étudiant en biologie animale s'engager en thèse de paléontologie; un choix conforté dès ses premières fouilles dans les fosses phosphorites du Quercy. «J'ai été pris d'une espèce de frénésie de chercher et de fouiller», se souvient-il. Rentré comme assistant au Muséum, Hervé Lelièvre a, depuis, gravi tous les échelons pour devenir professeur de paléontologie, et est aujourd'hui responsable des collections. Spécialiste des poissons, il a multiplié les expéditions dans la rade de Brest, en Australie, au Maroc ou en Arabie Saoudite, pour mettre au jour des placodermes, ces poissons cuirassés considérés comme les premiers vertébrés à mâchoires. «J'ai souvent cassé du caillou, c'est un peu les travaux forcés, s'amuse-t-il. Mais quel bonheur de trouver. C'est, à chaque fois, une émotion forte.Je suis toujours émerveillé des découvertes faites».

Redonner vie au Sarcosuchus

Si celle du Sarcosuchus Imperator en 1973, dans le désert du Ténéré, au Niger, revient au paléontologue Philippe Taquet, c'est sous l'oeil expert d'Hervé Lelièvre que, depuis 2008, la bête revit. Pièce après pièce, le crâne, les vertèbres et les plaques osseuses des plastrons qui protégeaient le dos et le ventre ont été montées sur une structure métallique. La reconstitution se poursuit sous le regard des visiteurs. Reste à monter les 140dents qui rendront la bête encore plus impressionnante.

Gwen Loaëc
Tags : Histoire paléontologie hervé lelièvre Sarcosuchus
L'arche de Noé des animaux disparus

Déambuler dans la galerie de paléontologie, c'est comme pénétrer dans l'arche de Noé des animaux disparus, où Diplodocus, Tyrannosaurus et autre Triceratops, rangés selon leur date d'apparition sur Terre, constituent le troupeau de l'évolution. «C'est l'histoire de la vie sur Terre depuis 600millions d'années. Pas une seule galerie au monde ne présente ça», affirme Hervé Lelièvre. Les réserves du Muséum comptent 68millions de spécimens, qui sont autant de témoignages de l'extraordinaire diversité des espèces. «On conserve ce qui existait et ce qui existe aujourd'hui. Ici, vous avez une véritable impression de ce qu'est la biodiversité. Je ne sais si j'aurais pu travailler ailleurs, car au Muséum, il y a trois domaines fondamentaux: les collections, le travail de recherche et le public auprès de qui on peut populariser nos idées et nos découvertes».

Année de la biodiversité

L'ONU a proclamé 2010 année de la biodiversité pour alerter sur l'état et les conséquences du déclin de la biodiversité. «On dit que la sixième extinction massive des espèces est en marche. C'est dramatique, car il y aura effectivement beaucoup de disparitions. Et il y en a déjà eu beaucoup. Mais il faut aussi savoir la replacer dans un contexte plus global. Grâce à la paléontologie, on sait qu'il y a toujours eu des crises. Le Muséum regorge, d'ailleurs, de ces arguments de fluctuation de la biodiversité. Mais il n'y a pas de raison de s'inquiéter. Tout ne va pas disparaître. C'est effrayant parce qu'on se dit que l'homme va peut-être disparaître. Mais il ne faut pas non plus penser que la disparition est une issue fatale, et qu'il n'y aura rien après. La paléontologie montre que les crises sont suivies de phases de recouvrement et de régénération des faunes et des flores et que ça redevient, à nouveau, extraordinaire.

La Bretagne

La famille Lelièvre découvre Portsall en 1901, quand Léo Félix, grand-père d'Hervé et auteur de chansons, dont «La Biaisaise», interprétée par Annie Cordy, cherche un endroit calme, loin de Paris. C'est là qu'Hervé Lelièvre est né et a passé ses vacances. «Avec mes quatre frères, on était toujours excité quand on arrivait de Paris. On côtoyait les pêcheurs. On a appris à godiller. Ça nous a tellement aidés à grandir. C'est en Bretagne aussi que j'ai appris à regarder un paysage, à être sensible aux couleurs et aux jeux des lumières. C'est essentiel à ma vie. Et de temps en temps, il faut que je m'y replonge». Aujourd'hui, c'est dans le Pays bigouden qu'il emmène son fils Victor, âgé de 15 ans.

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