Les premiers embryons cybrides

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Il aura fallu deux mois et demi pour que les scientifiques de l'Université de Newcastle annoncent les premiers résultats scientifiques dérivant de l'utilisation de l'autorisation qui leur a été attribuée par la HFEA (Human Fertilisation and Embryology Authority, haute autorité britannique réglementant l'aide à la procréation assistée et de la recherche en embryologie) pour créer des embryons humain-animal. Précisons qu'ils avaient attendu plus d'un an avant que cette autorisation ne leur soit accordée : la demande, qui avait été déposée en novembre 2006 et ne fut accordée qu'en janvier 2008, avait fait suite à des recherches similaires et menées à bien par deux groupes chinois, et dont les résultats suggèraient que les embryons obtenus pourraient être utilisés pour étudier des maladies humaines.

En théorie, ces embryons, aussi appelés "cybrides" (pour "hybrides cytoplasmiques"), sont créés par la méthode de transfert de noyau cellulaire, aussi connue sous le nom de clonage thérapeutique. Le procédé consiste à extraire le noyau d'une cellule somatique quelconque (mais non germinale) de l'organisme d'un individu et d'insérer ce noyau cellulaire dans un ovule de lapin ou de bovin préalablement énucléé. Un choc chimique ou électrique permet de déclencher le développement embryonnaire sans fécondation. Bien que se développant au sein d'un ovule d'une espèce différente, les embryons formés sont contrôlés par du matériel génétique entièrement humain. Seul l'ADN des mitochondries de l'ovule représente l'ADN de l'animal, qui n'intervient pas dans le développement génétique de l'embryon.

Pour les chercheurs, cette technique aurait le double avantage de pouvoir faire avancer la connaissance relative au développement et au comportement des cellules souches embryonnaires d'une part, et aux mécanismes de développement de certaines maladies humaines graves d'autre part, sans rencontrer les problèmes liés à l'utilisation d'ovules féminins ou à leur nombre insuffisant.

Les premiers résultats préliminaires, dévoilés par le Dr Lyle Armstrong au cours d'un séminaire à la Knesset en Israël, doivent cependant encore faire l'objet d'une évaluation classique par les pairs avant de pouvoir être publiés. Par ailleurs, le travail effectué à l'Université de Newcastle fut un peu différent de la description théorique énoncée ci-dessous en ce qu'il a consisté à créer un embryon en utilisant un ovule de bovin et une cellule souche embryonnaire (et non une cellule somatique d'un individu adulte), elle-même issue d'une lignée de cellules souches dérivées à l'Université de Newcastle, Ncl-1. Les ovules de bovins avaient été collectés dans les abattoirs locaux sur des animaux destinés à l'alimentation.

Dates ayant marqué, au Royaume-Uni, l'essor de la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires :

1990 : la loi "HFE Act1990" entre en vigueur, réglementant la fécondation humaine et l'embryologie.

1991 : création de la HFEA (Human Fertilisation and Embryology Authority), haute autorité britannique en charge de l'aide à la procréation assistée et de la recherche en embryologie.

2001 : amendement de l'HFE Act1990 : le "Human Fertilization and Embryology (Research Purposes) Regulations 2001", qui élargit les domaines de recherche autorisés et autorise la création d'embryons à des fins de recherche par transfert de noyau cellulaire (clonage thérapeutique).

2002 : dérivation de lignées de cellules souches embryonnaires à partir d'embryons créés par fécondation in vitro (FIV) et rejetés après diagnostic préimplantatoire (DPI).

2003 : première autorisation permettant la dérivation de lignées de cellules souches à partir d'embryons surnuméraires ne faisant pas l'objet d'un projet parental ; obtention de la première lignée de cellules souches embryonnaires humaines, stockée dans la banque de cellules souches au Royaume-Uni (UK STem Cell Bank), inaugurée la même année.

2004 : première autorisation britannique de transfert de noyau cellulaire.

2005 : le Royaume-Uni vote contre la déclaration des Nations Unies sur le clonage humain (appelant à interdire toute forme de clonage humain, reproductif ou thérapeutique) ; novembre : la HFEA autorise le don d'ovule contre rétribution (réduction des coûts de FIV de moitié) et déclare que la création d'embryons chimères ou hybrides humain-animal à des fins de recherche devrait être autorisée.

2006 :
- avril : le Scientific and Clinical Advances Group (SCAG, dont le rôle est de conseiller les membres de la HFEA et de publier ses recommandations sur les développements scientifiques et cliniques dans les domaines de la procréation assistée, de la recherche sur l'embryon et des thématiques associées) annonce qu'il considère que les embryons hybrides cytoplasmiques devraient être considérés comme des embryons humains.
- mai : le Ethics and Law Committee (ELC, comité se réunissant de façon trimestrielle pour évaluer les questions éthiques, sociales et juridiques émanant de ou touchant les activités de la HFEA) corrobore l'avis du SCAG et déclare que tout embryon contenant de l'ADN nucléaire humain et de l'ADN mitochondrial animal doit être considéré comme un embryon humain au regard de l'HFE Act1990.
- novembre : deux équipes scientifiques (King's College London et Université de Newcastle) déposent auprès de la HFEA des demandes d'autorisation de créer des embryons hybrides cytoplasmiques à des fins de recherche.
- décembre : le gouvernement publie un Livre Blanc sur la révision de la loi HFE Act1990, dans lequel se trouve, entre autres propositions, l'interdiction de mener des recherches sur les embryons hybrides et chimères contenant du matériel génétique humain.

2007 :
- janvier : la HFEA déclare que la création d'embryons hybrides cytoplasmiques tombe probablement dans ses attributions de réglementation et de dispense d'autorisation à mener les projets qui lui sont soumis.
- octobre : la position du gouvernement britannique s'est assouplie dans sa proposition de loi, qui donne en substance le feu vert pour que la recherche scientifique soit autorisée sur tous types d'embryons inter-espèces, à l'exception des embryons hybrides humain-animal "vrais", c'est-à-dire ceux créés à partir de gamètes humain et animal.

2008 :
- janvier : la HFEA accorde les deux premières autorisations de création d'embryons cybrides, à des fins de recherche exclusivement ; mars : les premiers embryons cybrides sont créés à Newcastle.
- mai : la loi devrait être votée au Parlement - date non confirmée.

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