A Polignac, la grotte Sainte-Anne, connue depuis quelques décennies, fait l'objet depuis 2006 d'une nouvelle campagne de fouilles programmées. Cette année, le chantier s'est déroulé au mois d'août, toujours sous la conduite de Jean-Paul Raynal, maître de recherche au CNRS. « C'est difficile d'avoir du monde en juillet. Les chantiers prestigieux pompent les gens, regrette le scientifique, mais ceux qui viennent découvrent une région riche pour l'archéologie ».
Les fouilles sont programmées jusqu'en 2010. Le mois dernier, on a exploré les niveaux J2 afin de pouvoir présenter un aperçu des unités inférieures, des couches âgées d'environ 150 000 ans qui confirment ce que l'on savait déjà. « Les faunes retrouvées, renne, cheval, bison, mammouth, ours… montrent le caractère très froid du climat. Pour le moment, nous n'avons découvert de nouvelles espèces ». Côté matériels, pas mal de silex, des quartz, de la phonolite, beaucoup de grands objets, mais pas de biface. Autre confirmation, la grande mobilité des chasseurs néandertaliens. « On a du silex du bas Beaujolais, du Puy-de-Dôme, du Malzieu… Cela prouve un système complexe d'utilisation du territoire, qui d'ailleurs est mise en évidence un peu partout en Europe, avec des occupations en plaine et moyenne montagne. »
Aujourd'hui, la « récolte » 2009 a rejoint l'Archéo-logis de Laussonne pour être étudiée jusqu'à fin septembre par des étudiants de différentes universités et quelques spécialistes. Après le lavage, chaque objet est marqué, étiqueté et répertorié en plan, des opérations qui occupent plusieurs étudiants deux heures par jour. « Tout le matériel est étudié sur place », précise Carmen Santagata, de l'université de Rome, une spécialiste de l'industrie lithique dont le rôle est d'identifier chaque objet. Dans une autre pièce, jamais loin d'une loupe binoculaire, on retrouve Camille Daujeard, archéozoologue, qui recherche les traces des activités des hommes sur les os, et Jean-Luc Guadelli, paléontologue. Lui, son rôle, c'est d'identifier la faune retrouvée à Saint-Anne. Enfin, Guy Kieffer, étudie la matière première volcanique, et Paul Fernandez, pétro-archéologue, l'origine des silex. Ce dernier a constitué depuis 1978 un inventaire, une « lithotèque », des gisements de silex à l'échelle interrégionale.
« J'établis une carte d'identité de tous les silex trouvés à Sainte-Anne. Dans 95 % des cas, je peux déterminer l'origine d'une pièce. » Des travaux qui intéressent particulièrement Jean-Paul Raynal car ils démontrent une utilisation rationnelle du territoire et de ses ressources par les chasseurs néandertaliens, permettant d'avoir un regard nouveau sur cet homme préhistorique.
Christophe Teyssier
REPERES
Les pierres parlent
A Sainte-Anne, c'est essentiellement grâce à la lecture des pierres (NDRL : l'industrie lithique) que les scientifiques échafaudent des problématiques. Le site renferme quasiment tous les produits passés par la main de l'homme de Néandertal, du galet au déchet de taille, en passant par les objets façonnés, tel le biface. D'où l'importance, lors de la fouille, de ne rien laisser de côté, chaque « caillou » ayant son importance. Du coup, en profondeur, seulement 10 centimètres de couche ont été explorés en moyenne en un mois. « Il y a une quantité de petits vestiges. Il faut bien comprendre les perturbations qui sont liées aux animaux, et ce qui est du fait de l'homme pour pouvoir tout réinterpréter », explique Jean-Paul Raynal.
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