vendredi 20 mars 2009

Les animaux furent punis par la justice au Moyen age

Curiosités judiciaires et historiques du Moyen Age


Le théologien Félix Malléolus, vulgairement appelé Hemmerlin, qui vivait un siècle avant Chasseneuz et qui avait publié un traité des exorcismes (53), s'était également occupé, dans la seconde partie de cet ou­vrage, de la procédure dirigée contre les animaux. Il parle d'une ordonnance rendue par Guillaume de Sa­luces, évêque de Lausanne, au sujet d'un procès à intenter contre les sangsues, qui corrompaient les eaux du lac Léman et en faisaient mourir les poissons. Un des articles de cette ordonnance prescrit qu'un prêtre, tel qu'un curé, chargé de prononcer les malédic­tions, nomme un procureur pour le peuple ; que ce procureur cite, par le ministère d'un huissier, en pré­sence de témoins, les animaux à comparaître, sous peine d'excommunication, devant le curé à jour fixe. Après de longs débats cette ordonnance fut exécutée le 24 mars 1451, en vertu d'une sentence que l'official de Lausanne prononça, sur la demande des habitants de ce pays, contre les criminelles sangsues, qui se retirèrent dans un certain endroit qu'on leur avait assigné, et qui n'osèrent plus en sortir



Le même auteur rend compte aussi d'un procès intenté dans le treizième siècle contre les mouches can­tharides de certains cantons de l'électorat de Mayence, et où le juge du lieu, devant lequel les cultivateurs les avaient citées, leur accorda, attendu, dit-il, l'exiguïté de leur corps et en considération de leur jeune âge (54), un curateur et orateur, qui les défendit très dignement et obtint qu'en les chassant du pays on leur assignât un terrain oû elles pussent se retirer et vivre convenablement. « Et aujourd'hui encore, ajoute Félix Malléo­lus (55), les habitants de ces contrées passent chaque année un contrat avec les cantharides susdites et aban­donnent à ces insectes une certaine quantité de ter­rain, si bien que ces scarabées s'en contentent et ne cherchent point à franchir les limites convenues. »

L'usage de ces mêmes formes judiciaires nous est encore révélé dans un procès intenté, vers 1587, à une espèce de charançon (le rynchites auralus) qui dé­solait les vignobles de Saint-Julien, près Saint-Julien de Maurienne. Sur une plainte adressée par les habi­tants à l'official de l'évêché de Maurienne, celui-ci nomma un procureur aux habitants et un avocat aux insectes, et rendit une ordonnance prescrivant des processions et des prières, et recommandant surtout le payement exact des dîmes. Après plusieurs plaidoiries, les habitants, par l'organe de leur procureur, firent offrir aux insectes un terrain dans lequel ils devraient se re­tirer sous les peines de droit. Le défenseur des insectes demanda un délai pour délibérer, et les débats ayant été repris au bout de quelques jours, il déclara, au nom de ses clients, ne pouvoir accepter l'offre qui leur avait été faite, attendu que la localité en question était stérile et ne produisait absolument rien ; ce que nia la partie adverse. Des experts furent nommés. Là s'arrêtent malheureusement les pièces connues du procès, et l'on ignore si l'instance fut reprise et quelle décision pro­nonça l'official (56). Mais ces détails, réunis à ceux que nous avons donnés précédemment, suffisent pour mon­trer quelles étaient, il y a trois siècles, les formes suivies dans ces singulières procédures.


Nous n'avons pas besoin de nous étendre sur les motifs qui avaient déterminé l'Église à employer l'excommunication contre les animaux. On comprend quel avantage ce moyen pouvait offrir au clergé, d'un côté par l'influence qu'il exerçait sur l'esprit timide et cré­dule des populations alors ignorantes et superstitieu­ses ; d'un autre côté par le résultat pécuniaire, qui était toujours le but occulte de ses persévérants efforts. Toutefois, après plusieurs siècles, et grâce à la diffu­sion des lumières, ces pratiques vicieuses cessèrent, et on vit enfin disparaître ces abus de l'excommuni­cation également contraires à la sublime morale de l'Évangile et aux vrais principes de la foi catholique.

