vendredi 20 février 2009

Le permafrost fond et les tournesols progressent en Russie


Le permafrost fond et les tournesols progressent vers le nord.

Le décalage pouvait faire sourire. La neige tombait à gros flocons sur Moscou, mercredi, lorsqu'Alexandre Bedritsky, le directeur du service fédéral de météorologie (Roshydromet), a présenté son rapport sur le réchauffement climatique. Et pourtant, le constat est clair : au cours du siècle écoulé (1907-2006), la température en Russie a augmenté de 1, 29 °C, soit 1, 7 fois plus que dans l'ensemble du monde. C'est en hiver que le thermomètre a le plus grimpé. Bien que la variabilité interannuelle empêche de lier scientifiquement un épisode ponctuel au phénomène du réchauffement global, les Moscovites qui n'ont pratiquement pas vu de neige cet hiver avant Noël perçoivent cette évolution. Le mois de décembre s'est hissé 4, 3 °C au-dessus des normales saisonnières et 2008 est l'année la plus chaude dans l'histoire de la capitale russe.

Le rapport de Roshydromet réalisé avec le concours de l'Académie des sciences dresse un bilan du réchauffement à travers toute la Russie et dessine des perspectives. Bien sûr, dans le plus vaste pays du monde, qui s'étend des rives plantées de palmiers de la mer Noire jusqu'à la toundra, les situations régionales sont très contrastées. Cette réalité n'empêche pas le document officiel de donner de grandes tendances nationales.

Ainsi, le pergélisol (ou permafrost), cette couche du sol gelé depuis des millénaires parfois jusqu'à des dizaines de mètres de profondeur, qui couvre 60 % du territoire russe, commence à fondre. La « zone active » du permafrost, couche superficielle qui fond chaque année en été, a tendance à s'approfondir. C'est ce qu'observait Trofim Maximov, un chercheur rencontré par Le Figaro en Iakoutie, immense région de Sibérie : « Dans les années 1960, la zone active avait 60 centimètres d'épaisseur, aujourd'hui, 2 mètres. »

Libération de gaz à effet de serre

Selon le rapport présenté hier, la limite méridionale du pergélisol, en Sibérie occidentale, devrait progresser de 30 à 80 km vers le nord dans les vingt prochaines années. En fondant, le permafrost va libérer des gaz à effet de serre. Autrement dit, une conséquence du réchauffement contribue à son tour à l'alimenter. C'est ce que les savants appellent une « rétroaction positive ». Outre le méthane, la toundra libérera du dioxyde d'azote, gaz à effet de serre jusqu'à présent négligé dans cet écosystème. Selon une toute récente étude finlandaise (2), ce gaz pourrait ajouter 4 % au potentiel calorique estimé des émissions de méthane de l'Arctique.

Le rapport russe évoque aussi la mesure du changement climatique à travers l'observation de la faune et la flore. Un exemple parmi d'autres : les premières feuilles du bouleau commun apparaissent au printemps quatre jours plus tôt qu'il y a trente ans dans la région de Moscou, et jusqu'à huit jours plus tôt, plus au nord, dans la vallée de la Volga, à Iaroslav.


Au chapitre de l'impact du réchauffement, le rapport, destiné notamment aux pouvoirs publics, évoque les risques de sécheresse ici, d'inondations là. Mais il n'oublie pas les conséquences positives du réchauffement russe. La perspective d'une meilleure navigabilité dans l'océan Arctique, de plus en plus longtemps libéré de la banquise, est un phénomène connu de tous. Moins souvent évoquées sont les perspectives pour l'agriculture.

La zone cultivable devrait s'étendre « considérablement » et de nombreuses variétés étendre leur territoire vers le nord, comme le tournesol tardif, qui devrait s'approcher d'une ligne Moscou-Tcheliabinsk. En 2015, le chauffage (encore très largement collectif dans toutes les villes de Russie et source d'énormes gaspillages) devrait être allumé trois à cinq jours de moins par rapport à 2000. Le climat donnera ainsi un petit coup de pouce au président Medvedev qui s'est engagé à réduire la consommation énergétique de 40 % d'ici à 2020.

(2) Nature Geoscience, 15 février 2009.

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