9 milliards de bouches

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C'est sans doute pour l'humanité le défi majeur de ces 40 prochaines années. D'ici 2050, alors que la Terre comptera environ 9 milliards d'êtres humains, iil faudra en effet réussir à produire en quantité croissante une nourriture répondant à des normes de qualité exigeantes, ceci en respectant mieux l'environnement. D'où le titre de l'ouvrage co-écrit par Marion Guillou, Présidente de l'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), et Gérard Matheron, Président du Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD), et publié par François Bourin Editeur. Confronté à cet extraordinaire défi, l'homme peut éviter un cataclysme selon les auteurs de cet ouvrage, "mais cela nécessitera de profonds changements, notamment dans nos habitudes de consommation et de production ici en Europe", concluent-ils dans la quatrième de couverture.


L'ouvrage de Marion Guillou et Gérard Matheron
Crédits : Francois Bourin Editeur

"Combien de civilisations se sont-elles effondrées, faute de sécurité alimentaire, ou plus précisément par incapacité de leur agriculture à satisfaire les besoins de la population dans un contexte de surexploitation des ressources naturelles ou de dégâts environnementaux irréversibles", s'interrogent les auteurs en introduction de leur ouvrage. Une question qui mérite d'être posée alors que l'humanité comptera officiellement 7 milliards d'êtres humains en novembre prochain et 9 milliards d'ici 2050, c'est-à-dire demain, dans moins de 40 ans. Se pose alors évidemment une autre question, majeure, celle de nourrir une telle population. "C'est une question que tout le monde se pose mais qui est abordée le plus souvent par le petit bout de la lorgnette en évoquant les récentes émeutes de la faim ou l'achat de terre en Afrique par tel ou tel spéculateur", explique Marion Guillou. Or les deux auteurs, du fait des fonctions qu'ils occupent et de leur parcours professionnel, observent depuis longtemps se qui se passe dans l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, au nord comme au sud. Qui plus est, ils se connaissent bien, d'où l'envie de "donner à voir" à un large public ce que la science a produit durant ces dernières années autour de ces sujets afin de faire partager à chaque lecteur leur compréhension de ce paysage, même s'il n'est pas simple.

Nécessité de ne pas prolonger les tendances actuelles

Leur diagnostic est sans appel : "Oui nous allons nourrir les 9 milliards d'être humains que comptera la Terre en 2050 mais ... à la seule condition de ne pas prolonger les tendances actuelles", déclarent-ils. Pour Marion Guillou et Gérard Matheron, il est urgent de réagir en tant qu'individu, en tant que citoyen, l'INRA et le CIRAD, les organismes qu'ils président, devant également réagir, "parce que le temps de la recherche se mesure en dizaines d'années". Sélectionner une plante résistante à la sécheresse, cela demande en effet une quinzaine d'années de travail. "Au cours de ces trente dernières années, l'agriculture a été très mal traitée dans l'agenda international, notamment par les bailleurs de fonds et une certaine vision politique. Aussi avons-nous décidé d'écrire ce livre pour que l'agriculture revienne sur le devant de la scène", explique Gérard Matheron.

Une chose est sûre : il va falloir inverser les tendances, sinon nous courrons à la catastrophe. Un exemple, celui du gaspillage où des évolutions importantes sont impératives, évolutions qui dépendent, certes, des connaissances scientifiques mais également du comportement de chacun et de la politique. Autre constat des auteurs de l'ouvrage, il ne sera pas possible dans chaque endroit de la planète de nourrir la population qui y habite à partir de ce qu'elle produit. Avec le changement climatique, les pays du sud vont être frappés en effet de la double peine. D'un côté, la production de leurs terres cultivées va diminuer, de l'autre ils disposeront de moins de terres pour l'agriculture. Aussi devront-ils accroître leurs échanges avec les pays du nord. "Pour autant, les pays du sud doivent remettre l'accent sur le développement de l'agriculture paysanne et investir dans les cultures vivrières et des céréales, c'est capital pour s'en sortir", déclare Gérard Matheron. "Vous ne sortirez pas les populations rurales de la pauvreté si vous ne redéveloppez pas l'agriculture locale", confirme Marion Guillou.

Innover et changer notre manière de consommer

S'appuyant sur 43 années de données rétrospectives collectées dans tous les pays du monde, les auteurs de cet ouvrage ont essayé de se projeter sur les 40 prochaines années et de proposer deux scénarios. Le premier d'entre eux montre la poursuite de la tendance actuelle, avec des disparités alimentaires qui s'échelonnent selon les différentes régions du monde entre 2 500 et 4.000 kcalories par jour. Le second, est un scénario de rupture, avec 3.000 kcalories par personne, dont 500 kcalories d'origine animale, pour l'ensemble de la population du globe. "Il s'agissait de montrer quel serait l'impact de cette consommation de viande dans les régimes sur les besoins nécessaires en termes de surfaces agricoles pour produire cette viande", précisent-ils. Ni pessimiste, ni optimiste, Marion Guillou et Gérard Matheron, en scientifiques qu'ils restent avant tout, se veulent objectifs et réalistes. "Il est possible d'éviter le cataclysme qu'envisagent certains. Cela suppose évidemment d'innover considérablement, à tous les niveaux, mais surtout nécessite de changer profondément nos comportements alimentaires et, plus généralement, notre manière de consommer".

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