Mais poursuivons nos investigations.


La première excommunication fulminée contre les animaux remonte au douzième siècle. En effet Saint-Foix, dans ses Essais historiques sur Paris , nousapprend que l'évêque de Laon prononça en 1120 l'excommunication contre les chenilles et les mulots, à raison du tort qu'ils faisaient aux récoltes. De la part des tribunaux ecclésiastiques, l'usage de faire des procès aux insectes ou autres animaux nuisi­bles à la terre et de fulminer contre eux l'excommuni­cation, était en pleine vigueur au quinzième et au sei­zième siècle.
Voici, par ordre de dates, plusieurs sentences rela­tives à notre sujet :
Sentence prononcée en 1451 par l'official de Lausanne contre les sangsues du lac Léman .

Sentence rendue à Autun le vendredi 2 mai 1480 contre les hurebers (insectes plus gros que les mou­ches), en faveur des habitants de Mussy et de Pernan, par les vicaires généraux d'Antoine de Châlon, évêque d'Autun, par laquelle il est enjoint aux curés de la lire en chaire et de répéter l'excommunication donec appa­reat effectus .

Sentence rendue contre les limaces le 6 septembre 1481 par Jehan Noseret, chanoine de Beaujeu, chantre de Mâcon et vicaire général du cardinal Philibert Hugonet, évêque de Mâcon, dans laquelle on cite l'exemple de saint Mammet, évêque de Vienne, qui conjura de cette manière certains diables qui avaient pris la figure de loups et de porcs et qui dévoraient les enfants jusque dans les rues de la ville .

Sentence des grands vicaires de Jean Rollin, cardinal évêque d'Autun, donnée à Mâcon le 17 août 1487. Informés que les limaces dévastent depuis plus d'un an plusieurs terres du diocèse, ces vicaires mandent aux curés de faire des processions générales pendant trois jours sur leurs paroisses, et d'y enjoindre aux limaces de vider leur territoire sous un semblable délai, sinon de les maudire .

Sentence des grands vicaires d'Antoine Cabillon, évêque d'Autun, donnée à Autun le 2 mai 1488. Sur la requête présentée par plusieurs paroisses des environs de Beaune, les grands vicaires mandent aux curés d'enjoindre, pendant les offices ou les processions, aux urebers de cesser leurs ravages, ou de les excommunier .

Sentence du grand vicaire de l'église de Mâcon, donnée à Beaujeu le 8 septembre 1488, sur les plaintes de plusieurs paroissiens. Même mandat aux curés de faire trois invitations aux limaces de cesser leurs dé­gâts, et faute par elles d'obtempérer à cette injonction, de les excommunier .
Sentence d'excommunication prononcée par le juge ecclésiastique dans les premières années du seizième siècle, contre les sauterelles et les bruches (becmares) qui désolaient le territoire de Millière en Cotentin, et qui dès lors périrent toutes .

Sentence de l'official de Troyes en Champagne, du 9 juillet 1516. « En cette année les habitants de Ville­nauxe, au diocèse de Troyes, présentent requête à l'official de cette ville, disant qu'ils sont excessivement incommodés depuis plusieurs années par des chenilles qu'ils appelaient hurebets : Adversus bruchos seu erucas, vel alia non dissimilia ANIMALIA gallice hurebets. Ce juge ecclésiastique ordonne d'abord, sur les conclu­sions du promoteur, une information et une descente de commissaires, qui reconnurent que les dommages causés par les animaux dont on se plaignait étaient très-considérables : sur quoi première ordonnance qui enjoint aux habitants de corriger leurs moeurs. Bientôt une nouvelle requête dans laquelle ceux-ci promettent de mener une meilleure conduite. Seconde ordonnance de l'official, qui enjoint aux hurebets de se retirer dans six jours des vignes et territoires de Villenauxe, même de tout le diocèse de Troyes, avec déclaration que si dans le terme prescrit ils n'obéissent pas, ils sont dé­clarés maudits et excommuniés. Au surplus enjoint aux habitants d'implorer le secours du ciel, de s'abstenir d'au­cuns crimes, et de payer sans fraude les dîmes accoutu­mées.
« Procès intenté en 1585 aux chenilles du diocèse de Valence. Ces chenilles s'étaient tellement multipliées en cette année dans cette contrée, que les murailles, les fenêtres et les cheminées des maisons en étaient couvertes, même dans les villes. « C'était, dit Chorier, une vive et hideuse représentation de la plaie d'Égypte par les sauterelles. Le grand vicaire de Valence les fit citer devant lui ; il leur donna un procureur pour se défendre. La cause fut plaidée solennellement ; il les condamna à vider le diocèse, mais elles n'obéirent pas. La justice humaine n'a pas d'empire sur les instruments de la justice de Dieu.
« Il fut délibéré de procéder contre ces animaux par anathème et par imprécation et, comme l'on parlait, par malédiction et par excommunication. Mais deux théologiens et deux jurisconsultes ayant été consultés, ils firent changer de sentiment au grand vicaire, de sorte que l'on n'usa que d'abjuration, de prières et d'asper­sion d'eau bénite. La vie de ces animaux est courte, et la dévotion ayant duré quelques mois, on lui attribua la merveille de les avoir exterminés . »


