jeudi 11 septembre 2008

Des physiciens fous avec Le LHC!


Des physiciens fous, fous, fous
A force d’imaginer toutes sortes d’univers parallèles sans pouvoir proposer d’expériences vérifiant leurs hypothèses, certains théoriciens finissent par confondre science et science-fiction.
Si l’on en croit certains mathématiciens russes, 2008 sera une année mémorable. Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, peut-être verrons-nous l’humanité créer sans le vouloir sa première machine à voyager dans le temps et peut-être verrons-nous débarquer nos premiers visiteurs du futur – lesquels se déplaceront en voiture volante et porteront à tous les coups des combinaisons argentées, comme l’impose la mode du futur-fiction.

Ces théoriciens spéculent que, lors de l’inauguration, tant retardée, du grand collisionneur de hadrons (LHC), à la frontière franco-suisse, les scientifiques et notables assemblés pourraient avoir la surprise de leur vie. Car, grâce à quelque vague probabilité rôdant au large des rivages les plus fous de la physique, le LHC pourrait se muer en machine à voyager dans le temps et pourrait plus précisément devenir l’extrémité d’une “courbe fermée du genre temps” reliée au futur. Ou, pis encore, il accoucherait d’une étrange particule subatomique baptisée “strangelet”, capable d’engloutir l’Univers entier. Voilà les histoires qui circulent en physique et en cosmologie ces temps-ci. Autrefois, ce n’était qu’affaire de calculs purs et durs et de décalage vers le rouge de galaxies, sujets a priori déjà bien assez impressionnants comme ça.
Tout cela a-t-il seulement un lien quelconque avec la réalité ? Ou le monde de la physique serait-il coupable de chercher à se rendre plus glamour, s’éloignant du domaine des données vérifiables pour croiser dans l’univers plus abordable de la pornographie scientifique ? Outre les machines à voyager dans le temps accidentelles, on nous inflige les cordes cosmiques, gigantesques filaments de superchose qui tordent et déchirent l’espace-temps comme filerait une paire de collants célestes, et les branes qui s’entrechoquent, blocs mathématiques titanesques qui donnent naissance au big bang dans l’univers ekpyrotique délicieusement exotique de Neil Turok [l’un des fondateurs de la théorie des cordes].
Ça ne vous paraît pas encore assez dingue ? Et les multivers ? En 2007, l’astronome royal Martin Rees nous a régalés d’une conférence sur la possibilité – la probabilité, même – de mondes multiples. Une infinité de réalités parallèles existant dans une superréalité colossale à côté de laquelle notre conception de l’Univers est à peu près aussi insignifiante qu’un moustique sur le derrière d’un éléphant. Ne vous méprenez pas, j’adore les univers parallèles. J’aime l’idée qu’à dix puissance dix puissance dix puissance cent années-lumière d’ici se trouve un autre moi, assis devant son ordinateur, en train d’écrire ce même article dans un monde qui est exactement le même que le mien, sauf que le levier de vitesses de sa Honda Accord est d’un ton de gris légèrement différent. Et j’adore l’idée que chaque fois qu’une particule subatomique se balade, toute une création est déclenchée. Oubliez les chats à demi-morts dans des boîtes, là, nous évoquons des mondes où Hitler a gagné la Seconde Guerre mondiale, ou qui n’ont pas connu Hitler, ni de Seconde Guerre mondiale, ni aucune Honda Accord.
Il est quand même amusant d’apprendre que des scientifiques sérieux considèrent que les fabuleuses réalités alternatives des romans de ­Philip Pullman [édités en France chez ­Gallimard, voir p. 37] pourraient représenter une description exacte de la réalité (car, dans un multivers de dimensions et de portée infinies, il y aura, en d’autres lieux et d’autres temps, un monde où une petite fille du nom de Lyra se liera d’amitié avec un ours polaire parlant et où les âmes des gens prendront la forme d’animaux familiers). Amusant, certes, mais est-ce si inoffensif ? Les scientifiques – et les gens comme moi qui soutiennent la science – ne demandent pas mieux que de déverser leur mépris sur les astrologues, les homéopathes, les cinglés des ovnis et autres crop circles, voire sur la brigade des défenseurs de la Création en seulement sept jours, qui croient tous béatement et sans l’ombre d’un début de preuve à des balivernes avant même d’avoir pris leur petit déjeuner. Montrez-nous des données vérifiables, déclarons-nous à ces âmes perdues. Où sont vos expériences ? Et que dire du rasoir ­d’Occam, ce principe qui veut qu’une explication soit aussi simple que possible ? Le jardin est déjà bien assez beau, assurons-nous, sans qu’il soit besoin de le peupler de fées.
Le danger, c’est que, sur les rives les plus sauvages de la physique, ces critères ne sont souvent pas respectés non plus. Pour l’heure, aucune observation ne prouve l’existence de cordes cosmiques. Difficile de lancer une expérience sur un multivers. En ce sens, certaines de ces idées ne sont pas si éloignées, conceptuellement, des soucoupes volantes et de l’homéopathie. Si nous sommes prêts à rejeter les fantômes comme étant, disons, grotesques sous prétexte que, d’une part, nous ne disposons d’aucune preuve par l’observation de leur existence et que, d’autre part, leur existence même nous obligerait à tout repenser, le même argument ne s’applique-t-il pas aux univers simulés et aux machines à voyager dans le temps ? Ne nous rendons-nous pas coupables de préjugés envers certaines idées improbables au profit d’autres ? Pour croire aux fantômes, il faut un tout autre état d’esprit que pour défendre des mondes parallèles ou des cordes cosmiques. Mais pensons-nous que des voyageurs temporels vont débarquer au LHC ? Ou bien ne sommes-nous pas, nous aussi, en train de voir des fées tout au fond du jardin ?
Source:courrierinternational.com

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