Les 22 films en compétition du 61e Festival de Cannes ont à présent tous été projetés et il ne reste plus qu'à attendre dimanche soir pour connaître quels seront les heureux élus d'un palmarès sur lequel les conjectures vont bon train comme à l'accoutumée.
Le jury présidé par l'acteur-réalisateur américain Sean Penn n'aura pas la tâche facile a priori : le cru 2008 est bon sans être exceptionnel ; il comporte des films importants en petit nombre, comme toujours, plusieurs d'un niveau honorable et quelques curiosités dont on se demande toujours après coup ce qu'elles font là.
Si l'on se réfère aux chouchous de la presse, qu'elle soit française ou internationale, le nombre de prétendants à la Palme d'or s'est considérablement réduit.
La revue Screen, dont l'édition quotidienne a cessé de paraître vendredi, consacre, d'une courte tête, "Les trois singes", du cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan.
C'est la troisième fois que ce dernier monte les marches du Palais des Festivals pour tenter de conquérir la Palme. "Uzak" (Distant) obtint le Grand Prix à Cannes en 2003 et "Les Climats" étaient en compétition en 2006.
Quatre autres longs métrages le suivent de près : "24 City", du Chinois Jia Zhangke, "Le Silence de Lorna", des frères Jean-Pierre et Luc Dardenne, "Valse avec Bachir", de l'Israélien Ari Folman, et "L'Echange", de Clint Eastwood.
Cette courte liste recoupe très partiellement celle de la critique française, qui elle continue de préférer à tous les autres "Un conte de Noël", d'Arnaud Desplechin. "Le silence de Lorna" est également bien placé et vient ensuite "L'Echange" mais d'assez loin.
Quant aux derniers films de la compétition présentés samedi, "Rendez-vous à Palerme", de Wim Wenders et "Entre les murs", de Laurent Cantet, le premier n'est pas noté, alors que le second l'est moyennement par la critique française, même s'il s'est assuré un beau succès durant, précisément, les projections de presse.
VERS UN TRIPLÉ HISTORIQUE?
Par le biais d'un vrai-faux documentaire, genre en vogue cette année à Cannes, Jia Zhangke évoque les mutations industrielles de la Chine contemporaine, tandis que les frères Dardenne dressent une fois de plus des portraits individuels saisissants et sans condescendance morale de gens qui font ce qu'ils peuvent, comme ils le peuvent.
Déjà récompensés à deux reprises - "Rosetta" en 1999 et "L'Enfant" en 2005 - tout le monde se demande évidemment s'ils réaliseront un triplé historique.
"Valse avec Bachir" est un documentaire, en partie fictionnalisé, et qui, étonnamment, emploie le biais de l'animation pour exhumer les souvenirs enfouis d'un soldat israélien témoin indirect des massacres de Sabra et Chatila.
Dans "L'Echange", fondé sur des faits réels, Clint Eastwood retrace le combat d'une mère (Angelina Jolie) pour, sinon obtenir la vérité sur le sort de son enfant, du moins éradiquer les mensonges qu'une police corrompue veut la forcer à gober. "Un conte de Noël", d'Arnaud Desplechin, rassemble les membres épars d'une même famille pour désigner lequel pourra donner sa moelle épinière à la mère, grand-mère ou tante interprétée par Catherine Deneuve.
SE FAIRE ENTENDRE
Les thèmes abordés ont été comme souvent très divers mais encore plus peut-être cette année. Il y eut les mères courage (Leonera et L'Echange) et un père courage (My Magic, du cinéaste de Singapour Eric Khoo), les histoires d'amour impossibles (Two Lovers et La frontière de l'aube) ainsi que les secrets de famille inavoués ou inavouables (Trois singes, Un conte de Noël, Adoration).
La compétition a aussi intégré des films engagés politiquement (Gomorra, Il Divo), ou comportant un contexte politique lourd (Valse avec Bachir), le "Che" de Soderbergh ne pouvant être considéré comme un film politique proprement dit, mais plus comme une fresque dédiée à une figure charismatique.
Pour certains des longs métrages, l'arrière-plan était plus social que politique (Linha de Passe, Entre les murs, Le Silence de Lorna).
En définitive, la cinquantaine de films de la sélection officielle, sans compter la Semaine de la Critique et la Quinzaine des Réalisateurs, aura comme toujours donné un instantané de l'état de l'inspiration du cinéma mondial.
Mais même dans un lieu comme Cannes, voué aussi bien à faire découvrir des cinématographies nouvelles qu'à faire défiler les stars par myriades sur le tapis rouge, il n'est pas toujours facile de se faire entendre lorsque l'on n'est pas connu.
Il suffit à cet égard de voir comment la salle des conférences de presse est pleine à ras-bord lorsqu'elle accueille l'équipe d'un film américain - sauf si le réalisateur américain en question a fait un " film maudit ", comme Jennifer Lynch, la fille de David - et comment on y trouve très facilement une place lorsqu'il s'agit de tout autre film.
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