Un savant théologien qui vivait au seizième siècle, Navarre, dont le vrai nom était Martin Azpilcueta, rapporte qu'en Espagne un évêque excommunia du haut d'un promontoire les rats, les souris, les mouches et autres animaux semblables qui dévastaient les blés et autres fruits de la terre , leur commandant de sortir du pays dans trois heures pour tout délai, et qu'au même instant la plupart de ces animaux s'enfuirent à la nage dans une île qui leur avait été désignée, se faisant un devoir d'obéir au commandement de l'évêque .
Ainsi, d'après le texte des diverses sentences que nous venons de rapporter, l'excommunication était or­dinairement précédée de monitions, c'est-à-dire d'aver­tissements donnés aux animaux de cesser leurs dégâts ou de quitter le pays. Ces monitions étaient faites par les curés des paroisses. Le plus souvent elles étaient au nombre de trois ; entre chacune desquelles on laissait deux jours d'intervalle. Quelquefois aussi on se conten­tait d'une seule monition, ce qui d'ailleurs est autorisé par le droit canon, lorsqu'il s’agit d'une affaire extraor­dinairement pressée.

Mais comme il arrivait fréquemment que les monitions ne produisaient pas l'effet qu'on pouvait en espé­rer, et que les animaux, malgré ces avertissements, persistaient à rester dans les lieux dont on demandait à ce qu'ils sortissent, l'excommunication était définiti­vement prononcée.

Dans le dix-septième siècle on ne rencontre plus que quelques rares procès intentés parles officialités contre les animaux ; c'est qu'en effet l'Église, à cette époque, avait presque renoncé à ces ridicules procédures ; aussi voit-on alors dans les règlements des différents dio­cèses de France introduire certaines prohibitions desti­nées à corriger ces abus. Ainsi par exemple, dans le rituel d'Evreux de 1606, le cardinal Duperron défend à toute sorte de personnes d'exorciser les animaux et d'user à leur occasion de prières, oraisons, etc., sans sa permission expresse et donnée par écrit : « Cavea sacerdos ne vel ipse hoc munus exerceat , neve alios ad ipsum exercendum admittat, nisi prius habita in SCRIPTIS facultate a reverendissimo Ebroicensi episcopo. »
De leur côté, les meilleurs canonistes du temps ne craignaient pas de censurer énergiquement ces excom­munications fulminées contre les animaux (69). Écoutons ce qu'écrit à ce sujet le chanoine Éveillon dans son Traité des excommunications, publié en 1651, ou­vrage qui jouit en cette matière d'une réputation mé­ritée.


