jeudi 27 août 2009

22 mars 1312 La fin des Templiers


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Dieu aurait-t-il reconnu les siens hier soir en la cathédrale Saint-Maurice de Vienne ? On peut en douter, tant la décision que vient de prendre Clément V, six mois après l'ouverture du concile, semble relever de la realpolitik plus que de la justice, qu'elle soit divine ou bien humaine. En décidant in fine d'abolir l'ordre des Templiers, le pape ouvre une nouvelle ère dans l'histoire de la Chrétienté, qu'on imagine sans peine pleine de bruit et de fureur.

Car le pape, provisoirement installé en Avignon, a pris la responsabilité, pour complaire à Philippe le Bel, d'abandonner un ordre loyal et jadis puissant qui fut son bras armé en Terre sainte mais aussi en Europe… Pathétique épilogue de la déchéance de ces chevaliers arrogants qui se croyaient au-dessus des lois et des rois, triste constat de l'insigne faiblesse du pape face au monarque français.

"Les Templiers en avaient certes rabattu depuis la perte de Saint-Jean d'Acre et leur départ de Terre sainte, mais ils représentaient encore 15000 hommes, dont 1500 chevaliers entraînés au combat, rappelle un observateur avisé, croisé dans les couloirs du concile. Surtout, ils possédaient des richesses considérables, grâce aux dons des pèlerins qu'ils étaient chargés de protéger, et ils prêtaient de petites fortunes aux monarques… En France, l'Ordre était un véritable État dans l'État. Et ça, le roi ne pouvait plus le supporter".

De fait, Philippe Le Bel oeuvre de longue date à la chute des Templiers, qu'il tient pour hérétiques, idolâtres et sodomites, sur la foi de témoignages plus que douteux. Fin stratège, il sait que les abattre, c'est porter un coup sévère à la papauté, car l'ordre est souverain et à ce titre dépend du pape et de lui seul.

Dès lors, comment ne pas voir dans la spectaculaire arrestation des Templiers français, le 13 octobre 1307 au petit matin, une manière de mettre Clément V au défi ? De lui signifier une fois de plus que le roi de France refuse la suprématie du successeur de Pierre dans la conduite des affaires du royaume ? Clément V n'a pas oublié, personne n'a oublié d'ailleurs, le célèbre attentat d'Anagni, qui a vu des hommes de Philippe faire prisonnier le pape Boniface VIII, il y a moins de dix ans.

Le nouveau pape est certes Français, issu de la noblesse gasconne, mais il est peu probable qu'il fasse de son plein gré le jeu du roi de France, même si les chroniqueurs italiens font plus que l'insinuer. Sollicité à de multiples reprises, Clément V n'a jamais donné sa bénédiction ni à l'arrestation des Templiers, ni a fortiorià l'extorsion d'aveux "providentiels" sous la torture.

Au contraire, il a longtemps cherché à les protéger, en assurant vouloir établir lui-même la vérité dans cette sombre affaire d'hérésie et de moeurs dépravées. "Malgré cela, écrivait-il au roi le 27 octobre 1307, vous avez commis ces attentats sur la personne et les biens des gens qui sont soumis immédiatement à nous et à l'Église romaine. Dans ce procédé précipité, tous remarquent un outrageant mépris de nous et de l'Église romaine…"

Des mots tranchants, mais juste des mots, car le pape se sait faible et n'aura cherché ces dernières années qu'à gagner du temps, cédant sur à peu près tout, jusqu'à laisser à Paris un archevêque dévoué au roi envoyer au bûcher 54 Templiers revenus sur leurs aveux. Le pape s'est réservé pourtant de statuer en personne sur le sort de l'Ordre, et c'est l'un des principaux points du concile qui s'est ouvert à Vienne voici plus de six mois, en terre d'Empire.

On en connaît l'issue, même si Clément V doit encore fulminer la bulle qui abolira définitivement l'ordre. Tout était-il joué d'avance ? Beaucoup le pensent, car le pape ne défend plus guère les Templiers depuis qu'il a négocié avec le roi l'abandon du procès en hérésie de son prédécesseur, Boniface VIII, qui le mettait par ricochet en grand danger.

Pire, les sept Templiers qui se sont présentés au concile pour défendre l'honneur de leur ordre sont venus pour rien. De peur qu'ils ne se montrent trop convaincants, le pape a fait adopter sa décision d'abolir l'Ordre par un consistoire secret avant même qu'ils ne comparaissent.

De fait, la messe est dite depuis que Philippe Le Bel a débarqué à Vienne voilà deux jours avec ses gens d'armes… Le sort des Templiers est désormais scellé et la vie de ses hauts dignitaires, à commencer par le Grand maître Jacques de Mollay, ne vaut plus grand-chose. Et dans la période d'incertitudes qui s'ouvre, une question domine: comment le pape, qui apparaît désormais comme une marionnette entre les mains du puissant monarque, pourrait-il restaurer la puissance pontificale, à Rome ou ailleurs ?

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Avignon, pourquoi et jusqu'à quand ?

Pourquoi diable Clément V s'est-il installé à Avignon le 9 mars 1309, après avoir mené une existence vagabonde dans son Aquitaine natale suite à son couronnement à Lyon en 1305 ? Pourquoi ne pas avoir rejoint le palais du Latran, comme il sied à l'évêque de Rome ?

Les raisons pour lesquelles le nouveau pape s'est tenu éloigné de l'Italie et a fortiori de la ville éternelle sont connues : la guerre gronde entre les États pontificaux et Venise à propos de la ville de Ferrare tandis qu'à Rome, les querelles entre factions liées aux grands seigneurs sont incessantes. Il n'était pas plus question de s'installer en France, sauf à apparaître aux yeux de tous comme un pape inféodé à Philippe le Bel.

Clément V souhaitait pourtant se fixer à proximité du royaume de France, pour mener à bien son grand projet politique : la réconciliation de la fille aînée de l'Église avec l'Angleterre. Le Comtat venaissin, seule partie des États pontificaux située au nord des Alpes, offrait donc une position idéale. Et à ce compte-là, Clément V aurait pu s'installer dans l'une des quatre villes du Comtat (Carpentras, Cavaillon, Pernes ou Vaison).

Il leur a préféré Avignon, cité qui appartient au comte de Provence. Pourquoi ? Par commodité. Avignon est le siège d'un évêché, elle est proche de la France, tout en étant située en terre d'Empire et son fameux pont sur le Rhône en fait un carrefour stratégique. Le pape n'a pas vocation à s'y éterniser et après le concile de Vienne, il jugera sans doute bon de retourner à Rome.

Mais si les circonstances devaient l'amener à demeurer à Avignon, on lui conseille d'y construire une forteresse capable de résister à un siège car le siècle qui s'ouvre s'annonce troublé...






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