Des Français ont pour la première fois décrypté une partie de l'ADN d'ours vieux de 32 000 ans.
Les ours des cavernes de la grotte Chauvet ont commencé à parler. Ils ont confirmé qu'ils vivaient là il y a bien 32 000 ans et occupaient la grotte en alternance avec les hommes en fonction des saisons. Ces hommes préhistoriques y ont peint un fantastique bestiaire de plus de 420 animaux - des chevaux, des lions, des rhinocéros, des panthères… - faisant ainsi de cette caverne, après sa découverte en 1994 par trois spéléologues près de Vallon-Pont-d'Arc, dans la vallée de l'Ardèche, la plus ancienne et la plus précieuse des grottes ornées de la préhistoire. Donnant du même coup des années de travail à une équipe pluridisciplinaire de scientifiques.
Parmi eux, une équipe de l'institut de biologie et technologies du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) à Saclay (Essonne) et du CNRS, s'est intéressée aux très nombreux ossements d'ours. «Nous sommes des privilégiés. Car pénétrer dans cette grotte aux dimensions imposantes est à chaque fois un moment magique», reconnaît Jean-Marc Elalouf, responsable de l'équipe scientifique. Impression partagée par l'un de ses techniciens d'alors, Nicolas Caudy : «L'émotion est forte. D'autant que les fresques ont l'air toutes fraîches.»
«Arbre généalogique précis»
Mais eux, ils sont là pour les ossements. «Comme pour les peintures, les très bonnes conditions de conservation régnant dans la grotte ont préservé les ossements, en grande majorité d'ours des cavernes, et nous avons pu en trouver avec des restes organiques importants», explique Jean-Marc Elalouf.
L'ours des cavernes, qui pouvait mesurer jusqu'à 3,5 mètres et peser de 400 à 600 kg, est appelé ainsi parce que pratiquement tous les restes que l'on connaît de lui ont été découverts au fond de cavernes. C'est là qu'il passait la saison froide en semi-hibernation. Végétarien, il n'avait pas tous les ans la chance de pouvoir constituer des réserves suffisantes pour survivre aux longues périodes de froid. D'où les nombreux squelettes au fond des grottes.
Des échantillons des ossements de la grotte Chauvet ont donc été rapportés en laboratoire et datés au carbone 14 (à 32 000 ans). La totalité de l'ADN dit mitochondrial, - car il réside dans les mitochondries des cellules, ces petites usines miniatures de production d'énergie - a pu être analysée et séquencée. Trois ans de travail qui sont présentés dans un article paru cette semaine dans les Pnas.
«C'est la première fois que l'on a accès à la totalité d'un tel ADN, souligne Jean-Marc Elalouf. Ce qui nous a permis d'établir un arbre généalogique des ours très précis. » Conclusion, l'ours moderne le plus proche de l'ours des cavernes, disparu il y a quelque 15 000 ans, est bien l'ours brun. Et leur ancêtre commun vivait il y a 1,6 million d'années.
L'une des prochaines étapes de ces travaux pourrait être d'essayer de recueillir un autre type d'ADN, celui du noyau des cellules. Mais il est beaucoup plus long que l'ADN mitochondrial et sera sans doute très abîmé, victime lui aussi de toutes sortes de contaminations. «Mais nous pourrions sans doute réussir quelques analyses très intéressantes, estime Jean-Marc Elalouf. Comme par exemple identifier le sexe des animaux. Y avait-il plus de femelles que de mâles ? En quelles proportions ?» Les ours des cavernes ont encore bien des histoires à nous raconter.
Source:le figaro
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