mardi 13 octobre 2009

Nos arbres sont en formes.

Voir le site en source.

Le sommet des forestiers  :  entre alertes rouges et sérénité



À l'invitation de l'ONF (Office Nationale des forêts), des  forestiers  slovènes, gallois, allemands,  bulgares, lettons et  français ont débité  pendant trois jours  leurs  stratégies pour négocier le choc thermique  :  2 à 4 degrés en plus pour le XXI° siècle. Tous enregistrent   déjà pas mal de dégâts suite  au premier coup de chaud séculaire - + 0,9  degré -  de 1900 à 2000.  On imaginerait à Murat  un branle-bas de combat, des mises en demeure, une manif de Greenpeace ....

Eh bien,   non. C'est troublant, mais aucun des  forestiers Européens présents ne  crie  « Au feu ! ». Mieux :  tous affichent, en caressant les branches des chênes centenaires, une évidente bonne humeur. Et des  sourires relativement confiants. Le chercheur  Alain Valadon (ONF) ,  invité du Sommet tempère à peine  son optimisme   : «  Vous n'imaginez pas les ressources génétiques des peuplements forestiers !  C'est incroyable à quel point les arbres  sont capables d'adaptation. D'évolution.  In-cro-ya-ble ! »

Pourtant, il y aurait de quoi se faire du mouron.  «  Chez nous, confie le représentant catalan, les pins ont été  littéralement dévastés par la sécheresse de 2007, puis par des ravageurs inconnus venus du Maghreb. La perte est colossale. Mêmes les palmiers de Barcelone, victimes d'une maladie inédite,   ont failli y passer... » En France ? Des essences emblématiques  comme les Chênes « pédonculés » qui occupent un million d'hectares dépérissent, perdent leurs feuilles, et devraient souffrir bientôt le martyre. Le pin sylvestre du sud méditerranéen est  également à la peine. Peine de mort, assurent certains. Ils auraient tous disparu entre Aix et Marseille  en 2100.  Dans le seul Massif central,  30% des espèces seraient menacées...

Un espace forestier qui est passé de 12 millions d'hectares à 16 Millions entre 1950 et 1990


Alors  pourquoi cette singulière sérénité des ingénieurs de la forêt ?  Il y a d'abord ce constat général :  jamais la forêt française ne s'est aussi bien portée depuis que le climat se réchauffe et que la pollution sévit.  Entre 1950 et 1990, on est passé de moins de 12 millions d'hectares forestiers à près de 16 Millions ! ». Et en 1910, il y avait  tout au plus  9 millions d'hectares boisés.  En un siècle, tenez vous bien, la vitesse de croissance en  hauteur, en diamètre et en fertilité des hêtres, s'est accru  de 50% ! «

Tout se passe 1,5 fois plus vite en 2000 qu'en 1900 »  note  le chercheur Jean-Daniel Bontemps (INRA).  À tel point que l'on pourrait bientôt, si le rythme se poursuivait, imaginer de réduire de vingt ans tous les vingt ans l'âge auquel on abat  des hêtres pour exploitation !  «  Même nous, on a parfois du mal à admettre l'évidence tant c'est inouï, confie Myriam Legay (ONF). Et les ravages des tempêtes récentes sont peut-être d'abord dus  aux hauteurs records des  cimes  exposées  au vent... » .

Le CO2 stimulerait la photosynthèse


Le pourquoi  de cette exubérante  vitalité ?  Il est vraisemblable que  l'augmentation du redouté  CO2 dans l'atmosphère  stimulerait  la photosynthèse. Et  que l'effet de serre a permis de faire gagner à la période de végétation des arbres  à feuilles caduques une dizaine de jours en trente ans. Autre hypothèse :  le réchauffement renforcerait les précipitations qui  favorisent la croissance. Et les fameuses  pluies acides qui décimaient  les sapins vosgiens jaunâtres  entre 1973 et 1981 ? Oubliez ! «  Des « épiphénomènes »  classés sans suite: «  La forêt vosgienne affirme le chercheur Michel Becker, est même  plus vigoureuse aujourd'hui qu'au siècle dernier » !

Gestion de la forêt : laisser faire ? Planifier ? Ou réguler ?

