Le contrôle du Web met la liberté sous pression.

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http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/70828.htm
Des valeurs pourtant clamées par de multiples associations, des principes ardemment défendus par le collectif Anonymous, les libertés sur Internet et la neutralité du Web semblent avoir été sérieusement remises en cause ces dernières semaines aux Etats-Unis comme en France. Pourtant, même si la plupart des évènements ont été amplement relayés par la presse, les critiques s'estompent rapidement avec le temps. Alors que s'est-il donc passé cet été ? Quels sont ces principes qui semblent avoir été bousculés par ces dernières déclarations ? Voici un tour de l'actualité de l'été sur ces sujets.

Obama et le décret controversé
Début juillet, Barack Obama signe de manière très discrète un décret présidentiel [1] destiné à renforcer les prérogatives d'agences fédérales américaines sur les télécommunications et leurs réseaux en cas de crise nationale. Ces pouvoirs accrus donnent, entre autres, la possibilité aux agences gouvernementales d'intervenir dans la mise en oeuvre, la gestion ou encore le contrôle des réseaux de communications non militaires. Ces derniers incluent les réseaux ouverts au grand public et implique la possibilité pour le département à la Sécurité intérieure des Etats-Unis (DHS [2]) d'intervenir sur ce réseau en nous laissant la liberté d'imaginer tous les débordements possibles. Il n'y a d'ailleurs pas besoin d'une forte dose d'imagination. Il suffit simplement de se rappeler la répression sur Internet - espionnage, censure ou suspension pure et simple du réseau - organisées par les gouvernements contestés lors des révolutions du Printemps arabes, ou encore le projet du Bouclier d'Or en Chine entrainant des suspensions temporaires de sites, censures ou autres espionnages sur Internet. Même si ces faits restent extrêmes, ce décret n'a pas tardé à déclencher les inquiétudes des associations de défense de la vie privée des utilisateurs [3]. L'internet est encore considéré comme un espace de liberté garantissant une certaine protection de la vie privée de ces utilisateurs. En intervenant dans la gestion des réseaux publics, l'état s'offrirait ainsi la possibilité de collecter des données privées, de même que de priver la population américaine de l'accès à Internet au titre de la sûreté nationale, notion à l'interprétation pouvant être bien vaste.

Réflexions autour d'un Internet ouvert par les parties prenantes américaines et l'Europe
Plus tard dans le mois, lors du Forum américain de la Gouvernance de l'Internet (IGF-USA [4]), forum de préparation national en vue du sommet mondial qui se tiendra du 6 au 11 novembre 2012 (possibilité de suivre le forum en webcast [5]), un groupe de réflexion se penchait sur la neutralité de l'Internet. Il faut savoir que ce forum bénéficie d'une notoriété certaine. Il rassemble une très grande partie des principaux acteurs des écosystèmes d'Internet et a pour but d'engager les discussions et réflexions autour de thèmes définis. Des spécialistes se sont donc rassemblés autour des questions et enjeux de la survie d'un Internet ouvert. Le sujet, large, a donné lieu à des discussions sur de multiples domaines allant du droit à l'accès à l'Internet jusqu'aux limites des droits de la propriété intellectuelle. Il a notamment été question de la neutralité du réseau, thème si cher au père fondateur du Web [6], Tim Berners-Lee, mais aussi au respect de la vie privée des internautes qu'il faut maintenir coûte que coûte. La même semaine à Bruxelles, la Commission Européenne lançait une consultation publique sur la neutralité du Web. Ce thème semble sensible à l'Europe puisqu'il avait déjà fait l'office d'une précédente consultation en 2010 [7] qui avaient abouti à des recommandations vivement critiquées. L'Europe devra donc patienter quelques mois pour en extraire de nouvelles recommandations.

La NSA veut contrôler ce qui se passe sur Internet
Le lendemain, durant la Defcon2012 [8], c'est au tour du directeur de la NSA (Agence de la Sécurité Nationale américaine [9]), le général Keith Alexander, d'aborder le sujet de la cybersécurité nationale en appelant à plus de contrôle sur le Web. A l'heure actuelle, le général Alexander a assuré que le NSA ne contrôlait rien des entrées et sorties numériques du territoire et qu'ils ne pouvaient prévoir une attaque imminente de Wall Street par exemple. Pourtant il y a quelques mois, the Wired diffusait une toute autre version de ces propos [10]. Le général a donc émis le souhait de repenser la structure décentralisée du réseau Internet afin de permettre à la NSA de contrôler plus facilement les actions des hackers et de les identifier rapidement en cas de menaces ou d'attaques. Il souhaite ainsi donner à la NSA le rôle d'assurer la sécurité des infrastructures du coeur du réseau national et de ses systèmes vitaux, tout en veillant à rassurer son auditoire. Il n'est pas question de s'immiscer dans la vie privée des internautes mais seulement de pouvoir retracer les activités suspectes en se basant sur l'analyse d'adresses IP, une méthode quasi-anonyme. Quasi-anonyme car une adresse IP ne représente rien à elle seule, mais couplée à d'autres informations elle permet d'identifier une personne bien précise.

Les contradictions semblent donc se poursuivre et le combat ne fait que commencer entre les défenseurs d'un Internet libre et les états ou agences chargés de la cybersécurité des nations. La France fait aussi face à de telles problématiques en annonçant il y a quelques jours [11] l'idée d'une fusion entre la CSA [12] et l'ARCEP [13]. Il y a d'une part les règles qui régissent Internet depuis ses débuts dont les libertés fondamentales, héritées de la société démocratique et de ses droits de l'homme. Et il y a d'autres part la nécessité pour les états de gérer au mieux les réseaux d'information de leur nation et de faire face aux évolutions technologiques des cybercrimes et attaques numériques visant aussi bien les états eux-mêmes que leur économie, leurs entreprises ou leurs concitoyens. Cependant, les évolutions devront se faire en toute transparence et répondre à ces deux exigences d'assurer au mieux la protection d'un réseau Internet devenu un des systèmes indispensables de la société toute en laissant au peuple ses libertés parfois si chèrement acquises.

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