Une vierge enceinte?

En théorie, oui. Mais à condition qu’un certain nombre d’événements rares s’enchaînent rapidement, et les chances pour que cela se passe dans la vraie vie sont proches de zéro. Pour qu’une vierge tombe enceinte, un de ses œufs doit produire, de lui-même, les changements biochimiques qui suivent normalement la fécondation, et ensuite connaître une division cellulaire anormale pour compenser l’absence de l’ADN du sperme. C’est la partie la plus facile: ces deux événements se produisent dans les œufs ou dans les cellules précurseurs des œufs d’une femme sur quelques milliers. Mais les œufs doivent aussi porter au moins deux délétions génétiques spécifiques pour devenir un bébé qui a des chances de survivre.

Un œuf commence seulement à se diviser une fois qu’il repère un pic de calcium dans les cellules. C’est habituellement une conséquence de l’arrivée du sperme lors de la fécondation. Mais si l’œuf vient à détecter un pic de calcium spontané, il va commencer à réagir comme s’il avait été fécondé. Un sperme défectueux qui manque d’ADN peut produire un faux pic de calcium. Dans les labos, les scientifiques savent pousser des œufs non fécondés à entamer le processus post-fécondation en leur injectant simplement du calcium.

Une fois fécondé, ou faussement fécondé, l’œuf peut passer à la dernière étape de la division cellulaire, appelée méiose II, pendant laquelle il perd la moitié de son matériel ADN pour faire de la place à l’ADN du sperme. Mais s’il n’y a pas de sperme, chaque moitié de la cellule d’œuf ainsi divisée va mourir. Pour qu’une vierge soit enceinte, l’œuf faussement fertilisé doit donc subir une méiose incomplète.

Ces deux événements – le pic de calcium et l’erreur de division – peuvent survenir à cause de disfonctionnements dus au hasard ou de défauts génétiques. Si c’est le cas, la cellule œuf peut alors entamer le processus de parthénogenèse, ou reproduction virginale. Quand ça arrive à une cellule précurseur d’œuf, ça peut donner une tumeur faite de plusieurs types de tissus – par exemple du foie, des dents, des yeux et des cheveux.

La parthénogenèse chez les humains ne produit cependant jamais d’embryons viables, parce que les œufs non fécondés manquent d’informations spécifiques sur l’expression génique du sperme. En général, nos cellules ont deux copies fonctionnelles de chaque gène – l’une héritée de la mère, l’autre du père. Pour certains gènes toutefois, une seule copie est utilisée, l’autre sommeille. Certains des signaux qui mettent les copies en veilleuse viennent des cellules du sperme. Sans sperme, certains gènes seront donc surexprimés et l’embryon va mourir environ au 5e jour.

Mais il y a également une solution à ce problème. En éliminant une paire de gènes maternels, une équipe japonaise a pu créer, par parthénogenèse, un bébé souris viable qui ne semblait pas affecté par le manque de l’empreinte paternelle. Même si c’est en laboratoire que ces scientifiques ont mis en oeuvre ces modifications, il y a au moins une possibilité théorique pour que cela arrive spontanément par délétions génétiques aléatoires.

C’est pourquoi, même s’il est possible pour un bébé de naître d’une mère vierge, c’est très très improbable. Ces deux délétions génétiques doivent avoir chacune une chance sur un milliard d’avoir lieu, sans compter le pic de calcium et le problème de division nécessaire dans un premier temps pour engager la parthénogenèse.

Bonus: est-ce qu’il y a déjà eu des cas de vierges enceintes dans l’histoire médicale ? En quelque sorte. Selon un article paru en 1995 dans la publication Nature Genetics, une mère a apporté son bébé chez le docteur parce que sa tête ne se développait pas normalement. Quand les docteurs ont analysé son sang, ils ont trouvé quelque chose de vraiment bizarre: malgré ses traits physiques de garçon, ses cellules sanguines étaient entièrement féminines, elles provenaient seulement du matériel génétique de la mère. Certaines de ses autres cellules, par exemple celles trouvées dans son urine, étaient normales, résultant d’une combinaison d’ADN à la fois maternel et paternel. Personne ne sait exactement comment c’est arrivé, mais l’hypothèse la plus probable est que, une fois fertilisé, un des œufs de la mère a fusionné avec un œuf voisin non fécondé qui se divisait selon la parthénogenèse. Et cela a donné naissance à un garçon que l’on peut considérer comme à moitié parthénogénésique, puisque environ la moitié de ses gènes étaient dérivée d’une fausse conception, ne contenant rien de l’ADN du père.
Source:20minutes

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