D'une locomotion à l'autre
Concentration. Inspiration. Plongeon, version canard paniqué. Une jambe dépasse, pas l'autre. Mais qu'importe la grâce... pourvu que le baignassoute* sombre. D'ailleurs, il plaque déjà ses bras tout contre son corps et donne des petits coups de bassin d'avant en arrière. Des mouvements secs prolongés par des ondulations, plus ou moins bien léchées, des jambes. Et le voilà enfin dans la peau d'un dauphin. Bien sûr ses gros orteils sont un peu de travers. Bien sûr son ondulation a plus à voir avec une crise d'épilepsie qu'une jolie sinusoïde. On ne change pas de mode de locomotion si facilement. Mais qu'importe. De toute façon, le baignassoute ne voit rien. Le sel l'empêche d'ouvrir les yeux. Une chance.
Et puis, cela aura pu être pire. Car plutôt que de singer un dauphin, il aurait pu lire le magazine Science et se prendre d'affection pour le poisson des sables. La scène aurait alors été autrement plus coquasse car, comme vient de le montrer une équipe américaine, ce joli lézard saharien nage, avec style, non pas dans l'eau... mais dans le sable. Une étrange capacité locomotrice qui vient d'être, pour la première fois, filmée (R. Maladen et al., Science, 17 juillet 2009).
*Baignassoute : terme charentais désignant le vacancier aoutien typique.
Le nageur des dunes
Comment ? Grâce aux rayons X. Les chercheurs ont imaginé un dispositif permettant de suivre, en temps réel, le mouvement du lézard sous la surface de sable. Et les images obtenues sont saisissantes. Car à compter du moment où il plonge dans le sable, le lézard cesse d'utiliser ses membres. Là où une taupe se lancerait dans une brasse effrénée, lui se met à onduler, un peu comme un serpent de mer. Un peu.
Car à bien y regarder, si l'allure générale est similaire, les trajectoires dessinées par le corps du lézard sont irrégulières. Si irrégulières même qu'il lui serait tout bonnement impossible de se déplacer dans un tube rectiligne. Et pour cause : il avance de biais.
La faute au milieu. Car n'importe quel baignassoute le confirmera : on se déplace plus facilement dans l'eau que dans le sable, un milieu granulaire qui se comporte parfois en fluide, parfois en solide. Tout dépend du type de force que l'on exerce sur lui.
L'ondulation par friction
En modélisant le mode de locomotion du poisson des sables, les chercheurs ont montré que l'animal utilisait, à son profit, toutes les forces de friction (entre les grains de sable et entre le sable et la peau) pour établir, à chaque instant, sa trajectoire. De plus, et de façon assez surprenante, le type de sable (grosseur, densité) ne modifie pas la vitesse de déplacement du lézard (10 cm/sec).
Ainsi, ce lézard, comme les oiseaux ou le dauphin, exploite parfaitement les propriétés physiques du milieu pour se déplacer avec lui. Et pas contre lui. Que le baignassoute s'inspire de cette conclusion toute scientifique pour améliorer son style aquatique.
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