Vous êtes coupable d'être une victime !


« Il avait besoin d’argent », plaide son père. « Il était fou des deux-roues », se rappelle sa jeune sœur, dont le beau visage, découvert l’autre jour à la télévision, et les larmes ne pouvaient que serrer le cœur. « Il avait changé en bien », croit savoir sa compagne, qui attend pour le début de l’an prochain un enfant de lui.
C’est sous des traits aimables que ses proches décrivent Anthony Asli, ce gangster débutant, âgé de dix-neuf ans, qui a perdu la vie la semaine dernière à Nice, le jour de son premier hold-up. Et l’envoyé spécial du Monde sur la Côte d’Azur de renchérir, sans avoir l’excuse de l’amour paternel, fraternel ou conjugal, qui rend aveugle. Commentant une photo du mort, « il avait un visage de poupon pas tout à fait grandi », écrit-il. « Joufflu, enjoué, à dix-neuf ans, il n’en paraissait pas seize. » Un « gamin », en somme, un « petit », tel que le voient encore ses parents.
C’est un portrait moins flatteur qui résulte du casier judiciaire d’Anthony Asli, quatorze fois condamné pour vols, puis vols aggravés (le premier commis dès l’âge de douze ans) et qui, pour son malheur, avait décidé le 11 septembre dernier de changer de niveau et de passer au grand banditisme, avec sans doute l’intention et l’excuse de payer la layette du petit à naître…
Ce n’est pas sous son profil le plus avenant que ce matin-là, à huit heures quarante-cinq, heure d’ouverture de la bijouterie, Anthony Asli est apparu à Stéphane Turk, mais dans un rôle de voyou classique, ganté, casqué, armé. Menacé, frappé à coups de crosse de fusil, dévalisé sous ses propres yeux, ce commerçant de soixante-sept ans, déjà plusieurs fois attaqué, n’avait certes pas prémédité, au contraire de ce visiteur, un tel début de matinée, et pas davantage le geste réflexe et fatal qui lui vaut aujourd’hui, inculpé d’homicide volontaire, de porter comme un repris de justice un bracelet électronique – le même, peut-être, dont Anthony Asli avait été dispensé depuis la fin du mois d’août.
Libération s’étonne et s’indigne que, dans un mouvement de masse dont on ne discute plus l’authenticité et la spontanéité, plus d’un million et demi d’internautes, entre le voyou et l’honnête homme, aient opté pour celui-ci contre celui-là. C’est ce que le quotidien, fidèle à son tropisme taubiresque, ose appeler « le réseau de la haine » ! Le fait nous semble seulement démontrer que le bon sens reste en France mieux partagé que la déraison.

Pascal Rauber serait pourtant en droit d’en douter. Ce concessionnaire moto âgé de cinquante ans, établi à Saint-Julien-sur-Sarthe, village tranquille du département de l’Orne, a été victime depuis 1988 de cinquante-quatre cambriolages ou tentatives de cambriolage, plus de deux par an, le dernier remontant à dix jours. Surprenant lors du cinquante-troisième, le 26 juin dernier, les deux malfaiteurs, fous des deux-roues, sans doute, qui venaient de lui rendre visite, il a tiré sur eux, avec une carabine chargée de petit plomb, alors qu’ils tentaient de l’écraser, et ils ont été arrêtés à la sortie de l’hôpital où ils étaient venus faire panser leurs bobos. Ce pourquoi, bien loin d’être félicité par la gendarmerie, visité par le préfet, décoré par Manuel Valls, M. Rauber, mis en examen pour violences avec arme, est désormais sous contrôle judiciaire, et contraint de demander une autorisation administrative lorsqu’il désire franchir les frontières du département. Cet homme est dangereux. Dame, un récidiviste !
Vous me direz que de ces cinquante-quatre cambriolages il n’est pas l’auteur mais la victime. Nul ne le conteste, mais par les temps qui courent, ce pourrait bien être une circonstance aggravante…

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