Parlant de ces sortes de procès :

« J'en représenterai, dit-il (, un ici en propres termes, à ce qu'on voit comme souvent les peuples se laissent embrouiller de plusieurs erreurs et opinions absurdes auxquelles les supérieurs ecclésiastiques doi­vent prendre garde de se laisser emporter par une trop facile condescendance, sous prétexte de charité ; car de cette trop grande facilité naissent souvent des coutumes préjudiciables à la foi et à la religion, qu'il est certainement difficile d'extirper par après sans grand scandale et désordre ; les peuples s'opiniâtrent à toute extrémité à défendre des superstitions et abus publics pour ce qu'ils croyent que ce sont des sainctes sentences de la piété de leurs ancêtres, desquels ils révèrent la mémoire, principalement quand il y a intérêt à leur profit. »
Après avoir rapporté en son entier le texte de la sen­tence du 9 juillet 1516, sentence que nous avons men­tionnée ci-dessus, le même auteur continue en ces termes :

« Voici donc un échantillon de la fausse piété des peuples à laquelle les supérieurs ecclésiastiques se sont laissé décevoir. Ils étaient si simples que de faire le pro­cès à ces bestioles pour les formes, les citer, leur don­ner un advocat pour les défendre, faire des enquêtes des dommages par elles faits et autres semblables. Puis ils conjuraient les divers animaux, leur déclarant qu'ils eussent à sortir de tout le territoire et se transporter en lieu où ils ne puissent nuire. Si le mal ne cessait par cette conjuration, le juge ecclésiastique prononçait sen­tence d'anathème et de malédiction, dont il adressait l'exécution aux curés, prêtres et habitants, les conviant de faire pénitence de leurs péchés, pour punition desquelles Dieu envoie ordinairement telles calamités. »
« C'est une chose certaine en théologie, ajoute ce ca­noniste , qu'il n'y a que l'homme baptisé qui puisse être excommunié. »


Après quelques développements sur ce point, Eveil­lon finit par conclure que les animaux ne peuvent être excommuniés, qu'on peut seulement les exorciser ou adjurer dans les termes et suivant les cérémonies prescrites, sans superstition et sans observer comme autrefois une ridicule poursuite suivie d'une sentence d'anathème et de malédiction
Dulaure signale encore l'existence d'un procès intenté, dans les premières années du dix-huitième siècle, contre les chenilles qui désolaient le territoire de la petite ville de Pont-du-Château, en Auvergne. Un grand vicaire, appelé Burin, excommunia ces chenilles et renvoya la procédure au juge du lieu, qui rendit une sentence contre ces insectes et leur enjoignit solennel­lement de se retirer dans un territoire inculte qui leur était désigné.
Ces procédures n'étaient pas seulement suivies en Europe, mais leur usage s'était propagé jusqu'en Amé­rique. On y fulminait l'excommunication contre des oiseaux et contre des insectes.

Le baron de la Hontan, qui, vers la fin du dix-sep­tième siècle, passa de longues années au Canada, ra­conte que « le nombre des tourterelles était si grand dans ce pays, que l'évêque avait été obligé de les ex-communier plusieurs fois pour le dommage qu'elles fai­saient aux biens de la terre »


Nous trouvons aussi l'excommunication pratiquée au Brésil contre des fourmis ou cabas. Nous y voyons au commencement du dix-huitième siècle les religieux du monastère de Saint-Antoine intenter une action en vio­lation de propriété contre ces insectes, afin de les faire, sous peine d'excommunication, déguerpir des lieux qu'ils avaient envahis. Le Père Manoel Bernardes, dans sa Nova Floresta a donné la relation de ce singu­lier procès. Nous croyons intéressant de mettre sous les yeux du lecteur ce curieux document, transmis par cet écrivain portugais. En voici la traduction exacte :


« Procès extraordinaire qui a eu lieu entre les Frères mi­neurs de la province de Piedade no Maranhao et les fourmis dudit territoire.
« II est arrivé (à ce que raconte un religieux dudit or­dre et de cette province) que les fourmis, qui dans cette capitainerie sont nombreuses et très-grandes et nuisi­bles, afin d'agrandir leur empire souterrain et de grossir leurs greniers, ont de telle façon miné les caves des frères en creusant la terre sous les fondations, que le bâtiment menaçait ruine. Et, ajoutant délit à délit, elles volèrent la farine que l'on y gardait pour l'usage quo­tidien de la communauté. Comme les multitudes enne­mies étaient serrées et infatigables à toute heure de jour et de nuit,Parvula, nam exemplo est, magni formica laboris
Ore trahit quodcumque potest, alque addit acervo
Quem struit ,les religieux en vinrent à souffrir du besoin de la faim et à y chercher un remède ; et comme les moyens dont ils firent l'essai furent sans résultat, parce que l'accord dans cette multitude y fut un obstacle insurmontable, en dernier ressort, un religieux, mû par un instinct supérieur (chose que l'on peut bien croire), donna le conseil que, recourant à cet esprit d'humilité et de simplicité qui faisait que leur séraphique patriarche nommait frères toutes les créatures : frère soleil, frère loup, soeur hirondelle, etc., ils élevassent une action contre ces soeurs fourmis devant le tribunal de la divine Providence, et nommassent des procureurs tant pour les demandeurs que pour les défenderesses, et que leur prélat fût le juge qui, au nom de la suprême équité, eût connaissance du procès et décidât la cause.






