Quoi de plus difficile, en paléontologie, que
d'identifier sans équivoque des bactéries fossiles ? Des
paléontologues de Géosciences Rennes (CNRS-INSU, Rennes
I), en collaboration avec un microbiologiste du laboratoire
Ecosystèmes, biodiversité, évolution (CNRS-INEE,
Rennes I) viennent pourtant de révéler la présence
de cyanobactéries (algues bleues) datant de 100 millions
d'années dans de l'ambre fossile provenant des gisements de
Charente Maritime. Une étude qui vient de paraître dans
Journal of Paleolimnology
Les cyanobactéries ont été parmi les tout premiers
organismes à se développer sur Terre, il y a plus de 2
milliards d'années. Elles sont encore aujourd'hui très
présentes dans les écosystèmes actuels formant des
colonies filamenteuses. Pourtant, les traces fossiles de leur existence
sont rares et généralement difficiles à mettre en
évidence. En révéler demande des
précautions particulières, notamment afin de
différencier les bactéries réellement fossiles des
bactéries actuelles qui polluent les roches anciennes. C'est
dans un milieu exceptionnel pour leur développement et leur
conservation, des résines fossiles (ambre) du milieu du
Crétacé (95 à 100 millions d'années), qui
ont par ailleurs déjà révélé une
incroyable richesse d'organismes fossiles (insectes, araignées,
...), que les auteurs de l'article ont observé et
identifié des cyanobactéries.
Pour éviter
toute pollution microbiologique récente, voire actuelle, de la
résine fossile, chaque échantillon étudié a
subi un traitement spécial afin d'éliminer les
contaminants inorganiques (tels que des diatomées) et les
contaminants organiques, en particulier toute trace d'incrustation par
des bactéries ou du mycelium actuels. Malgré ces
traitements corrosifs, l'ambre n'a pas été détruit
et de nombreux microorganismes pris dans la résine ont pu
être observés, tels que les cyanobactéries
identifiées comme appartenant à une espèce
disparue, Palaeocolteronema cenomanensis.
Les cyanobactéries se sont installées et
développées à la périphérie des
coulées de résine alors que celles-ci étaient
encore relativement fraîches et non durcies, formant des
filaments qui ont envahi chaque nodule d'ambre. Leur grande abondance
en a modifié l'aspect. S'est ainsi développée une
croûte laiteuse blanche ou beige, parfois d'aspect
plâtreux, sur des coulées de résine dont le coeur,
dépourvu de cyanobactéries, a conservé son aspect
translucide et coloré.
Plus précisément les filaments cyanobactériens ont
eu une croissance centripète dans la résine avant que
celle-ci ne durcisse, entre le début de la coulée
résineuse et sa fossilisation sous forme d'ambre. Ces
cyanobactéries, quasi contemporaines de la production de
résine qui a donné l'ambre, sont donc bien fossiles.
Cette découverte montre que ces micro-organismes utilisaient des
résines végétales pour se développer,
à la fois comme simple support de croissance mais aussi peut
être comme substance nutritive.
Enfin,
s'il est une chose que les paléontologues ne peuvent que
supposer, c'est bien la couleur des fossiles. Les cyanobactéries
découvertes dans les ambres charentais vieux de 100 millions
d'années dérogent à cette règle. En effet,
certains filaments fossiles ont conservé leur couleur d'origine,
légèrement bleutée. Des mesures en laboratoire,
à l'aide d'une sonde détectant les pigments bleus, ont
montré que cette couleur est bien due à de la
phycocyanine, pigment caractéristique des cyanobactéries
(organismes appelés autrefois "algues bleues").
Ainsi,
l'ambre apparaît comme une piste prometteuse pour des recherches
en paléomicrobiologie, un domaine encore très peu
exploré.
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