AGRESSION DU MÉTRO DE LILLE: POURQUOI ON NE BOUGE PAS ?

L’affaire a provoqué le buzz sur Internet : dans la nuit de samedi 3 à dimanche 4 mai, à la gare du Nord à Paris, un légionnaire a tué un dealer. L’homme, accompagné d’une femme, a été abordé par le délinquant qui lui a proposé de la drogue. Sur le refus du militaire, le trafiquant se serait montré menaçant, avant de sortir un couteau avec lequel il aurait menacé le couple. C’est alors que le légionnaire, pour se défendre, aurait retourné l’arme contre son agresseur, le blessant mortellement et recevant, pour sa part, un coup à la main.
La première réaction face à ce triste fait divers est celle d’un enfant dans la cour de récré : bien fait ! Facebook s’est enflammé, un comité de soutien est apparu instantanément et, à ce jour, continue d’engranger des milliers de « J’aime ». Cela rappelle furieusement l’épisode du bijoutier de Nice, qui a tué son braqueur d’un coup de fusil.
Le Figaro nous apprend que l’agressé a été placé en garde à vue, et que le parquet de Paris vient d’ouvrir une information judiciaire pour homicide volontaire. Certains s’en émeuvent, arguant du fait que le militaire était en état de légitime défense, et qu’il n’a fait que protéger sa vie et celle de sa compagne menacée par « une racaille ». Si le sentiment qui inspire ces commentateurs est compréhensible, jusqu’à la qualification peu amène dont ils affublent l’auteur de l’agression, si l’on peut même le partager, il n’en reste pas moins que le parquet n’a pas d’autre choix que d’agir ainsi.
Il y a mort d’homme. Et, en l’espèce, c’est bien le militaire qui a tué le« jeune » ; en français, cela s’appelle un homicide. Le fait que l’auteur des coups mortels ait été agressé ne change rien à la qualification juridique des faits, indépendamment de toute appréciation morale.
L’article 122-5 du Code pénal dispose : « N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte. » C’est le principe de la légitime défense. Afin de l’établir, il est indispensable qu’une enquête ait lieu et reconstitue les circonstances dans lesquelles les faits se sont déroulés ; qu’au cours de cette enquête le militaire puisse se défendre, prendre connaissance des témoignages qui seront portés contre lui, et faire valoir sa propre version des faits. Il faut appliquer les règles de procédure pénale qui impliquent, quoi qu’on en dise, une garde à vue et, sans doute, une instruction confiée à un juge.
Si les circonstances sont telles que décrites par le légionnaire, la légitime défense peut être retenue. Dans ce cas, il ne sera pas pénalement responsable. Il faut l’espérer. Mais on ne peut pas tout à la fois dénoncer l’existence de zones de non-droit et refuser l’application de la loi ; ensemble déplorer la violence aveugle de certains individus et faire fi du principe fondamental de l’État de droit, selon lequel nul ne peut se faire justice lui-même. Il faut espérer que ce jeune et courageux soldat sera finalement innocenté. L’institution judiciaire s’honorera — pour une fois ! — en appliquant la loi au service de la plus haute vertu politique : la justice.

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