« Le plan fut approuvé ; et après avoir tout disposé de la sorte, le procureur des religieux présenta une requête contre les fourmis, et comme elle fut contestée par la partie de ces dernières, il articula que les demandeurs, se conformant aux statuts de leur ordre mendiant, vivaient d'aumônes qu'ils recueillaient à grand'peine dans les habitations de ce pays, et que les fourmis, animal dont l'esprit est totalement contraire à l'Évangile, et qui était abhorré par cette raison de saint François, leur père, ne faisaient que les voler, et non-seulement procédaient en larrons fourmiliers, mais encore que par des actes de violence manifeste, elles prétendaient les expulser de leur maison et la ruiner ; et que par conséquent elles étaient tenues de donner leurs motifs, et sinon, il concluait qu'elles devaient toutes mourir de quelque peste ou être noyées par quelque inondation, ou tout au moins être pour tou­jours exterminées dans ce district.
« Le procureur du petit peuple noir, répliquant à ces conclusions, allégua avec justice pour ses clients, en premier lieu : qu'ayant reçu du Créateur le bienfait de la vie, elles avaient le droit naturel de la conserver par les moyens que le Seigneur lui-même leur avait ensei­gnés. - Item, que dans la pratique et l'exécution de ces moyens, elles servaient le Créateur en donnant aux hommes l'exemple des vertus qu'il leur a ordonnées, savoir, de la prudence en pensant à l'avenir et en éco­nomisant pour les temps de misère : Formicae populus infirmus, qui praeparat in messe cibum sibi (; de la di­ligence, en amassant en cette vie des mérites pour la vie future selon saint Jérôme : Formica dicitur strenuus quisque et providus opexarius, qui presenti vita, velut in aestate, fructus justitiae quos in aeque dans la pratique et l'exécution de ces moyens, elles servaient le Créateur en donnant aux hommes l'exemple des vertus qu'il leur a ordonnées, savoir, de la prudence en pensant à l'avenir et en éco­nomisant pour les temps de misère : , ; de la di­ligence, en amassant en cette vie des mérites pour la vie future selon saint Jérôme : ternum recipiet sibi recondit ( ;de la charité, en s'aidant. les unes les autres, quand la charge est plus grande que leurs forces : Pacis et concordiae (dit un savant) vivum exemplum formica reliquit, quae suum comparem, forte plus justo oneratum, naturali quadam charitate alle­viat ; et aussi de la religion et de la piété, en don­nant la sépulture aux morts de leur espèce, comme l'écrit Pline : Sepeliuntur inter se viventium solae, prae­ter hominem ; et que le moine Marchus a observé à l'appui de sa doctrine : Hae luctu celebri corpora de­functa deportabant (. - Item, que la peine qu'elles avaient dans leurs travaux était beaucoup plus rude que celle des demandeurs pour recueillir, parce que la charge était bien souvent plus grande que leur corps, et leur courage supérieur à leurs forces. - Item, que, en admettant qu'ils fussent des frères plus nobles et plus dignes, cependant devant Dieu ils n'étaient aussi que des fourmis, et que l'avantage de la raison compensait à peine leur faute d'avoir offensé le Créa­teur en n'observant pas les lois de la raison aussi bien qu'elles observaient celles de la nature ; c'est pourquoi ils se rendaient indignes d'être servis et secourus par aucune créature, car ils avaient commis un plus grand crime en portant atteinte de tant de façons à la gloire de Dieu, qu'elles ne l'avaient fait en dérobant leur farine. - Item, qu'elles étaient en possession des lieux avant que les demandeurs ne s'y établissent, et par conséquent qu'elles ne devaient pas en être expul­sées, et qu'elles appelleraient de la violence qu'on leur ferait devant le trône du divin Créateur, qui a fait les petits comme les grands et qui a assigné à chaque espèce son ange gardien. -Et enfin qu'elles concluaient que les demandeurs défendissent leur maison et leur farine pari les moyens humains, qu'elles ne leur contes­taient pas ; mais que malgré cela elles continueraient leur manière de vivre, puisque la terre et tout ce qu'elle contient est au Seigneur et non pas aux demandeurs : Domini est terra et plenitudo ejus


