La pornographie en consommation courante

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Pornographie, sexisme, banalisation, conséquences

La consommation de pornographie a explosé avec l'arrivée d'internet. Le chiffre d'affaire mondial de la pornographie est estimé entre 50 et 100 milliards de dollars par an. Elle s'invite désormais partout : dans les magazines, les films, les sites internet, les clips musicaux, les jeux vidéos, la publicité, et on voit de plus en plus souvent des actrices et acteurs porno invités dans des émissions de télé... Aujourd'hui, on s'est habitué-e-s au fait que la plupart des hommes consomment régulièrement de la pornographie, on en vient même à estimer que tout homme normal est censé le faire (mais comment faisaient-ils, avant ?). La pornographie est devenu un bien de consommation comme les autres et se fait une place au soleil dans notre quotidien, à la vue de tous, y compris des plus jeunes.
"Ainsi, aux États-Unis, on évalue à 11 millions le nombre de jeunes âgés de moins de 18 ans qui utilisent la pornographie en ligne. Au Québec, on estime que les adolescents, surtout âgés de 13 à 14 ans, représentent environ 30% des consommateurs de porno.
Environ 70% du contenu du Web concerne le sexe ou est lié au sexe."
"Elle est devenue tellement présente qu’elle apparaît normale, voire banale. On ne la remarque plus, on ne la voit plus. Pourtant, la pornographie influence nos perceptions du quotidien, de la vie, de la sexualité et de nos rapports entre les hommes et les femmes."
"Or la pornographie est profondément sexiste et dominatrice. Elle fait la promotion du viol, de la soumission aux désirs masculins et d’une sexualité mécanique, centrée sur l’éjaculation, donc le plaisir viril. La pornographie représente une sexualité exploitée qui renforce ou crée une inégalité. Elle laisse entendre que la douleur et l’humiliation soient un plaisir. L’essence de la pornographie réside dans l’inégalité des partenaires mis en scène. La pornographie contemporaine n’est pas seulement misogyne, elle est aussi profondément raciste. Alors que la très grande majorité des stars de la porno sont de jeunes femmes blanches, les femmes de couleur sont reléguées dans les bas-fonds de la hiérarchie pornographique."
(Source)
Les femmes noires sont couramment présentées dans des scènes où elles sont dominées et exploitées par des hommes blancs. Les hommes noirs, eux, sont présentés comme le summum de la violence et de la virilité, et évidemment, c'est eux qui ont la plus grosse. Les asiatiques sont soumises, les russes sont nymphomanes...
Dans la pornographie, les femmes sont tout simplement des objets à l'intérieur desquels les hommes se masturbent, elles ne sont là que pour être humiliées, avilies, dominées par les hommes. Souvent, elles commencent par dire non, mais on les prend quand même. Elles sont toutes désignées comme des chaudasses, salopes qui l'ont bien mérité. La violence est de plus en plus présente et de plus en plus intense. Les femmes vont subir des pénétrations multiples, être frappées, secouées, insultées, se faire éjaculer sur le visage, faire des fellations profondes à s'en faire vomir, et faire semblant d'aimer ça.
« Ce qui caractérise la pornographie dominante depuis les années quatre-vingt-dix c’est l’escalade de la violence couplée à l’humiliation accrue des femmes. » (Richard Poulin, Pornographie et hypersexualisation)
« Les hommes violents sont attirés par les images de la pornographie qui renforcent et de ce fait accroissent la probabilité d’une orientation vers une sexualité contrôlante, impersonnelle et hostile.»
En 2010, Gérard Leleu, sexologue expliquait à la radio que depuis 30 ans il recueillait les craintes des ados sur leur premier rapport sexuel. Depuis toujours, la crainte des filles était d'avoir mal, et celle des garçons, que ça aille trop vite. Mais depuis quelques années, la grande crainte des filles, c'est qu'on leur réclame sodomie et éjaculation faciale ; celle des garçons, c'est d'avoir un pénis trop petit. Vous ne la voyez toujours pas, l'influence de la pornographie ?
La tendance qui s'impose doucement, c'est que les jeunes, et pas seulement les plus fragiles, commencent à avoir des relations sexuelles précoces alors qu'iels n'y sont pas prêt-e-s, juste parce que "il faut" ; iels peuvent développer une image principalement génitale de la sexualité, basée sur la performance. À force de voir partout les pratiques violentes expérimentées dans la pornographie, et quand on n'a pas d'autre référence, il est normal de finir par croire que ces pratiques sont acceptables et même normales et qu'elles doivent toutes être expérimentées. Ils et elles vont donc être angoissé-e-s à l'idée de ne pas être assez performant-e-s, peuvent parfois adopter des comportements déviants ou compulsifs, et délaissent la sécurité sexuelle (protection contre les IST et contraception).
« Les étudiantes ont le sentiment de ne jamais être à la hauteur, de ne jamais pouvoir demander ce qu’elles veulent. À défaut d’offrir la même chose que la porno, elles ne peuvent espérer garder un amoureux.» (Naomi Wolf dans la revue Châtelaine, Quand la porno tue le désir, juillet 2005)
Les jeunes filles ne pensent pas avoir la légitimité de dire ce qu’elles voudraient faire, elles pensent qu'elles doivent se plier aux normes de la pornographie pour garder leur partenaire. Elles se mettent donc à avoir des préoccupations obsessives par rapport à leur corps, se demandent comment attirer l’attention des garçons et la retenir, peuvent devenir dépendantes affectives.
Les garçons ne se sentent pas non plus à la hauteur, ils pensent qu’ils doivent susciter autant de plaisir et d’enthousiasme chez les filles que dans la pornographie (qui hurlent et gémissent à tout bout de champ). La majorité d'entre eux vont adhérer aux stéréotypes sur la sexualité masculine : il faut avoir des relations sexuelles fréquentes, avec beaucoup de partenaires, la pénétration c'est tout ce qui compte, les pulsions sexuelles des hommes sont incontrôlables et doivent être satisfaites, c'est à eux uniquement d'initier la relation sexuelle... Certains deviennent accros à la pornographie et finissent par ne plus vouloir avoir de relations sexuelles dites normales.
Bref, que d'épanouissement en perspective.
« La pornographie n’aiguise pas l’appétit sexuel des hommes : elle les détourne de la réalité. » (Naomi Wolf dans la revue Châtelaine, Quand la porno tue le désir, juillet 2005)
Accepter cette pornographie, prendre du plaisir en voyant des femmes souffrir, trouver normal qu'elles soient utilisées comme des objets, c'est refuser l'humanité à toutes les femmes de la terre. On ne peut pas prétendre respecter les femmes quand on consomme la pornographie qui nous est servie aujourd'hui. Si on rêve de dominer et d'humilier une femme juste parce qu'elle est une femme, alors on rêve de dominer et d'humilier toutes les femmes.
"Cela fait mal de savoir que qui que vous soyez, en tant que femme, vous pouvez être réduite à un objet à pénétrer et que des hommes achèteront des films à ce sujet et que, dans beaucoup de ces films, votre humiliation constituera le thème central. Cela fait mal de savoir qu’une telle proportion de la pornographie achetée par les hommes associe intimement le désir à la cruauté.
Cela fait mal aux femmes alors que des hommes aiment cela et le simple fait de savoir cela fait mal."

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