lundi 15 février 2010

Chercher nos origines sur Titan?

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Avec son atmosphère et sa chimie produisant massivement des hydrocarbures, Titan ressemble sans doute à ce que fut la Terre primitive. Roger Raynal, spécialiste de ce satellite de Saturne, nous explique pourquoi on pourrait y trouver quelques clés de l'apparition de la vie sur notre planète.

Titan a toujours fasciné les scientifiques car il est un des rares endroits du Système solaire où une forme de vie exotique peut exister et améliorer nos connaissances sur les mécanismes chimiques ayant abouti à l’apparition de la vie sur Terre. Roger Raynal, qui avait dressé pour nous un bilan de la mission Huyghens, aborde avec nous cette possibilité. Egalement professeur de biologie, de géologie et de physique, Roger Raynal tient à jour son propre site dédié aux origines de la vie et à Titan.

Mais pourquoi chercher sur Titan les réponses que la Terre devrait renfermer dans ses fossiles ? Parce que sur notre planète ces traces n'existent plus depuis bien longtemps. Tous les indices de la vie primitive terrestre au-delà de - 3,5 à - 3,8 milliards d'années ont été effacés par la tectonique des plaques et les convulsions multiples de la croûte terrestre. Or, après une centaine d'années de spéculations et d'expériences en tout genre, les scientifiques ne sont toujours pas d'accord sur la façon dont la vie est apparue sur Terre. La plupart supposent que des bactéries se sont formées au hasard des combinaisons entre les composés carbonés baignant dans la soupe originelle. Mais toutes les études sur l'origine de la vie sont entravées par notre ignorance des éléments chimiques présents sur la Terre récemment formée.

Des similitudes avec des modèles théoriques d'atmosphères terrestres prébiotiques

Des scientifiques pensent que l'environnement de Titan pourrait être semblable à celui de la Terre avant que la vie ne commence à envoyer de l'oxygène dans son atmosphère. Dans ces conditions Titan représente la mémoire de l’atmosphère primitive de la Terre, mais en plus froid.
Comme nous l’explique Roger Raynal, « les hydrocarbures que l’on trouve sur Titan sont les briques de base des acides aminés nécessaires à l'apparition de la vie ». Mais, s’il est fort probable qu’il existe sur Titan des molécules prébiotiques complexes, il est peu vraisemblable qu’il existe une forme de vie en surface. Pour ce chercheur, « il y a bien plus de chances de découvrir quelque chose de vivant sous la surface ». Et d'ajouter « on y trouve tous les ingrédients nécessaires ». Pour peu que la chaleur induite par l’activité gravitationnelle de Saturne perdure depuis des millions d’années on a là tout ce qu’il faut pour que des formes bactériennes s’y développent.




Malheureusement, les identifier est très difficile. « La production de méthane et d’éthylène est un des principaux signes de cette activité ». Or, ces éléments sont en abondance sur Titan ! C’est d’ailleurs « une des hypothèses mise en avant pour expliquer ces très grandes quantités d’hydrocarbures ».

Cela dit, « Titan est un fantastique laboratoire à ciel ouvert ». Il démontre que le froid n’est absolument pas un obstacle à la vie. C’est d’autant plus intéressant que ce satellite de Saturne n’évolue pas dans la zone d’habitabilité du Système solaire. « Une expérience réalisée sur Terre par Francis Crick conforte ce que l’on déduit de nos observations ». Ce chercheur, un des découvreurs de la structure de l’ADN a réalisé une expérience qui simulait la composition chimique de l'atmosphère primitive terrestre qui a permis de montrer que des « molécules prébiotique pouvaient se former à des températures de quelque - 80°C ». Cette expérience a également montré que des précurseurs de la vie pouvaient émerger dans une large gamme de température et que la température en tant que telle n’est pas un problème à la formation de molécules complexes, « pour peu qu’on leur laisse le temps de se former ».

L’atmosphère, un paramètre clé pour la vie

« Nous en sommes à nous demander si ce satellite a toujours eu une atmosphère dans son histoire. » Un paramètre clé. Les scientifiques veulent savoir si cette atmosphère est transitoire, « à l’échelle géologique », ou si Titan a été plus chaud dans son histoire. Dans ce cas, « il n’aurait pas pu posséder d’atmosphère ». En raison de sa taille, il la retient seulement parce qu’il est extrêmement froid (environ – 180°C). Une température de surface d’une vingtaine de degrés le lui aurait fait perdre « par l’agitation thermique ».

Il faut comprendre que le lien entre atmosphère et vie éventuelle est double (synthèse et protection). Concrètement, l'atmosphère de Titan jour un rôle de fabrique de matière première pour une vie complexe. « L’interaction des hydrocarbures de l'atmosphère et des rayonnements interceptés dans sa haute atmosphère permet la synthèse d'hydrocarbures complexes ». Ces molécules sédimentent, retombant avec les pluies de méthane sur le sol, au niveau duquel se produit une autre suite de réactions chimiques, mal connues, « qui transforment à nouveau ces molécules d'origine atmosphérique ». Une partie donne des produits en phase gazeuse, qui sont repris par l'atmosphère, et l'autre des éléments solides ou liquides « dont on ne sait pas grand-chose ». Quelques expériences conduites sur Terre indiquent tout de même « qu'ils peuvent constituer des molécules à la base de acides nucléiques et aminés que l'on retrouve dans les macromolécules biologiques ». Ces éléments peuvent alors intégrer les voies d'une évolution moléculaire se déroulant entre la surface à basse température (donc à très faible vitesse) où sous la surface plus chaude), qu'elles peuvent gagner à l'occasion de phénomènes cryovolcaniques récemment confirmés.

Autrement dit, l’histoire des molécules prébiotiques de Titan est étroitement liée à celle de son atmosphère. Sans atmosphère, « cette fourniture d'éléments de base pour une chimie prébiotique s'interrompt ». L’atmosphère protège le sol de Titan du rayonnement solaire mais aussi des particules énergétiques accélérés par la magnétosphère de Saturne, dans laquelle tourne Titan. Ces particules transportent assez d'énergie pour casser les liaisons des éventuelles molécules organiques complexes formées au sol, et conduisant à le stériliser.



« Pour avancer sur cette question on ne peut que compter sur l’envoi de sondes réaliser des études in situ. » Parmi les projets d’exploration robotique de Titan, l'un semble faire consensus puisque, imaginé par la Nasa, il intéresse également l’Esa. Il consiste à envoyer un ballon dérivant dans l’atmosphère avec la possibilité d’effectuer des atterrissages, voire des amerrissages sur un de ses lacs afin d’étudier le cycle du méthane et tenter de découvrir de possibles composés organiques.




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