« Cette réponse fut suivie de répliques et de contre-répliques, de telle sorte que le procureur des deman­deurs se vit contraint d'admettre que le débat étant ramené au simple for des créatures, et faisant abstrac­tion de toutes raisons supérieures par esprit d'humi­lité, les fourmis n'étaient pas dépourvues de tout droit. C'est pourquoi le juge, vu le dossier de l'instruction, après avoir médité d'un coeur sincère ce qu'exigeait la justice et l'équité selon la raison, rendit un jugement par lequel les frères furent obligés de fixer dans leurs environs un champ convenable pour que les fourmis y demeurassent, et que celles-ci eussent à changer d'ha­bitation et à s'y rendre de suite, sous peine d'excom­munication majeure, vu que les deux parties pouvaient être conciliées sans aucun préjudice pour l'une ni pour l'autre, d'autant plus que ces religieux étaient venus dans le pays par esprit d'obédience pour semer le grain évangélique, et que l'oeuvre de leur entretien était agréable à Dieu, taudis que les fourmis pouvaient trouver leur nourriture ailleurs au moyen de leur in­dustrie et à moins de frais. Cet arrêt rendu, un autre religieux, par ordre du juge, alla le signifier au nom du Créateur à ces insectes, en le lisant à haute voix devant les ouvertures des fourmilières. Chose merveil­leuse et qui prouve combien l'Être suprême, dont il est écrit qu'il joue avec ses créatures : Ludens in orbe terrarum, fut satisfait de cette demande, im­médiatement : It nigrum campis agmen, on vit sortir en grande hâte des milliers de ces petits animaux qui, formant de longues et épaisses colonnes, se ren­dirent directement au champ qui leur était assigné, en abandonnant leurs anciennes demeures ; et les saints religieux, affranchis de leur insupportable oppression, rendirent grâces à Dieu d'une si admirable manifestation de son pouvoir et de sa providence. »
Manoel Bernardes ajoute que cette sentence fut pro­noncée le 17 janvier 1713, et qu'il a vu et compulsé les pièces de cette procédure dans le monastère de Saint-Antoine, où elles étaient déposées.
Un autre procès du même genre eut lieu dans le dix-huitième siècle au Pérou. Une excommunication y fut prononcée contre des termites (espèce de fourmis blanches), désignées dans le pays sous le nom de comejones, lesquelles s'étaient introduites dans une bi­bliothèque et en avaient dévoré un grand nombre de volumes

Telles étaient les singulières procédures dont nous avons essayé de retracer l'histoire. Lorsqu'on voit de pareils moyens sérieusement mis en pratique, com­ment ne pas croire à la vertu des sciences occultes ?
Source:citadelle

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1 commentaire:
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  1. C'est à cause de ces condamnations d'animaux que les chats noirs, considérés comme sataniques sont devenus très rares de nos jours. On les a massacrés par centaines autrefois, et on les a même brûlés vifs les pauvres bêtes, au bûcher, sous prétexte qu'ils étaient des incarnations du diable...
    Et il y a encore de nos jours des sots qui s'alarment s'ils croient un chat noir, et même des qui ont tout simplement peur de ces pauvres créatures, quelle que soit leur couleur !!!
    Et les chats ont toujours une sale réputation par rapport aux chiens, pourtant souvent bien plus dangereux que les chats, quoi qu'on en dise...
    Tinky, que la connerie humaine épatera toujours.

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