Attention tout de même de ne pas s'emballer Personne n'en vient  à faire l'apologie de la pollution et du réchauffement au  Sommet des forestiers du Cantal. En revanche, ces observations permettent de préciser les stratégies les plus pertinentes pour faire face au cuisant XXI° siècle.

Jusqu'à peu, il y avait en gros deux  solutions.  D'abord la méthode, disons ultra-libérale,  qui consiste à laisser la loi du plus fort faire son office. Exemple : le Pin Sylvestre se meurt dans le midi de la France, vive le Pin d'Alep, moins sujet au stress hydrique.

Et puis la seconde méthode, planificatrice façon soviétique, consiste  à planter  massivement dés maintenant  les essences les moins sensibles à la chaleur en lieu et  place des thermo sensibles. Exemple :  l'introduction des robustes   chênes « sessiles »  dans les forêts où le chêne « pédonculé » est  semble-t-il condamné par les insolations.

Que les socio démocrates soient rassurés, il y a une troisième voie : la régulation. Car contrairement à ce qu'on pensait voilà peu, les arbres ne sont pas  programmés une fois pour toutes. Leur logiciel Adn existe, mais il est souvent bien plus élastique qu'on ne l'imaginait et capable d'opérer les mises à jour nécessaires pour  muter d'une génération à l'autre et  s'adapter aux  changements climatiques. Les colonies d'une même essence recèlent  même des capacités génétiques virtuelles insoupçonnées.

Les ressources dormantes de l'Adn des arbres


Y compris des ressources dormantes que Daniel Thomas, Président  du Pôle de compétitivité de Compiègne sur la Chimie verte, qualifie  d'après des recherches très récentes de «  fossiles mais disponibles ».  C'est d'ailleurs un chercheur français de l'Inra, Antoine Kremer, qui fut le pionnier de cette découverte  couronnée, il y a trois ans,  par  le prestigieux prix Wallenberg suite à l'analyse de 2600 populations de chênes. « Une récente étude espagnole de 2006 le confirme, note Alain Valadon. Des forêts de pins sylvestres catalans qu'on disait perdus se sont adaptés en à peine soixante ans ! Et puis regardez le sapin Douglas originaire de la froide et pluvieuse Amérique du Nord qui prospère sous le soleil  Californien... »


Mais pour que ces mutations puissent s'exprimer, il faudra  sans doute  l'aide, subtile, de l'Homme. « L'adaptabilité d'une forêt est conditionnée par sa diversité génétique », martèle Alain Valadon. Aussi a-t-il entrepris un programme pour mesurer cette variété dans  plusieurs forêts  françaises. En sélectionnant notamment  des groupes d'arbres qui s'étaient déjà adaptés aux  conditions extrêmes de sécheresse. «  À terme, nous pourrions introduire les pousses  issues de leurs graines dans des forêts génétiquement pauvres, poursuit Valadon. Pour aider celles-ci à réussir  leur mue  par hybridation naturelle. ».

Convaincus les forestiers gallois ? Disons poliment attentifs. Car  eux n'ont pas eu la patience d'attendre  : ils  procèdent  depuis plusieurs années à des  replantations massives de nouvelles essences à la place des plus fragiles. Reste que l'option de la « régulation génétique » progresse. Une révolution copernicienne pour les ingénieurs des arbres ?

Le secret des arbres


«  En tout cas, réagit Myriam Legay, une évolution majeure de la conception que l'on se faisait de ce  milieu forestier maintenu à l'état à peu prés sauvage depuis son  origine » Et c'est bien ça  qui est le plus fascinant. Car seuls les arbres forestiers peuvent, à l'épreuve d'un réchauffement majeur,  témoigner de ces secrets originels du vivant. Seulement  eux peuvent révéler un génie génétique  naturel et un pouvoir d'adaptation  quasiment intact et méconnu depuis 4000 ans. La fin de la période glaciaire, c'est hier pour un hêtre de 2009. Vingt générations à peine le séparent de ses premiers ancêtres européens.

Guillaume Malaurie





Rejoignez la communauté SCIencextrA


SCIencextrA





Bookmark and Share

    Choose :
  • OR
  • To comment
Aucun commentaire:
Write comments