Vers une bactérie synthétique ?


Des chercheurs américains de l'Institut Venter ont fabriqué le premier génome synthétique d'une bactérie. Une étape cruciale pour la création du premier organisme vivant artificiel, dont les applications potentielles sont jugées importantes, selon des travaux parus jeudi dans la revue Science. Jugée «enthousiasmante» par ses auteurs, cette avancée suscite le scepticisme d’autres chercheurs et l’inquiétude des comités de surveillance éthique nord-américains. Un collier de 600.000 perles Hamilton Smith et ses collègues Venter Institute de Rockville (Etats-Unis) affirment avoir recréé en laboratoire un brin d’ADN long de 582.970 bases, intégrant les 485 gènes nécessaires à la survie de la bactérie Mycoplasma genitalium. C’est la plus longue séquence ADN jamais synthétisée par des moyens chimiques.
Copier-coller l’ADN Les scientifiques expliquent être parvenus à cette prouesse technique en produisant les fragments d'ADN de cette bactérie dans leur laboratoire, développant de nouvelles méthodes pour les assembler et les reproduire. Ils avaient préalablement dépouillé le génome des gènes inutiles, ne conservant que ceux nécessaires à sa survie. «Nous avons montré qu'il est possible de créer artificiellement de grands génomes et d'en ajuster la taille, ce qui ouvre la voie à des applications potentielles importantes telles que la production de bio-carburants», explique Hamilton Smith.
Dernière étape avant Frankenstein Cette recherche «représente la deuxième des trois étapes vers la recréation d'un organisme vivant entièrement artificiel», précise Dan Gibson, l’un des coauteurs de l’étude. La première étape avait été franchie en 2007 avec le transfert d'un génome d'une bactérie à une autre bactérie, devenue une espèce différente dans ce processus. Pour l'étape finale, les chercheurs de l'Institut Venter vont tenter de créer une cellule artificielle de bactérie basée sur le génome synthétique de la bactérie Mycoplasma genitalium, qu'ils viennent de reproduire.
Des doutes… Eckard Wimmer, professeur de biologie moléculaire au Département de Génétique Moléculaire à l'Université de New York et dont l‘équipe est déjà parvenue à recréer le virus de la polio, semble plus circonspect quant à la réussite des chercheurs du Venter Institute. Il s’étonne notamment que l’équipe de Rockville n’ait pas déjà pu récréer un organisme artificiel avec le génome qu’elle avait synthétisé. «Ils auraient dû être en mesure de recréer un organisme artificiel dès la seconde étape franchie, objecte-t-il l'ADN synthétique recréé n'était apparemment pas viable pour des fonctions biologiques». Bref, pour Wimmer, parler de vie artificielle est encore très prématuré.
… et des inquiétudes Par ailleurs, plusieurs comités d’éthiques américains et britanniques critiquent vivement les travaux de Venter tout en appelant à un moratoire sur la production et la commercialisation d'organismes synthétiques. C’est notamment le cas de l’ETC Group, qui dans un communiqué publié jeudi affirme: «Nous pensons qu'il est inacceptable que des entreprises privées bricolent les éléments de base de la vie pour leur propre gain sans réglementation démocratique». L’ETC diffuse par ailleurs une BD expliquant, de manière très critique, les travaux de Venter. En Grande Bretagne,Helen Wallace, la porte-parole de l’association Genewatch prévient: «Cette ingénierie génétique ouvre la possibilité de faire des changements beaucoup plus importants dans le code de la vie ....et de créer des organismes dont les conséquences sur l'environnement pourraient être inconnues».

20minutes.fr/

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