dimanche 10 janvier 2010

Comment agit le virus Ebola?

http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/61812.htm


Des chercheurs du Scripps Research Institute (TSRI) à La Jolla, et de l'University of California, San Diego (UCSD) ont récemment mis en lumière un mécanisme important dans le mode d'action du virus Ebola qui ouvre la voie au développement de thérapies. Selon cette étude, Ebola a développé une stratégie afin de masquer sa présence vis-à-vis du système immunitaire de l'organisme infecté, ce qui lui permet de se propager sans être inquiété. Cette découverte fait l'objet d'un article actuellement sous presse dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences [1]. Le Scripps Research Institute avait déjà été à l'origine de la découverte de la voie d'entrée du virus dans la cellule hôte (voir BE Etats-Unis 134, "Mise en évidence de la structure d'une glycoprotéine du virus Ebola" [2]).

Avec un taux de mortalité des personnes infectées qui atteint 50 à 90%, et la facilité des voies de transmission qu'il utilise, Ebola est l'un des virus les plus dangereux au monde. En tant que tel, son étude n'est possible qu'au sein de laboratoires de catégorie P4, les plus sécurisés au monde. Il est également classé dans la catégorie A, la plus dangereuse, des agents pathogènes utilisables dans le cas d'attaques bioterroristes par le Center for Disease Control and Prevention (Agence de Contrôle et de Prévention des Maladies) aux Etats-Unis [3].

Ce virus se transmet par contact avec les liquides biologiques d'une personne ou d'un animal infecté : salive, sang, urine, etc. Les premiers cas remontent à 1976, au Zaïre et le virus tire son nom de la rivière Ebola, à proximité de laquelle la maladie a été observée pour la première fois. Le virus s'attaque aux cellules endothéliales qui tapissent la paroi intérieure des vaisseaux sanguins et bloque la coagulation. La dégradation du système vasculaire provoque des fièvres et des saignements. La mort est causée par déshydratation et hypovolémie extrêmes [4]. La période d'incubation dure généralement de 5 à 10 jours et la mort survient entre 2 et 21 jours après l'apparition des symptômes. Plusieurs espèces de chauve-souris ont été identifiées comme "réservoirs" pour le virus : elles sont infectées mais ne développent pas de symptômes et favorisent ainsi la survie et la propagation du virus. Il n'existe à ce jour ni vaccin ni traitement efficace pour la fièvre hémorragique causée par le virus Ebola.

L'élément clé de la détection du virus Ebola par le système immunitaire est son matériel génétique constitué d'un ARN double-brin: lorsqu'il est mis en contact avec certaines protéines synthétisées par le système immunitaire, cet ARN déclenche une réponse immunitaire complète et normale. Cependant le virus a la capacité de masquer son ARN par le biais d'une de ses protéines, appelée VP35. Ce que les scientifiques du TSRI ont découvert est la façon dont cette protéine agit pour masquer l'ARN viral.

L'étude, menée en collaboration entre le TSRI et UCSD a montré que VP35 est capable de s'associer sous forme de dimère [5] qui se lie alors à l'extrémité de l'ARN viral afin de le masquer. La structure du dimère de VP35 a été résolue par cristallographie à rayons X. La particularité de cet assemblage est que chaque sous-unité VP35 au sein du dimère se lie d'une façon différente à l'ARN viral, montrant ainsi que la protéine possède deux stratégies distinctes pour masquer l'ARN viral. Le mode d'action coopératif des deux sous-unités VP35 au sein du dimère a été mis en lumière de façon plus précise par une série d'expériences. Le point d'ancrage entre les deux sous-unités VP35 constitue à présent une cible thérapeutique de choix pour la mise au point d'un traitement contre la fièvre hémorragique causée par le virus Ebola.

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[4] hypovolémie : réduction importante du volume de plasma sanguin dans l'organisme provoquant une réduction dangereuse de la tension artérielle

[5] dimère : molécule formée par l'association de deux sous-unités (identiques, dans le cas présent)





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