jeudi 4 septembre 2008

Trésors de Saqqarah

Les nouveaux trésors de Saqqarah

À une trentaine de kilomètres au sud-ouest du Caire, le site de Saqqarah a livré de nouvelles merveilles. La mission archéologique dirigée par l'égyptologue Christiane Ziegler (1) a révélé au grand jour des tombes inviolées datées du Ier millénaire avant J.-C. À l'intérieur, un mobilier funéraire complet et très bien conservé a été retrouvé (sarcophages, statues, etc.). Retour sur des découvertes spectaculaires.


© Ch. Décamps/Mission du Louvre à Saqqara

Sarcophages du Ier millénaire av. J.-C. découverts dans l'un des caveaux. De différentes formes, cercueils ou anthropomorphes, ils sont en bois et comportent des décors peints, des inscriptions…





© Ch. Décamps/Mission du Louvre à Saqqara

Momie encore pourvue de son masque funéraire en cartonnage, de son linceul et de ses bandelettes. À présent, les radiologues déterminent, sans enlever les bandelettes, l'âge de la momie, son sexe, la cause de la mort, la nature de l'alimentation…


Quel choc et à la fois quel bonheur de découvrir un lieu où personne n'a pénétré depuis 2 500 ans », s'exclame Christiane Ziegler, égyptologue et responsable de la mission archéologique du Louvre à Saqqarah depuis 1991. Une expérience forte vécue par toute l'équipe lors de leur dernière campagne de fouilles, au printemps 2007 2. « Retrouver trois tombes inviolées remplies jusqu'au plafond, c'est exceptionnel.


© Ch. Décamps/Mission du Louvre à Saqqara

Prélèvement de pigments sur un coffret funéraire polychrome en bois de 35 cm de haut. D'autres styles de coffrets existent comme ceux recouverts d'un enduit noir et d'un décor jaune.



Le rêve de tout archéologue !
» Construites à l'intérieur d'anciens mastabas 3, elles renferment une très grande quantité de momies et des dizaines de cercueils en bois peints, en pierre ou en cartonnage (aggloméré de papyrus et de stuc).


© Musée du Louvre/Mission du Louvre à Saqqara/DAE/C. Bridonneau

Un modeste sarcophage en calcaire, ouvert pour radiographier son occupant. Il contient l'une des plus belles momies connues jusqu'à ce jour (mission 2007).




Des statuettes en bois du dieu Ptah-Sokar-Osiris 4 et dix-sept coffrets recouverts d'une fine couche de stuc peinte avec des couleurs très vives ont également été trouvés. Ils viennent compléter ce mobilier funéraire intact.
Ces découvertes prennent place dans un plus vaste ensemble de trouvailles faites dans la nécropole de Saqqarah, l'une des plus anciennes et des plus riches d'Égypte. Il faut dire que cette nécropole est le cimetière principal de la ville antique de Memphis, à la fois capitale, centre économique et religieux. En activité depuis les premières dynasties (vers 3000 av. J.-C.) jusqu'à l'époque romaine, elle compte des dizaines de milliers de tombes. Ainsi depuis 1997, plusieurs sépultures du Ier millénaire avant J.-C. ont été mises au jour au nord de la chaussée menant à la pyramide d'Ounas (dernier roi de la Ve dynastie, 2356 à 2323 av. J.-C.). Et plus d'une centaine de cercueils ont été radiographiés, étudiés, analysés et restaurés.

Qui étaient donc leurs occupants ? Membres d'une ou plusieurs familles, voire d'une communauté plus vaste (regroupement professionnel) ? Difficile à dire. Certains défunts ont été identifiés comme appartenant à la même famille car des noms identiques étaient inscrits sur leur matériel funéraire. Toutefois, dans la majorité des cas, il s'agit d'une véritable énigme. « On constate l'absence du nom et du titre des personnes inhumées. Ce phénomène, insiste Christiane Ziegler, est très remarquable pour une civilisation où, durant des millénaires, la perpétuation du nom était essentielle pour la survie des défunts dans l'au-delà. » Cette disparition progressive, dans la région, vers 400 avant J.-C. dénote d'une profonde évolution des mentalités. Mais elle n'est pas l'unique transformation. À la Basse Époque (664-30 av. J.-C.), Saqqarah devient en effet une ville cosmopolite et ouvre ses portes à une population élargie. Conséquence : l'espace manque et les responsables de la nécropole se retrouvent obligés de déménager le matériel funéraire et de regrouper les cercueils. Comme dans la région thébaine, les rares places disponibles deviennent chères. Les tombes sont alors réutilisées et les sarcophages soigneusement empilés les uns sur les autres.

Ainsi, dans un même caveau, tous les défunts ne sont pas enterrés de la même façon. Les différences de traitement y sont très marquées. Certains sont soigneusement « bandelettés » et parés d'éléments en cartonnage aux couleurs vives et souvent rehaussés d'or (masque, colliers, jambières, semelles…). Ils occupent en général de magnifiques sarcophages en bois peint. D'autres sont à peine embaumés et reposent à même le sol ou dans des cavités (loculi) fermées par des dalles scellées sur lesquelles peuvent apparaître le nom de la personne et une formule pour le dieu Osiris. Les différences de goût, les coûts élevés des caveaux mais aussi de l'embaumement expliquent certainement la grande variété de sarcophages, de techniques de bandelettage, etc.

Comme dans d'autres tombes similaires, on s'étonne de ne voir ici aux côtés du mobilier funéraire que très peu d'objets : quelques statuettes du dieu Ptah-Sokar-Osiris et des coffrets contenant des paquets d'étoffes et des simulacres de viscères. « On trouvait aux époques antérieures des serviteurs funéraires (ouchebtis) et beaucoup de vases canopes renfermant les viscères. Entre l'an mille av. J.-C. et l'époque des Ptolémées 5, ils sont devenus très rares dans cette zone », conclut Christiane Ziegler. Des études pluridisciplinaires et un gros travail de recoupement des sources sont en cours, pour enrichir l'histoire de ces pratiques funéraires du Ier millénaire av. J.-C. Affaire à suivre…

Géraldine Véron
Notes :

1. Laboratoire Arscan (CNRS / Universités Paris-I et X / Musée du Louvre), conservatrice générale, directrice honoraire du département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre, chargée de la publication des fouilles du Louvre à Saqqarah.
2. Architectes, égyptologues, restaurateurs, dessinateurs, etc. ont participé aux fouilles financées par la Mission Recherche et technologie du ministère de la Culture. Plusieurs appartiennent à d'autres unités CNRS : Centre d'études alexandrines (Cealex, Inst. fr. archéo. orientale / CNRS) ; laboratoire « État, religion et société dans l'Égypte ancienne et en Nubie » (CNRS / Université Paris-IV / Collège de France) ; Archéologies d'Orient et d'Occident (Aoroc, CNRS / ENS).
3. Tombeaux des particuliers du temps des grandes pyramides, situés entre 5 et 15 mètres de profondeur. L'accès se fait par des puits funéraires.
4. Syncrétisme entre les grands dieux de la région de Memphis et les protecteurs des morts.
5. IIIe siècle av. J.-C.

Source:cnrs.fr

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